Trois jours après une manifestation anti-gouvernement inédite qui appelait notamment des réformes de la monarchie, la police, le chef de l’armée et un fonctionnaire royaliste montent au créneau
Cinq organisateurs de manifestations menées par des étudiants ces derniers jours pour protester contre le gouvernement, ont été convoqués par la police thaïlandaise mercredi, tandis que le chef de l’armée a conspué les "haïsseurs de la nation", les comparant à une "maladie incurable", et qu’un fonctionnaire a déposé une plainte pour lèse-majesté.
La police affirme que les organisateurs ont enfreint l’état d'urgence imposé depuis mars dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, le décret interdisant les grands rassemblements.
Parmi les personnes convoquées pour interrogatoire figure l'avocat défenseur des droits de l'homme, Anon Nampa, l’un des orateurs de la manifestation du 3 août qui avait demandé des réformes de la monarchie thaïlandaise, un sujet extrêmement sensible.
Cependant, la police a affirmé à Reuters que l’homme de 35 ans avait été convoqué par rapport à une autre manifestation ayant eu lieu en juillet devant le quartier général de l'armée.
Depuis la mi-juillet, des rassemblements quasi quotidiens menés par des étudiants ont lieu un peu partout en Thaïlande. Les manifestants exigent la démission du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha et des amendements à la Constitution, rédigée par l'armée peu après le coup d’Etat de 2014 et qui, selon eux, maintient l'influence de l'armée sur le système politique.
Les cinq organisateurs ont été "convoqués pour interrogatoire et pour entendre l'accusation de violation du décret d'urgence", a déclaré à Reuters le lieutenant-colonel de police Athich Donnanchai, directeur adjoint de la police de Nanglerng.
Interrogé sur cette convocation, Anon Nampa a déclaré dans un SMS que le décret "est une loi destinée à bâillonner et bloquer l'activisme".
En réponse à ce genre de critiques, le gouvernement avait déclaré le mois dernier que le décret d'urgence en place depuis mars ne serait invoqué que dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, puis plus récemment avait assuré qu'il ne serait pas utilisé pour empêcher les rassemblements politiques.
Six meneurs de la contestation et militants politiques dans deux provinces différentes ont été convoqués le mois dernier pour avoir enfreint le décret d'urgence, entre autres infractions présumées.
Anon Nampa fait par ailleurs l'objet d'une plainte individuelle déposée mercredi par un fonctionnaire qui a demandé à la police de prendre des mesures contre l’avocat pour violations du décret d'urgence et de la Constitution, concernant ses propos sur la monarchie.
Diffamer la monarchie thaïlandaise est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison en vertu de la sévère loi sur le lèse-majesté, une loi qu'Anon avait également critiquée lors de ses prises de parole dans les rassemblements.
La police a fait savoir qu'elle examinait le déroulement de la manifestation de lundi, dans laquelle Anon était un orateur clé.
Le chef de l'armée Apirat Kongsompong, fervent défenseur de la monarchie et des valeurs traditionnelles, n’a pas manqué de rappeler à quel point il fallait détester ceux qui pensent différemment. Lors un discours prononcé mercredi dans une académie militaire, dans un passage évoquant le coronavirus, il s’en est pris aux "haïsseurs de la nation", un terme de plus en plus utilisé pour décrire les opposants à l’establishment Thaïlandais, sans toutefois faire référence aux manifestations.
"Haïr la nation, haïr son propre pays, c'est une maladie incurable", a-t-il dit aux cadets de l'armée.
Le journal Khaosod English note que le général a refusé de répondre à un journaliste qui lui demandant comment pouvait-on éradiquer cette "maladie", mais il a dit aux cadets qu'il était possible de l'éviter en cultivant un état d'esprit patriotique dès l'enfance.