Il aura finalement suffi de quelques plats mitonnés de trop à la télévision pour faire tomber Samak Sundaravej. Le Premier ministre thaïlandais a été contraint hier de démissionner pour avoir animé deux émissions culinaires télévisées après sa prise de fonctions. Il peut néanmoins vite revenir sur le devant de la scène politique. Plusieurs options sont évoquées
Accusé de corruption, diffamation, ou encore atteinte aux droits de l'homme, c'est finalement son penchant pour la cuisine qui aura eu raison de Samak Sundaravej - son côté le plus sympathique en somme ! Le Premier ministre a été déclaré coupable, hier, par la Cour Constitutionnelle, pour avoir accepté de l'argent d'une entreprise privée dans le cadre de deux émissions de cuisine qu'il présentait à la télévision.
Quelques émissions de trop
Pendant sept ans, Samak, qui ne perd jamais une occasion de montrer son amour pour la gastronomie, avait été la vedette de "Dégustation et Ronchonnement"et de "Tous à Table". Mais après avoir pris ses fonctions à la tête du gouvernement en février dernier, il avait continué d'enregistrer quelques émissions.
Or, l'article 267 de la Constitution de 2007 interdit au chef du gouvernement de prendre quelque position que ce soit dans une entreprise ou une organisation à but lucratif et d'en tirer profit ou d'être l'employé de quelqu'un. Samak a assuré qu'il n'avait accepté de l'argent de la société de production, Face Media, que pour acheter des ingrédients de cuisine. Il a aussi expliqué qu'il n'avait jamais été un "employé"de Face Media, et avait simplement apporté son aide.
Mais ses arguments n'ont visiblement pas convaincu la Cour, qui a jugé à l'unanimité qu'il avait violé la Constitution. Le Premier ministre a donc été obligé de démissionner de son poste, sept mois après sa prise de fonction, entraînant avec lui l'ensemble de son cabinet. La Cour a précisé que les activités gouvernementales se limiteraient à la gestion des affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau Premier ministre par le Parlement d'ici trente jours.
La PAD reste tant que Samak n'est pas définitivement fini
Quelques passages à la télévision auront donc réussi à faire ce que les manifestants de l'Alliance du Peuple pour la Démocratie (PAD) tentent d'accomplir depuis plus de trois mois. La foule de protestataires qui campent depuis deux semaines dans le siège du gouvernement, a accueilli la nouvelle par des cris de joie, avant d'être dispersée par un violent orage.
Néanmoins, cela ne signifie pas la fin des péripéties politiques du pays. Samak pourrait être réélu au poste de Premier Ministre, même si les analystes évoquaient hier d'autres scénarii possibles (voir ci-dessous). Un haut responsable de son parti, Witthaya Buranasiri, a par ailleurs avancé que le vote parlementaire pourrait avoir lieu avant la fin de la semaine "pour éviter tout vacance du pouvoir". Mais le président de l'Assemblée, Chai Chidchob, est resté très réservé sur la faisabilité d'un tel vote, les députés devant être prévenus au moins trois jours à l'avance. Devant l'éventualité d'un retour de Samak Sundaravej au pouvoir, les protestataires de la PAD ont annoncé qu'ils poursuivaient leur mouvement. "Nous resterons ici jusqu'à ce qu'il parte à la retraite", a martelé l'un des meneurs de la coalition, Somsak Kosaisuk.
Samak n'a pas assisté à l'énoncé du verdict et n'a fait aucun commentaire pour l'instant.
Emmanuelle MICHEL avec AFP mercredi 10 septembre 2008
Après Samak : Banharn, Sompong, Abhisit,... ou Samak lui-même ?
Samak Sundaravej a été contraint de démissionner, mais il garde son statut de député et reste à nouveau "premier ministrable". Certains membres du Parti du Pouvoir du Peuple (PPP), parti largement majoritaire, ont d'ailleurs indiqué leur intention de le réélire, considérant que "l'infraction était insignifiante et qu'elle n'était pas le résultat d'une mauvaise gestion". Néanmoins, des membres de l'opposition ont fait remarquer que Samak avait perdu sa légitimité avec ce jugement et qu'il faisait de plus l'objet d'autres affaires dont l'une pour diffamation sur laquelle la Cour d'Appel doit se prononcer le 25 septembre. De fait, d'autres options ont été évoquées. Selon le quotidien The Nation le PPP pourrait choisir entre trois autres candidats potentiels : l'actuel vice-Premier ministre et Ministre de l'éducation, Somchai Wongsawat, le Ministre des finances et vice-Premier ministre, Surapong Suebwonglee ou encore le Ministre de la Justice, Sompong Amornwiwat. Ce dernier semble être le candidat le plus acceptable par la PAD. Le nom de Banharn Silapa-archa, le chef du Chart Thai, deuxième parti de la coalition, a également beaucoup circulé hier. Certains le pressentent comme possible Premier ministre tandis que d'autres estiment qu'il pourrait amener certains partis de la coalition gouvernementale à se retourner vers l'opposition menée par le Parti Démocrate. Cela pourrait placer le leader démocrate, Abhisit Vejjajiva, à la tête d'une nouvelle coalition qui ferait taire la PAD mais gouvernerait avec une faible majorité (247 sièges contre 223).
(E.M. et P.Q. LPJ-10/09 2008)