Un réseau organisé aurait détourné massivement les subventions européennes destinées aux agriculteurs grecs. Face à cette crise, l’Union européenne exige désormais une réponse concrète du gouvernement grec.


C’est un chiffre choc. Sur plus de 20 millions d’euros de subventions versées par l’Union Européenne à l’OPEKEPE (l’organisme public chargé de la distribution des aides agricoles) entre 5 et 10 millions auraient été détournés. Le réseau, composé de particuliers, de fonctionnaires et de hauts responsables politiques aurait mis en place un système de fausses déclarations à grande échelle. Des identités d’agriculteurs ou d’éleveurs fictifs auraient été créées pour obtenir indûment des aides. Ces individus auraient déclaré de fausses parcelles, bétail ou pâturages. Le tout, avec la complicité de certains fonctionnaires de l’OPEKEPE et de membres du gouvernement.
Réaction du gouvernement grec
Le scandale devient public en 2024, lorsque les perquisitions et arrestations se multiplient. Le 28 juin dernier, quatre hauts-responsables du parti politique au pouvoir, Nouvelle Démocratie, ont été contraints de démissionner en raison de leur implication dans cette affaire. Parmi eux, l’ancien ministre d’extrême droite des Migrations et de l’Asile, Makis Voridis.
Puis, le 21 octobre, une vaste opération policière aboutit à l’arrestation de 37 personnes. Le principal suspect, un ancien employé du centre de déclaration agricole KYD âgé de 38 ans, aurait été à la tête du réseau. Tous seront transférés à Athènes pour y être jugés.
La Commission européenne exige des comptes
À la suite de son enquête, la Commission européenne a infligé à la Grèce une amende de 392,2 millions d’euros. Bruxelles a également demandé à la Grèce de présenter un plan d’action pour répondre concrètement aux préoccupations concernant le fonctionnement de l’OPEKEPE. Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis en avait présenté un premier en juin dernier, jugé inadéquat par Bruxelles. La Commission l’a renvoyé début août avec des demandes de révision.
Le porte-parole européen Balazs Ujvari a déclaré avoir « très bien expliqué comment nous attendons des autorités grecques qu’elles améliorent encore le plan d’action ». La date butoir avait été fixée pour le 2 novembre 2025. En principe, si aucun plan d’action n’était soumis d’ici-là, « cela pourrait entrainer une suspension du financement ».
Un nouveau plan accueilli favorablement
Le gouvernement grec a respecté ce délai. Pour le moment, selon le média AgroTypos, la Direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne aurait accueilli positivement la nouvelle version. Ce plan vise deux priorités : plus de transparence et un alignement total sur les normes européennes. Le vice-Premier ministre Kostis Hatzidakis souligne : « l’effort fait à l’OPEKEPE joue en faveur des producteurs honnêtes ».
Effectivement, dès 2026, un nouveau système de déclarations entrera en vigueur. Les données des exploitations seront croisées avec les fichiers fiscaux et les factures de vente et d’achat, afin de vérifier avec précision la taille de chaque exploitation. Les producteurs fournissant de fausses informations verront leurs subventions réduites, celles-ci étant redistribuées aux exploitants respectueux des règles.
En attendant, trois changements immédiats sont prévus, « en ce qui concerne les données géospatiales pour les champs, le système d’enregistrement des animaux et la manière dont les contrôles sont effectués », précise le vice-Premier ministre.
Visite du commissaire européen à l’Agriculture à Athènes
Une visite européenne pour consolider la réforme
C’est dans ce contexte tendu que le commissaire européen à l’Agriculture et à l’Alimentation, Christoph Hansen, s’est rendu à Athènes ce 6 novembre. Sa visite visait à évaluer les progrès réalisés par le gouvernement grec dans la réforme de l’OPEKEPE et la modernisation du système de gestion des aides agricoles.
Au cours de ses entretiens avec le ministre du Développement rural, Kostas Tsiaras, et le vice-premier ministre, Kostis Hatzidakis, le commissaire a salué les « progrès significatifs » accomplis et a insisté sur la nécessité d’assurer un plein respect du droit européen pour éviter toute nouvelle correction financière.
Les discussions ont également porté sur les grands défis de l’agriculture grecque et européenne : adaptation au changement climatique, soutien aux jeunes agriculteurs et lutte contre la désertification rurale. Christoph Hansen a rappelé que la PAC devait rester un « outil de développement, d’innovation et de croissance équilibrée », en mettant l’accent sur la transparence et la confiance envers les producteurs.
La visite s’est achevée à l’Institut phytopathologique Benaki, où des programmes de recherche cofinancés par l’UE symbolisent la volonté commune de renforcer la fiabilité et la durabilité du modèle agricole grec.
L’accord avec Bruxelles reste cependant décisif. Sans validation du plan, la Grèce risquerait de lourdes sanctions financières et une suspension des aides européennes, ce qui fragiliserait un secteur agricole déjà éprouvé.
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