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La Cour constitutionnelle maintient un ministre clé au passé trouble

Thammanat vice-ministre de l'agriculture de ThailandeThammanat vice-ministre de l'agriculture de Thailande
REUTERS / Soe Zeya Tun / archive - Thammanat Prompao, qui est vice-ministre de l'Agriculture, est un élément clé de la construction de la coalition au pouvoir

La Cour constitutionnelle thaïlandaise a décidé mercredi que le vice-ministre de l'Agriculture pouvait conserver son poste au sein du gouvernement, au grand dam de l'opposition qui visait à le disqualifier par rapport au fait qu’il a été emprisonné en Australie pour trafic de drogue dans les années 1990.

La Cour Constitutionnelle a déclaré que Thammanat Prompao, vice-ministre de l'Agriculture et élément clé de la construction de la coalition au pouvoir du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, n'avait pas violé la Constitution parce sa condamnation, bien qu'admise, a été prononcée par un tribunal étranger.

"Malgré le fait que Thammanat Prompao a fait l’objet d’un jugement, celui-ci provenait d'un tribunal de Nouvelle-Galles du Sud, Australie (...) mais ce n’était pas un jugement émanant d'un tribunal thaïlandais, il ne lui est donc pas interdit d'exercer ses fonctions au regard de la Constitution", a déclaré la cour dans son jugement.

"Nous ne pouvons pas appliquer le verdict de tribunaux étrangers, et nous ne pouvons pas interpréter le verdict de tribunaux étrangers comme ayant le même pouvoir que nos tribunaux", a conclu le panel de juges au complet. "Le verdict d'un État n'a d'effet que dans cet État."

La presse confirme

Pour Sunai Phasuk, chercheur pour Human Right Watch cité mercredi par le Sydney Morning Herald, ce jugement signifie que "toutes sortes de criminels condamnés par des tribunaux étrangers peuvent se présenter sans souci pour occuper une fonction publique en Thaïlande. Les crimes commis en dehors du pays, quelle que soit leur gravité, ne comptent pas dans le cadre de la justice thaïlandaise."

En 2019, Thammanat Prompao avait nié tout acte répréhensible, contestant les informations de deux journaux australiens, dont le Sydney Morning Herald, selon lesquels il y avait été emprisonné pendant quatre ans pour trafic de drogue. Lesdits journaux ont maintenu les informations contenues dans leurs reportages.

La BBC Thai affirme par ailleurs avoir obtenu des archives judiciaires des autorités australiennes confirmant la condamnation et la peine de prison du vice-ministre de l'Agriculture, faisant état de l'importation 3,2 kg d'héroïne - d'une valeur d'environ 4,1 millions de dollars australiens (2,65 millions d'euros) - sur le territoire australien.

Prison pour trafic de farine ?

Dans son jugement sur la plainte déposée par 51 membres de l'opposition, la Cour constitutionnelle a déclaré avoir demandé au Parlement et au ministère des Affaires étrangères des preuves de la condamnation, dont les jugements rendus par la justice australienne en 1994 et 1995, soulignant que ceux-ci se faisaient toujours attendre.

Thammanat a déclaré qu'il avait été appréhendé avec de la farine et non de l'héroïne. Il a cependant admis avoir été condamné en Australie pour une infraction mineure qu’il n’a pas précisée.

Cet ancien officier militaire de 55 ans a participé à la formation de la coalition dirigée par Prayuth Chan-O-Cha à l’issue des élections législatives de 2019 controversées qui ont permis à l’ex-chef de la junte militaire, qui était au pouvoir depuis le coup d’Etat de 2014, d’être reconduit au poste de Premier ministre.

Les partis d'opposition estiment que les élections étaient pipées d’avance avec des règles électorales et une Constitution rédigées sur mesure par la junte pour assurer la victoire du parti des militaires, des allégations que ce dernier rejette.

Prayuth Chan-O-Cha a depuis consolidé son pouvoir, à la faveur d’une décision de la même Cour constitutionnelle de dissoudre le parti Anakot Mai ("Nouvel Avenir" connu aussi de son nom anglais Future Forward), jugement à l’origine du mouvement de contestation jeune qui a mené de nombreuses manifestations l’an dernier pour exiger la démission du Premier ministre ainsi que des réformes de la monarchie thaïlandaise - une revendication inédite jusque-là en Thaïlande où la sévère loi de lèse-majesté punit quiconque remet en question ou critique la royauté.

Premier ministre destitué pour ses cours de cuisine

Un an plus tôt, en pleine campagne électorale, la Cour constitutionnelle thaïlandaise avait dissous le parti Thai Raksa Chart, élément clé du dispositif politique du clan Shinawatra, principale force d’opposition, pour avoir intégré sur ses listes la sœur du roi.

Mais le jugement de la cour qui contraste le plus avec celui de mercredi est sans doute celui qui avait démis feu le Premier ministre Samak Sundaravej en 2008 pour des cours de cuisine que ce dernier avait continué de donner à la télévision au lendemain de son élection et pour lesquels il avait eu le malheur d’empocher quelques centaines d’euros.

La Cour Constitutionnelle, qui n’est vraiment pas en odeur de sainteté avec l’opposition, est au cœur de la tourment politique qui agite le royaume depuis le milieu des années 2000. En un peu moins de 15 ans, elle a dissous une demi-douzaine de partis opposés aux élites traditionnelles, notamment deux partis de l’ancien Premier ministre déchu Thaksin Shinawatra, le Thai Rak Thai en 2007 et le Palang Prachachon en 2008, entrainant cette année-là un renversement du pouvoir.

En 2014, elle a ordonné la destitution de la sœur de Thaksin, Yingluck Shinawatra, de son poste de Premier ministre, quelques jours avant le coup d’Etat mené par Prayuth Chan-O-Cha contre le gouvernement de celle-ci.

En novembre 2019, elle a retiré au leader du parti Anakot Mai, Thanathorn Juangroongruangkit, son mandat de député pour avoir détenu des actions dans une société de médias au moment de l'enregistrement de sa candidature aux élections, décision que l’intéressé a contestée.

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