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Nestlé reconnait des pratiques indignes chez ses fournisseurs thaïlandais

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Tammy-Nicholson sous Creative Commons

Des migrants sont bel et bien soumis à du travail forcé dans le secteur de la pêche en Thaïlande qui approvisionne nombre de distributeurs dans le monde, confirme le rapport de l'ONG Vérité, qui a enquêté pour le compte du géant Nestlé, amenant mardi le groupe agroalimentaire à mettre en place un plan d'action.

"Nestlé s'est engagé à éliminer le travail forcé dans notre chaîne d'approvisionnement en Thaïlande", a déclaré Magdi Batato, vice-président opérationnel au sein du groupe, cité dans un communiqué.

Cette déclaration intervient après la publication d'une enquête menée par l'ONG Vérité sur la chaîne d'approvisionnement du groupe. Dans son rapport, Vérité conclut que le travail forcé et les violations des droits de l'homme sont "endémiques" et posent un "défi urgent pour toute société s'approvisionnant en produits de la mer" en Thaïlande.

Nestlé avait missionné il y a quelques mois l'organisation non gouvernementale pour enquêter sur les conditions de travail chez ses fournisseurs en Thaïlande après une série d'allégations dénonçant des pratiques dignes de l'esclavage et alors que le groupe fait l'objet d'une plainte en nom collectif aux Etats-Unis.

Selon Vérité, des travailleurs sont parfois recrutés de manière trompeuse depuis des pays comme la Birmanie ou le Cambodge, puis littéralement "vendus" à des capitaines de bateaux de pêche sur lesquels ils travaillent quasiment non-stop dans des conditions inhumaines et sans ou très peu de rétribution.

Les travailleurs interrogés pour l'enquête, qui a été menée pendant trois mois sur six sites de production, parlent de conditions "horribles et dangereuses", décrivant des violences physiques, de l'intimidation et des menaces.

Les travailleurs ont dit qu'ils étaient parfois forcés à dormir sur le sol lorsqu'ils étaient autorisés à se reposer, et avaient un accès limité à l'eau, aux médicaments et à la nourriture. Leur passeport ou carte d'identité leur étaient souvent confisqué pour s'assurer qu'ils ne partent pas avant la fin de leur contrat, et leurs salaires étaient souvent retenus pendant des mois lorsqu'ils étaient en mer.

Vérité met en évidence le manque de transparence dans la chaîne d'approvisionnement qui comprend de nombreux intermédiaires et où les travailleurs peuvent passer plusieurs mois en mer à la merci de leur capitaine sans moyen de communiquer avec l'extérieur.

L'ONG a de fait appelé Nestlé et les autres groupes à renforcer "la cartographie de la chaine d'approvisionnement et les efforts sur la traçabilité".

Nestlé a commandé l'enquête à Vérité après qu'un cabinet d'avocats américain, Hagens Berman, a déposé fin août une plainte auprès d'un tribunal en Californie, accusant le groupe d'avoir consciemment soutenu l'esclavage dans les milieux de la pêche en Thaïlande en s'approvisionnant auprès de Thai Union Frozen Products PCL pour les fruits de mer utilisés dans ses aliments pour chats.

Le groupe suisse s'était défendu contre ces accusations, en assurant qu'il s'appuyait sur un code obligeant "tous ses fournisseurs à respecter les droits humains et la législation du travail". Mais il avait néanmoins déclaré qu'il avait chargé Vérité de mener une enquête.

Avec les conclusions de ce rapport, le groupe a adopté un plan d'action en 10 points qui prévoit notamment la mise en place d'une équipe d'urgence pour rapidement venir en aide à toute personne en danger.

Ce plan d'action, que Nestlé dit vouloir mettre en place immédiatement, comprend également un programme d'audit interne pour procéder à des vérification sur les conditions de travail sur les bateaux de pêche, un programme pour former les capitaines à de meilleures pratiques, et un système destiné à améliorer la traçabilité des fruits de mer utilisés dans ses produits.

L'industrie thaïlandaise de la pêche a été éclaboussée ces derniers mois par une série d'allégations dénonçant des pratiques dignes de l'esclavage chez les sous-traitants de groupes agroalimentaires locaux tels que Charoen Pokpand (CP) et Thai Union Frozen (TUF) qui approvisionnent de grandes chaines de distribution un peu partout dans le monde, et notamment en Europe.

TUF, qui enregistrait fin 2014 un chiffre d'affaires de l'ordre de 3,7 milliards de dollars et employait 35.000 personnes est l'un des leaders mondiaux des produits de la mer, et a notamment acquis les entreprises françaises comme Petit navire et MerAlliance.

La Thaïlande est le troisième exportateur mondial de produits de la mer. En avril, la Commission européenne avait donné six mois à la Thaïlande pour lutter contre la pêche illégale, sous peine de sanctions commerciales.

La campagne d'accusations contre l'industrie thaïlandaise de la pêche a commencé en juin 2014 avec la publication une enquête par le journal britannique The Guardian qui révélait des conditions d'esclavage allant jusqu'à la mort sur des bateaux de pêches fournissant le géant thaïlandais de produits alimentaires Charoen Pokphand (CP) chez qui s'approvisionnaient des distributeurs du monde entier dont Carrefour et Tesco. Une nouvelle qui avait suscité un tollé international et conduit certains distributeurs à suspendre leurs achats auprès de CP en attendant qu'une enquête soit menée.

 

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Avec AFP mercredi 25 novembre 2015

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