Dans une interview donnée à l'AFP, Yingluck Shinawatra, tête de liste du parti d'opposition Puea Thai pour les élections législatives du 3 juillet, déclare que l'armée a garanti qu'il n'y aurait pas de coup d'état et souhaite que cette initiative soit respectée. Souvent critiquée pour être la "marionnette" de son frère Thaksin, ex-Premier ministre en exil, qui l'a qualifiée de "clone", Yingluck se démarque de tout cela et affirme ses ambitions


La soeur de l'ex-Premier ministre thaïlandais en exil Thaksin Shinawatra (photo DR), en tête des sondages avant les législatives du 3 juillet, a appelé l'armée mercredi à en respecter les résultats pour sortir le pays de l'engrenage de la violence.
L'armée thaïlandaise priée de rester en retrait
Cinq ans après le coup d'Etat militaire contre Thaksin, Yingluck Shinawatra, 43 ans, que son frère décrit sans détour comme son "clone", a émis l'espoir de ne pas subir le même sort que lui si son parti, le Puea Thai, gagne les élections comme les sondages le pronostiquent.
"Le général Prayut (Chan-O-Cha) a déjà annoncé qu'ils garantissaient qu'il n'y aurait pas de second coup d'Etat. Donc j'espère que c'est vrai", a déclaré Yingluck dans un entretien avec l'AFP, évoquant les promesses du puissant chef de l'armée. Les militaires "aiment le pays autant que moi. Tant que nous restons positifs et conservons (l'avenir du) pays comme objectif, je pense que nous pouvons nous parler".
Clone ou pas clone ?
Depuis son exil à Dubaï, Thaksin demeure la figure centrale de la politique thaïlandaise, une icône populiste, sans doute l'homme à la fois le plus détesté et le plus vénéré de l'histoire du pays. Autour de lui se cristallise le fossé entre les élites de Bangkok proches du palais royal, et les masses rurales et populaires, dont une partie le considère comme l'unique homme politique à s'être jamais battu pour les pauvres. La désignation de sa soeur à la tête de l'opposition semble judicieuse : la photogénique femme d'affaires, novice en politique et première Thaïlandaise candidate au poste de Premier ministre, caracole en tête des intentions de vote.
Loin de vouloir prendre ses distances avec son frère, Yingluck a estimé que les Thaïlandais plaçaient "leurs espoirs" dans sa famille pour poursuivre son oeuvre. Dans un délicat exercice d'équilibriste, elle a revendiqué à la fois son identité propre et sa proximité avec Thaksin. "Il évoque le clonage en terme de façon de penser parce que je travaille avec lui depuis que je suis petite", a-t-elle expliqué. Mais au sein du parti, c'est promis, "je prends mes propres décisions".
Le Puea Thai devra batailler
Mais certains observateurs craignent qu'une Shinawatra ne puisse accéder au pouvoir. "Il est très improbable qu'un gouvernement Puea Thai soit autorisé à prendre le pouvoir. Encore moins un fondé de pouvoir de Thaksin (...) qui partage son nom", a ainsi estimé Michael Montesano, politologue de l'Institut des études sur le sud-est asiatique à Singapour. "Il faut s'attendre à des tactiques judiciaires ou légales (...) si le Puea Thai gagne", a-t-il ajouté en référence aux diverses condamnations qui ont frappé le camp Thaksin depuis 2006.
"Je pourrais avoir besoin des étrangers pour (...) s'assurer que l'élection est libre et juste pour tout le monde", a estimé de son côté Yingluck. "La Thaïlande a régressé depuis quatre ou cinq ans et les gens ont beaucoup souffert pendant longtemps, ils ont besoin que le pays avance".
Le pays craint un regain de violences, un an après les manifestations des "Chemises rouges" pro-Thaksin, qui ont occupé Bangkok pendant deux mois avant d'être dispersées par l'armée. La crise a été la plus violente de la Thaïlande moderne et a fait plus de 90 morts et 1.900 blessés.
Les Démocrates et leur coalition
Yingluck est opposée au Premier ministre sortant, Abhisit Vejjajiva, arrivé au pouvoir fin 2008 à la faveur de décisions de justice et dont le Parti démocrate n'a pas gagné une élection depuis près de 20 ans. Abhisit n'est jamais parvenu à briser son image de serviteur des élites. Mais les Démocrates ont souvent su, comme aujourd'hui, fédérer une coalition pour garder les clés du pouvoir. Et ils bénéficient du soutien sans faille de l'armée.
Voir des extraits de l'entretien de Yingluck Shinawatra sur le site ziombio.com.
Avec AFP vendredi 3 juin 2011
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