A quelques jours du premier tour des élections législatives, Sébastien Cochard, candidat Front National pour la 11eme circonscription des Français de l’étranger a fait un passage par la Thaïlande pour rencontrer les Français dans la station balnéaire de Pattaya, deuxième bassin de population française dans le royaume et rare bastion FN dans une circonscription qui n’a donné que 12,49% à Marine Le Pen lors du 2e tour de la Présidentielle. Cet expatrié de longue date est rompu à la vie à l’étranger et connait bien la 11e circonscription pour avoir occupé un poste couvrant l’Asie-Pacifique depuis Hong Kong pour BNP Paribas avant d’œuvrer comme conseiller pour la Russie. Il avait auparavant occupé plusieurs fonctions diplomatiques, et même été consul à New York. Aujourd’hui, conseiller pour des parlementaires européens, il dit vouloir mettre son expérience au service des Français de la région
Pouvez-vous revenir sur votre parcours, notamment ce qui a suscité votre engagement en politique et ce qui vous a amené à choisir de vivre à l’étranger ?
J’ai toujours eu la volonté de servir mon pays et mes concitoyens, dans des fonctions à l’étranger. J’ai ainsi commencé ma carrière en 1994 à la division de coopération économique et financière de l’Inspection Générale des Finances, que je représentais en Europe centrale et orientale. J’ai ensuite été nommé à plusieurs postes diplomatiques : Alger en 1997-98 en pleine guerre civile ; à l’ambassade de France à Rome en 1998-2000, au moment de la mise en place de l’euro et à New York entre 2000 et 2003 où j’ai été Consul et représentant du Trésor français auprès de Wall Street. Ma dernière fonction diplomatique remonte à 2005, mais j’ai ensuite été délégué aux affaires publiques/gouvernementales d’une grande banque Française, dont les intérêts internationaux coïncidaient toujours avec les orientations stratégiques du gouvernement Français.
Une autre cause de mon engagement politique est que j’ai quatre enfants binationaux et que je me sens directement responsable de leur avenir. Je voudrais qu’ils connaissent une France souveraine, forte sur le plan économique et qui rayonnerait à l’international. J’aimerais aussi que mes enfants puissent avoir les mêmes droits républicains que ceux qui vivent dans l’Hexagone. Elu député, je me battrai pour obtenir la gratuité de la scolarité pour tous les jeunes Français inscrits dans les établissements publics français à l’étranger, gratuité qui fait partie du Pacte républicain depuis Jules Ferry.
Quel est selon vous le rôle que doivent jouer les députés des Français de l’étranger ?
Un député des Français de l’étranger, comme chaque député, a vocation première à être le Représentant de l’ensemble de la Nation dans le travail de l’élaboration législative du pays. Il est de surcroît, en effet, le porte-voix des électeurs de sa circonscription à l’Assemblée Nationale. A ce titre, il s’attache donc à défendre leurs besoins au travers des projets de lois et des amendements qu’il peut soumettre.
Un député des Français de l’étranger doit également défendre les intérêts de ses compatriotes auprès des gouvernements de leurs pays de résidence. Cela implique donc de bien connaître les problèmes auxquels sont confrontés les Français de l’étranger dans leur vie quotidienne. De par sa présence en commission et son statut de membre de droit de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), le député des Français de l’étranger a d’ailleurs tous les outils en main pour faire avancer les dossiers. Certaines contraintes ou problèmes peuvent relever du droit local du pays dans lequel ces Français de l’étranger résident. Le député doit pouvoir, si la situation l’exige et si le Gouvernement y est favorable, apporter son aide et son expertise au Ministère des Affaires étrangères afin de contribuer à la résolution de ces problèmes.
La 11eme circonscription est très vaste, en quoi pensez-vous avoir les épaules pour la représenter et comment entendez-vous procéder et vous organiser ?
Après que BNP Paribas a décidé en 2010 de me nommer délégué aux affaires gouvernementales pour l’Asie-Pacifique, basé à Hong Kong, j’ai couvert une cinquantaine de pays, de la Nouvelle-Zélande à la Russie et du Japon à l’Inde, zone qui recouvrait exactement la 11ème circonscription. Je m’attachais notamment à mettre en place les conditions du développement des activités transfrontalières des marchés financiers de la région, ainsi que de rassurer les gouvernements et fonds souverains d’Asie-Pacifique sur la robustesse des banques françaises. Il m’arrivait certains matins de ne plus me souvenir quand quel pays je me réveillais !
Contrairement à l’UE, chaque discussion ou négociation avec chaque gouvernement dans la circonscription était une expérience entièrement nouvelle. J’entends mettre mon expérience au service des Français de la région pour être également leur représentant vis-à-vis des gouvernements de la circonscription.
Ayant vécu 32 ans hors de France dont 10 années passées dans différents pays de la 11ème circonscription, je pense être, parmi les candidats, celui qui est le mieux à même de comprendre les préoccupations et les espérances de mes compatriotes qui résident à l’étranger.
Quels sont les sujets qui préoccupent le plus les Français de l’étranger aujourd’hui? Ceux de la 11e circonscription et de la Thaïlande en particulier sont-ils différents ?
Il me semble que les sujets qui préoccupent le plus les Français de l’étranger aujourd’hui concernent l’éducation de leurs enfants, la fiscalité et la protection sociale. Concernant l’éducation, c’est la cherté des frais de scolarité qui est le problème principal. Les nombreuses injustices fiscales comme le paiement de la CSG/CRDS par les non résidents fiscaux en France (hors UE) sont également un gros problème. Enfin, l’absence d’une protection sociale à la fois bon marché et efficace est également un souci majeur pour nos compatriotes. Les préoccupations des Français de Thaïlande sont pour la plupart similaires à celles de nos compatriotes dans la 11ème circonscription.
Il existe toutefois des problèmes spécifiques. Je pense notamment aux nombreux refus d’attribution des visas Schengen aux ressortissants thaïlandais "parrainés" par nos compatriotes. Je considère personnellement que la garantie personnelle – ou "parrainage" – qu’un compatriote peut offrir dans ce cas doit être un élément décisif en faveur de l’obtention, alors qu’au vu des statistiques de refus, celle-ci serait plutôt aujourd’hui un obstacle. Si je suis élu, j’interpellerai dès le début de mon mandat notre ministre des Affaires étrangères quant aux critères d’attribution des visas Schengen aux ressortissants de nos pays hôtes.
Pouvez-vous nous donner au moins trois propositions que vous vous engagez à défendre si vous étiez élu concernant les Français de l'étranger?
Si je suis élu député, mes trois priorités seront les suivantes :
1- Garantir la gratuité de la scolarité pour tous les jeunes Français inscrits dans les établissements publics français à l’étranger. Les frais de scolarité dans les écoles françaises à l’étranger sont, à l’heure actuelle, bien trop élevés, les critères pour obtenir une bourse étant également trop restrictifs et les montants alloués insuffisants. Nous nous retrouvons donc dans une situation où des enfants de riches parents étrangers peuvent apprendre le français à l’école française tandis que nos enfants n’ont pas les moyens d’apprendre en classe leur langue maternelle. C’est un obstacle grave à l’accès à l’école républicaine pour tous les enfants français.
2- Supprimer le paiement de la CSG-CRDS pour les Français de l’étranger non résidents fiscaux en France et assurer le remboursement des trop-perçus selon la loi. Sur ce point également il y a une injustice flagrante entre les Français de l’étranger et leurs compatriotes résidant dans l’Hexagone puisque les deux doivent payer des cotisations sociales mais que seuls les seconds sont couverts par la Sécurité sociale. Je souhaite également déduire certaines charges de l’impôt sur le revenu payé en France : versements de pensions alimentaires, frais liés à la prise en charge de personnes en situation de dépendance.
3- Je souhaite travailler à obtenir une modulation de la difficulté d’accès à la nationalité française par mariage en fonction des flux migratoires que présente le pays du conjoint non-Français : c’est-à-dire rendre plus facile l’acquisition de nationalité pour les pays à faible flux migratoire (ce qui est le cas de l’ensemble de la 11ème circonscription) et plus difficile pour les pays qui présentent un solde migratoire très élevé vers la France. Je souhaite également travailler à une évolution de l’acquisition de la nationalité par le droit du sol (le simple fait de naître en France, de deux parents étrangers, permet de devenir Français) de manière à faire converger le droit Français (le plus laxiste dans l’Union Européenne) vers le droit allemand, plus restrictif.
Que pensez-vous du bilan du député sortant ?
Comme l’exprimait récemment de manière imagée mais explicite un électeur LR à Singapour, "Thierry Mariani est en première ligne depuis 25 ans et n’a jamais marqué un seul but". Sur les problèmes d’éducation, de fiscalité et de protection sociale, les choses n’ont en effet pas beaucoup évolué en particulier depuis cinq ans que M. Mariani représente les Français de l’étranger, sauf pour aller de mal en pis.
Je note également l’incohérence de M. Mariani entre ses prises de position personnelles sur l’immigration, le droit d’asile, la Russie ou la Syrie et le fait qu’il soit toujours encarté dans un parti (LR) qui flirte avec la "majorité présidentielle" et qui combat résolument la plupart des positions de M. Mariani. Illustration de cette inconséquence, M. Mariani est ouvertement et activement soutenu par les partisans de M. Juppé au sein de la circonscription. L’objectif principal -voire unique- de M. Mariani est d’être réélu, encore et encore, et il attire depuis trop longtemps vers lui, par ses postures électorales, des électeurs naturels du Front National, pour au total ne jamais faire que délivrer des politiques "majorité présidentielle" d’inspiration juppéiste.
Une question qui revient souvent vis-à-vis du vote Front National à l’étranger et qui a suscité des centaines de commentaires sur la page Facebook Lepetitjournal.com Bangkok au moment de la Présidentielle est : "Comment peut-on vivre à l’étranger et voter FN ?". Que répondriez-vous ?
Honnêtement j’ai du mal à comprendre le sens de cette question. Pourquoi ne pourrait-on pas vivre à l’étranger et voter FN ? En quoi cela serait-il incompatible ? Nos électeurs expatriés sont des personnes responsables et adultes, comme vous et moi, parfaitement intégrés dans leur pays d’accueil. Ils parlent le plus souvent la langue du pays, apprécient sa culture et respectent comme il se doit ses lois et ses coutumes. Et puis, de nombreux sympathisants frontistes ont épousé un conjoint de nationalité étrangère et ont des enfants binationaux. Comment pourraient-ils être considérés comme racistes envers leur conjoint et surtout leurs propres enfants ? C’est absurde ! Nos électeurs souhaitent simplement maintenir vivace une France souveraine, fière de ses racines et de ses valeurs ; une France moderne et dont la culture rayonne à l’international. Dans un monde où les différences culturelles sont niées et aplanies, les nations qui ont réussi à s’adapter à la mondialisation tout en préservant jalousement leur langue, leur culture et leur identité (j’en prendrais comme exemple le Japon, la Corée du Sud, la Thaïlande...) respectent d’autant plus les citoyens d’autres pays qu’ils sont fiers de leur propre culture et soucieux du maintien de leur identité nationale.
Comment percevez-vous l’approche du gouvernement actuel en ce qui concerne les Français de l’étranger? Seriez-vous prêt à voter des propositions de loi venant du camp adverse si elles allaient dans le sens de votre engagement ?
Candidat investi par le Front National, il est évident que, élu, je considèrerai avec circonspection toute initiative venant du gouvernement de M. Edouard Philippe. J’examinerai toujours les propositions de loi au cas par cas, avec cependant le souci de chercher à éviter l’accélération de la vente par appartements de l’économie Française et l’auto-dissolution de son modèle social tels qu’ils nous ont été promis par M. Macron.
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Propos receuilis pas Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) vendredi 2 juin 2017
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