La Cour constitutionnelle thaïlandaise, mercredi, a destitué le Premier ministre Srettha Thavisin. Une décision qui pourrait plonger le royaume dans une nouvelle phase d'incertitude politique.
Quatre des cinq juges de la Cour Constitutionnelle de Thaïlande ont décidé mercredi de destituer le Premier ministre Srettha Thavisin, estimant qu'il avait "gravement" enfreint les règles éthiques en nommant un ministre ayant été condamné par le passé à de la prison.
Le parlement devra choisir un nouveau Premier ministre vendredi matin. Le parti au pouvoir, le Pheu Thai, devait se réunir jeudi matin avec ses partenaires de coalition pour sélectionner un candidat à la succession du Premier ministre déchu.
La décision de la cour a été prise sur la base d'une plainte déposée par 40 anciens sénateurs, nommés par l'armée après le coup d'État de 2014 qui avait renversé le dernier gouvernement Pheu Thai.
Ce jugement de la Cour Constitutionnelle, perçue par une partie de l’opinion comme la bête noire des partis non-alignés avec l’establishment militaro-royaliste, souligne une fois de plus le rôle central que joue la justice thaïlandaise dans la vie politique du pays, où l’organigramme politique, censé refléter le choix des électeurs, est régulièrement remodelé par les décisions des tribunaux.
Quatre Premiers ministres destitués en 16 ans
Srettha Thavisin, un magnat de l'immobilier, est en effet le quatrième Premier ministre en 16 ans à être destitué par la même cour qui a également dissous plus d’une demi-douzaine de partis, tous considérés comme anti-establishment, depuis 2007.
Pas plus tard que la semaine dernière, la Cour constitutionnelle a dissous le principal parti d'opposition, Move Forward, et banni pour dix ans son leader pro-démocratie Pita Limjaroenrat. Move Forward avait remporté les élections législatives l’an dernier mais des jeux d’alliances menés par les conservateurs l’avaient empêché de former un gouvernement.
Le contexte politique en Thaïlande est pour le moins instable, avec une alternance fréquente entre coups d'État militaires et décisions judiciaires affectant les gouvernements démocratiquement élus.
Le Pheu Thai et ses incarnations précédentes ont été au centre de cette tourmente, en particulier à cause de leur affiliation avec la famille Shinawatra, honnie par l'establishment conservateur et l'armée. Ces formations politiques, qui ont remporté toutes les élections législatives entre 2001 et 2019, ont subi deux coup d'Etats et vu quatre Premiers ministres destitués par la justice.
Climat d’instabilité dans un contexte déjà difficile
L'éviction du chef du gouvernement, qui n'aura passé que onze mois au pouvoir, risque d’accroître le climat d’instabilité dans un contexte économique difficile et de frustration croissante d’un électorat qui voit le choix des urnes systématiquement contrarié.
La Thaïlande se débat actuellement avec une économie atone, une dette des ménages élevée, des milliers de PME grippées par un accès limité à l’emprunt, et un secteur des exportations affaibli.
Le départ de Srettha Thavisin pourrait retarder des projets économiques cruciaux, notamment un programme d’allocations de 500 milliards de bahts destiné à 40 millions de personnes en vue de relancer la consommation. Une mesure controversée dont certains détracteurs estiment qu’elle bénéficierait avant tout aux grandes entreprises sans avoir l’effet escompté sur l’économie.
La sélection du nouveau Premier ministre pourrait jouer un rôle crucial dans la stabilisation de la situation, même si des questions subsistent sur la direction que prendra le pays à l'avenir avec un establishment qui vient de faire savoir qu’il contrôlait le jeux politique de près.
Plusieurs candidats potentiels se détachent entre des figures de proue du Pheu Thai et des personnalités plus proches de l'establishment conservateur qui compte des membres au sein de cette coalition gouvernementale hétéroclite.
Le choix du nouveau leader pourrait soit renforcer l'alliance gouvernementale actuelle, soit marquer un tournant dans la politique thaïlandaise.