Au moins quatre personnes ont été tuées dans l'explosion en série de bombes jeudi et vendredi en Thaïlande, notamment dans la station balnéaire touristique de Hua Hin, les militaires au pouvoir privilégiant la piste locale.
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LES SUSPECT HABITUELS La police thaïlandaise a déclaré que les attentats étaient des actes de sabotage local et non l'ouvre de terroristes internationaux ni même des indépendantistes malais-musulmans de l'extrême sud. Néanmoins, ces déclarations sont à prendre avec prudence. Les autorités sont en effet souvent critiquées pour leur tendance à écarter hâtivement les pistes dérangeantes. Elles avaient notamment refusé l'an dernier de considérer l'attentat de l'autel Erawan qui avait tué 20 personnes à Bangkok, comme une attaque terroriste. Les explosions d'engins artisanaux ne sont pas rares surtout en période de fortes tensions politiques, mais ces actes d'intimidation ne sont généralement pas perpétrés dans des lieux touristiques et n'ont la plupart du temps pas pour objectif de blesser et encore moins de tuer. Les bombes de jeudi et vendredi ont touché des lieux touristiques le jour de l'anniversaire de la Reine Sirikit et quelques jours après l'approbation d'une Constitution controversée. Cela amène les spécialistes à considérer au moins quatre groupes de suspects, alors que les autorités privilégient la piste locale tout en écartant celle des indépendantistes musulmans du sud. Les indépendantistes du sud musulman Islamistes internationaux |
"Ce n'est pas une attaque terroriste. C'est juste du sabotage local qui est circonscrit à certaines zones et provinces", a déclaré la police nationale, une thèse reprise dans une allocution télévisée par le chef de la junte en place depuis un coup d'Etat en 2014, le général Prayuth Chan-O-Cha.
Dénonçant une volonté de "semer le chaos", ce dernier a appelé la population à laisser plus de temps pour identifier ceux qui, en deux jours, ont au total fait exploser onze bombes dans sept provinces méridionales thaïlandaises, en particulier dans les stations balnéaires de Hua Hin et de Phuket.
Ces attentats n'ayant toujours pas été revendiqués, les hypothèses vont d'une vengeance de l'opposition politique (dans un climat de forte restriction des libertés) à une attaque des séparatistes musulmans de l'extrême sud de la Thaïlande, près de la frontière de la Malaisie.
Un porte-parole de la police, Krissana Pattanacharoen, a dit à l'AFP que les engins qui ont explosé ressemblaient à ceux utilisés par ces indépendantistes, tout en soulignant qu'il était "trop tôt pour (en) tirer des conclusions".
La seule zone habituellement touchée par les explosions, fréquentes et visant notamment les militaires, de bombes artisanales est en effet l'extrême sud où l'insurrection de musulmans séparatistes a fait des milliers de morts en une dizaine d'années.
Les indépendantistes n'ont cependant pas dans le passé revendiqué d'attaques en dehors de leur région dans ce pays où la junte compte sur le tourisme - avec 32 millions de visiteurs attendus en 2016 - pour redresser une économie atone.
Hua Hin a été la plus touchée
Hua Hin, dont le front de mer est envahi par les grands hôtels internationaux et les bars de nuit, et où se trouve la résidence d'été de la famille royale, a été la plus touchée.
Jeudi soir, deux engins artisanaux dissimulés dans des pots sur le trottoir y ont explosé à trente minutes d'intervalle et à cinquante mètres de distance dans une zone proche de la plage.
Une vendeuse de rue est morte. Parmi la vingtaine de blessés, dix sont des étrangers, a annoncé la police : quatre Néerlandais, trois Allemands, deux Italiens, un Autrichien.
"Il y a eu un grand bruit, les policiers couraient partout, c'était terrible", a raconté à l'AFP Michael Edwards, un témoin australien.
Vendredi matin, un nouveau double attentat, dans le même quartier, a provoqué la mort d'une deuxième Thaïlandaise, suscitant la terreur dans cette cité balnéaire.
A Surat Thani, une agglomération située à 400 kilomètres plus au sud, c'est une employée municipale qui a été tuée peu après par l'explosion d'une bombe.
A Phuket, la plus célèbre station balnéaire thaïlandaise, seul un blessé léger est à déplorer, mais le lieu choisi est symbolique : une des plages les plus célèbres du royaume, celle de Patong.
Conseils de prudence aux touristes
Plusieurs pays, dont la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont recommandé à leurs ressortissants en Thaïlande d'être prudents et d'éviter les lieux publics.
Deux voyagistes, Hotelplan Suisse et Kuoni Suisse, ont annoncé que leurs clients qui devaient s'y rendre avant le 15 août pouvaient modifier ou annuler sans frais leur séjour, d'après la radio-télévision RTS.
Située à 200 kilomètres au sud de Bangkok, Hua Hin est une station balnéaire prisée des touristes étrangers, mais aussi des Thaïlandais. Ils étaient nombreux à être partis jeudi soir vers les bords de mer en ce début de long week-end férié, avec vendredi l'anniversaire de la reine.
Le précédent attentat d'ampleur en Thaïlande remonte à août 2015, quand 20 personnes, dont de nombreux Chinois, avaient été tués dans l'explosion d'une bombe en plein Bangkok.
Mis à part cet attentat, le royaume a été épargné par les attaques de grande ampleur et le terrorisme international.
L'attentat d'août 2015 dans la capitale, le plus meurtrier de l'histoire de la Thaïlande, n'a jamais été revendiqué. La piste d'un acte commis par un groupe ayant des liens avec la minorité musulmane ouïghoure de Chine, mais pas le jihadisme international, est privilégiée.
La série d'attaques de jeudi est vendredi n'est pas sans rappeler celle survenue dans la nuit de réveillon du 31 décembre 2006 au 1er janvier 2007, quand huit bombes avaient explosé dans divers endroits de la capitale, faisant trois morts et une quarantaine de blessés.
L'attentat était intervenu alors que l'armée avait pris le pouvoir quelques mois plus tôt, renversant le Premier ministre Thaksin Shinawatra. Les coupables n'ont jamais été identifiés, même si la responsabilité "d'hommes en uniformes" avait été largement évoquée à l'époque -après que la piste des insurgés malais musulman avait été écartée (lire notre article).