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BIRMANIE – Le danger invisible des mines antipersonnel

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Pierre QUEFFELEC - Une démineur thaïlandais découvre une mine près de la frontière
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 7 juin 2011, mis à jour le 11 août 2019

Le conflit qui oppose les Karens et autres minorités ethniques au gouvernement birman se règle à coup de mines, dont les premières victimes sont les civils. Pour ceux qui survivent, c'est le chemin direct vers la pauvreté, le système de santé birman étant délaissé par le pouvoir. Des hôpitaux s'organisent alors pour venir en aide spécifiquement aux victimes des mines

La dernière chose dont se souvient Tee Pa Doh avant de perdre sa jambe, c'est un flash blanc. En regardant sa jambe mutilée saigner, le Birman comprit que sa meilleure chance serait de traverser la jungle et la frontière pour rejoindre la Thaïlande. Aujourd'hui, ce Karen de nationalité birmane, âgé de 52 ans, se sait privilégié d'avoir eu la vie sauve après avoir sauté sur une mine. Mais son histoire est d'une banalité confondante.
"Mon pied a été emporté mais je ne suis pas tombé", se souvient-il. "Il y avait du sang qui giclait. Tout le monde avait peur de venir vers moi". Il a fini en tracteur jusqu'à la frontière, à quelques heures de là, avant d'être amputé en Thaïlande.

Une guerre passive

La Birmanie est le seul régime dans le monde qui place toujours régulièrement dans le sol des mines antipersonnel, selon l'ONG Campagne internationale pour l'interdiction des mines (ICBL), prix Nobel de la paix en 1997.

"L'usage des mines est en déclin presque partout dans le monde. En Birmanie, il y a un conflit armé qui dure avec un usage des mines par les milices ethniques et l'armée de l'Etat", explique Yeshua Moser-Puangsuwan, chercheur et co-auteur d'un rapport sur le sujet. Aucun bilan officiel n'est disponible. Mais le document a identifié 2.587 victimes des mines ou engins non explosés en dix ans.

"Nous pensons que c'est beaucoup plus que ça", ajoute-t-il. "Dans un pays comme la Birmanie, la voie la plus rapide vers la pauvreté est de devenir une victime des mines". Le trajet de Tee Pa Doh à travers la jungle est emprunté par beaucoup d'autres. Car le système de santé birman est l'un des secteurs publics les plus délaissés par les militaires au pouvoir à Naypyidaw. Et les régions montagneuses et isolées sont encore plus mal loties que les plaines du sud du pays.

La clinique de Mae Tao, côté thaïlandais, a d'ailleurs été fondée par Maw Kel, un Birman amputé après voir sauté sur une mine. Elle fabrique des prothèses et soigne les réfugiés birmans installés dans les camps le long de la frontière. Elle sera utile tant que durera ce conflit, entamé il y a plus de cinquante ans lorsque les Karens, et d'autres minorités ethniques, ont décidé de refuser la suprématie de l'Etat birman. La junte a cédé le pouvoir en mars dernier à un régime dit civil, mais l'armée est restée aux commandes. Et le conflit demeure.

Les civils : premières victimes

Des enquêtes ont établi l'utilisation de civils pour porter munitions, bois et équipements, mais aussi pour sauter sur les mines devant les convois militaires. Et au moins 17 autres groupes armés rebelles sont aussi accusés d'utiliser ces explosifs. Une guerre sale, dont les civils sont prisonniers. "Les mines anti-personnel et les explosifs improvisés constituent probablement la plus grande menace à la sécurité dans ces zones", affirme David Mathieson, expert de la Birmanie pour Human Rights Watch (HRW).

"Les villageois anticipent quand des affrontements se rapprochent et ils fuient. Mais ce que font la plupart des factions est alors de poser des mines, piégeant les zones civiles et détruisant agriculture et habitations".

L'annonce par Bangkok, en avril, de la fermeture des camps, inquiète les réfugiés sur l'avenir qui leur est réservé s'ils doivent vraiment rentrer chez eux. Mais Mal Kew ne doute pas de l'utilité de sa clinique. "Regardez le Cambodge. La guerre est finie depuis trente ans mais les accidents se poursuivent. Ce sera la même chose en Birmanie", dit-il. Il aurait pu aussi bien mentionner le Vietnam ou le Laos.

Paradoxalement, c'est quand la guerre sera finie et que les villageois rentreront chez eux que le danger atteindra son paroxysme. "Ces mines ne sont enregistrées nul part. Elles ne sont pas marquées. Donc quand le conflit cessera, il y aura un nombre de victimes énorme et à ce stade, on ne peut absolument rien y faire".

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