La Thaïlande a dissous son parlement lundi pour ouvrir la voie à la tenue en mai d’élections dans lesquelles l’establishment en place depuis le coup d’Etat devrait avoir du mal a conserver le pouvoir.
Le roi Maha Vajiralongkorn a approuvé le décret visant à dissoudre le Parlement, selon une annonce publiée lundi dans la Gazette du gouvernement royal, un préalable à la tenue du scrutin qui doit selon la loi constitutionnelle avoir lieu dans les 45 à 60 jours.
Aucune date précise n'a pour l’heure été annoncée, mais deux sources proches de la question ont déclaré lundi à Reuters que le vote aurait sans doute lieu le 14 mai.
Ces élections vont opposer une fois de plus le clan Shinawatra, vainqueur de toutes les élections depuis 2001, à l’establishment militaro-royaliste, en place depuis le coup d’Etat de 2014, et ses alliés conservateurs regroupés en petits partis de coalition.
Entente possible entre les deux principaux partis d'opposition
Il faudra également compter avec une troisième force apparue lors des précédentes élections, le nouveau parti progressiste Move Forward, qui séduit une bonne partie de l’électorat jeune en quête d’une gouvernance plus transparente, moderne et démocratique.
Si lors des élections de 2019 les leaders de Move Forward tenaient à garder leurs distances vis-à-vis du Pheu Thai, ils se sont dits prêts ces dernières semaines à travailler avec le parti de la famille Shinawatra.
Forts de ses politiques populistes inédites dans le royaume, les partis contrôlés par les Shinawatras ont remporté toutes les élections depuis plus de vingt ans, dont deux fois par une large majorité. Mais trois de ses gouvernements ont été renversés par des coups d'État militaires ou des décisions de justice.
La fille de Thaksin Shinawatra grande favorite
Lors du scrutin en mai, les Thaïlandais choisiront leurs députés qui, avec le Sénat dont les membres sont nommés, devront ensuite élire un Premier ministre avant la fin juillet, selon un calendrier fourni par le gouvernement.
Selon plusieurs sondages réalisés depuis l’an dernier, la figure politique préférée des Thaïlandais pour le poste de Premier ministre est Paetongtarn Shinawatra, fille et nièce des anciens Premiers ministres Thaksin et Yingluck Shinawatra, qui porte les couleurs du Pheu Thai, principal parti d'opposition.
Alors que sa cote de popularité ne cesse de monter depuis son apparition dans le paysage politique fin 2021, la jeune femme de 36 ans est créditée dans la dernière enquête d’opinion publiée lundi de 10 points supplémentaires. Elle obtient ainsi 38,2% d’avis favorables, soit deux fois plus que ses deux plus proches concurrents.
Le puissant Prayuth à la traîne dans les sondages
Le Premier ministre actuel, Prayuth Chan-O-Cha, au pouvoir depuis son coup d'État en 2014 contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, la tante de Paetongtarn, est à la traîne avec 15,65% d’opinions favorables selon le dernier sondage de l'Institut national d'administration du développement (NIDA). Cela le place en troisième position juste derrière l’étoile montante du parti Move Forward, Pita Limjaroenrat, brillant homme d’affaires de 42 ans diplômé de Harvard et du MIT (Massachusetts Institute of Technology).
À 68 ans, le général en retraite aura fort à faire pour battre la popularité grandissante des deux jeunes figures montantes de l’opposition qui ne se priveront pas d’attaquer le bilan de huit ans de cet ancien chef de l’armée devenu Premier ministre par un putsch.
"Je suis content d'avoir construit quelque chose de bien, généré des revenus pour le pays, construit une industrie. Il y a eu beaucoup d'investissements", a déclaré Prayuth Chan-O-Cha.
"Il faut demander aux gens s'ils sont satisfaits ou non... J'ai fait beaucoup au cours des nombreuses années qui se sont écoulées."
Le Pheu Thai doit gagner par une large majorité
Le dernier sondage NIDA, réalisé auprès de 2.000 personnes en âge de voter a également montré que près de 50% d’entre elles étaient prêtes à choisir des candidats du Pheu Thai.
Srettha Thavisin, magnat de l'immobilier et conseiller principal du Pheu Thai qui a fait campagne aux côtés de Paetongtarn, a déclaré que la dissolution du Parlement était un "tournant" pour la Thaïlande.
"Je voudrais inviter tout le monde à examiner les programmes, les positions et les idéologies de tous les partis pour trouver celle qui fera que votre vision du pays idéal devienne une réalité, pour faire avancer la nation et améliorer les vies", a-t-il déclaré sur Twitter.
Paetongtarn s'est dite vendredi confiante que son parti remportera une victoire écrasante qui permettra d'éviter toute manœuvre politique contre lui. Lors des élections de 2019, le Pheu Thai avait recueilli le plus grand nombre de votes mais n'avait pu former de gouvernement au profit du camp des putschistes et de sa coalition de 17 partis.
Prayuth Chan-O-Cha dirigera un gouvernement intérimaire jusqu’à la nomination du prochain à l'issue des élections.