Dans la perspective des prochaines élections législatives partielles, lepetitjournal.com est allé à la rencontre des candidats dans les circonscriptions des Français de l’étranger concernées. Thiaba Bruni, candidate à la 9ème circonscription pour CAP 21 a répondu à nos questions.
Les Français résidant au Maghreb et en Afrique de l’Ouest voteront sur place au premier tour le dimanche 2 avril et le deuxième le dimanche 16 avril. En ligne, les votes se déroulent plus tôt, du 24 au 29 mars pour le 1er tour et du 7 au 12 avril pour le 2e.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis franco-sénégalaise et petite fille de tirailleurs sénégalais. J’exerce la profession d’enseignante et je suis parallèlement conseillère municipale. Née à Paris où j’ai grandi, j’ai également passé une partie de mon enfance en banlieue parisienne. Je suis une femme de gauche et une écologiste. J’ai fait mes premiers pas en politique au Parti Socialiste en 2008 où j’ai occupé diverses fonctions de cadre. Puis, j’ai décidé de rejoindre Europe Écologie Les Verts car il m’est apparu vital de mettre en œuvre des solutions politiques pour faire face au dérèglement climatique et à l’urgence écologique sans pour autant renoncer aux questions de justice et solidarité sociales. Mère de 2 enfants, je pense qu’il est vital de préserver notre planète et ses ressources pour les générations à venir. Au sein de EELV, j’ai occupé diverses fonctions d’encadrement au niveau local, départemental et régional et j’ai été élue vice-présidente de l’Observatoire de la Diversité qui a pour mission de promouvoir « la diversité » et de lutter contre les discriminations. D’ailleurs, je suis depuis une dizaine d’années la porte-parole et la vice-présidente d’une association d’envergure nationale qui lutte contre le racisme, les discriminations et l’islamophobie. Je suis à l’origine des 2 pétitions pour l’octroi de la naturalisation et de la Légion d’honneur à Lassana Bathily, le héros malien de l’hyper casher de la porte de Vincennes et à Didi, le héros algérien du Bataclan qui ont sauvé des dizaines de personnes par leur bravoure. La première pétition a obtenu 460 000 signataires et la seconde 105 000. Cependant, dernièrement, face à la posture dogmatique et plutôt démagogique de certaines personnalités d’Europe Écologie Les verts, j’ai décidé de ne plus militer au sein de ce parti politique et d’œuvrer pour l’écologie différemment.
Pourquoi avez -vous souhaité vous présenter aux prochaines élections législatives ?
Tout d’abord, il faut savoir que j’étais déjà candidate à l’élection législative de juin 2022. D’ailleurs, je suis à l’origine du recours en annulation devant le Conseil Constitutionnel. J’avais moi-même constaté de nombreux dysfonctionnements au niveau du vote électronique et face au nombre des électeurs qui m'ont interpellée en me demandant de saisir les instances supérieures, scandalisés de ne pas avoir pu remplir leur devoir civique, j’ai décidé d’agir. En effet, le vote de juin n’était pas sincère et il faisait apparaitre une rupture d’égalité entre les citoyens. En Algérie, seuls 38% des électeurs ayant opté pour le vote par internet, ont pu voter; les autres n’ayant pas reçu leurs identifiants. Cela étant dit, j’ai des liens affectifs et familiaux très forts avec la 9ème circonscription des Français de l’Étranger. Mes parents, après avoir effectué leur vie professionnelle en France, sont maintenant installés à Dakar au Sénégal depuis une quinzaine d’années, pays où j’ai passé toutes mes vacances d’été. Environ 70% de ma famille vit au Sénégal, au Maroc et en Côte d’Ivoire.
Quel est votre rapport avec cette circonscription ?
Je suis très investie dans cette circonscription par des activités de jumelage entre des villes situées de part et d’autre de la Méditerranée afin de tisser entre elles des liens économiques, sociaux et culturels. De plus, j’accompagne des entreprises internationales pour s’installer au Sénégal. D’ailleurs, j’ai pour projet de m’y installer prochainement. J’adore l’Afrique et ses habitants et je souhaite passer plus de temps auprès de mes parents qui ne sont plus tout jeunes. Actuellement, je m’y rends environ tous les 2 mois pour y mener diverses activités qui me tiennent à cœur. Comme je suis enseignante, il m’a été proposé de faire de la collecte de manuels et matériel scolaires en France pour les distribuer à des écoliers et collégiens africains. C’est un projet utile que j’aimerais mener à bien. D’ailleurs, en France, Je suis la présidente d’une association qui fait bénévolement du soutien scolaire.
En quoi votre parcours est-il marqué par les préoccupations des Français de l’Étranger ?
Tout d’abord, j’ai été moi-même expatriée durant un certain nombre d’années lorsque je faisais mes études à l’étranger. Ensuite, je suis en charge du suivi administratif de mes parents qui ne sont plus en âge de l’effectuer eux-mêmes. Les problèmes de retraite, d’ouverture de compte et de financement bancaires, de couverture sociale, je connais. Mon suppléant, Abdellah Bariki Alaoui est franco-marocain. Il vit à Casablanca. Il est ingénieur en transport, energie et propulsion. C’est un chef d’entreprise impliqué depuis 20 ans dans le développement international des PME françaises en Afrique de l’Ouest et au Maghreb et des PME du Sud vers l’Europe. Il œuvre au sein de 2 associations, l’Institut de Prospective Économique en Méditerranée créé par Jean-Louis Guigou et la Verticale. C’est un expert en matière de fiscalité des entreprises et je compte bien m’appuyer sur ses solides compétences pour offrir un soutien aux entrepreneurs français installés dans la 9ème circonscription des Français de l’Étranger.
Comment voyez-vous votre mandat de député ?
Il est hors de question que ma mission de parlementaire se fasse essentiellement depuis Paris. Il sera nécessaire de passer un certain temps dans la capitale pour siéger au Palais Bourbon et effectuer les travaux législatifs qui incombent à tout député. Mais les parlementaires sont avant tout les représentants des citoyens qui leur ont accordé leur confiance. Pour être leur fidèle et digne porte-parole, il est primordial d’être à leur écoute afin d’identifier leurs attentes, leurs priorités et leurs urgences. Je prévois d’organiser régulièrement dans chacun des pays de la circonscription des conventions citoyennes qui permettront d’élaborer des projets qui alimenteront des propositions de loi que je déposerai au Parlement. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. De plus, je tiendrai des permanences, pas seulement dans les ambassades et consulats mais aussi dans les territoires, pour aller à la rencontre des Français de la 9ème circonscription. Je dédierai également à mes concitoyens un site où ils pourront m’interpeler sur leurs préoccupations. Ce qui me permettra non seulement d’être informée mais aussi d’y apporter, dans la mesure du possible, des solutions.
Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français de votre circonscription ?
Les défis sont nombreux, je ne pourrai qu’en citer que quelques-uns Tout d’abord, je me battrai pour la gratuité de la scolarité à l’école primaire et au collège pour tous les enfants français. L’AEFE doit être réformée car la gratuité de la scolarité est un principe auquel l’enseignement primaire et secondaire à l’étranger ne doit pas déroger à défaut d’introduire une rupture d’égalité entre les citoyens français. En ce qui concerne les conditions d’octroi des bourses, elles doivent être révisées afin qu’un seuil maximum des revenus des parents français soit consacré à la scolarité de leurs enfants. Ensuite, le gouvernement envisage de subordonner la perception de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA) et de l’Allocation Supplémentaire d’Invalidité (ASI) à une obligation de résidence de 9 mois au lieu des 6 antérieurement prévus. Dans mon programme, je demande, purement et simplement, la suppression de cette obligation car les allocataires de l’ASPA et de ASI sont des personnes à faibles revenus qui vont se trouver plus précarisés par l’adoption de cette disposition. De plus, j’estime que chacun doit avoir le droit de choisir son lieu de résidence ou de vivre auprès des siens, surtout, passé un certain âge. S’agissant de La CFE (Caisse des Français de l’Étranger), elle doit être réformée car les conditions d’adhésion à cette caisse excluent un trop grand nombre d’expatriés qui ne bénéficient plus, plus de ce fait, de la continuité de leur protection sociale. Tout Français, qu’il vive en métropole ou à l’étranger doit disposer des mêmes droits en matière de santé et de soin. Le droit à un compte bancaire doit également être sanctuarisé grâce à un accompagnement de la Banque de France. Comme vous le constatez, les défis sont nombreux et la liste est loin d’être exhaustive.
Comment est organisée votre campagne et qui sont vos soutiens ?
Suite à la validation du recours en annulation par le Conseil Constitutionnel, plusieurs personnes se sont spontanément proposées pour m’aider dans ma campagne. Autour de moi, il y a donc les anciens soutiens, ceux de juin, et, les nouveaux, qui m’ont rejoint après m’avoir contactée pour me féliciter du succès du recours en annulation. Ce sont mes relais dans plusieurs pays de la circonscription ; au Sénégal, au Maroc, en Algérie, au Mali … De plus, de nombreuses associations tenues par les descendants de tirailleurs sénégalais me soutiennent car elles sont sensibles au combat que je mène afin que la République reconnaisse et honore dignement les anciens combattants qui ont risqué et donné leur vie pour notre patrie. Il faut savoir que certains d’entre eux n’ont jamais reçu leur solde ou même leur pension. J’ai interpellé Emmanuel Macron lors du sommet Afrique-France de 2020 sur leur sort et celui de leurs familles. Il s’était engagé à leur rendre toute leur dignité mais il n’a pas tenu parole. Je poursuis donc ce combat car l’injustice qui a été faite à ces anciens combattants est insupportable.
Quels sont les axes de travail que vous souhaiteriez mener à bien si vous êtes élue ?
L’un de mes axes de travail prioritaire sera la gratuité de la scolarité en primaire et en secondaire. La devise de la France est « Liberté, Égalité Fraternité ». Tous les citoyens français sont censés jouir des mêmes droits et l’un des grands principes du droit français est l’enseignement primaire et secondaire public, laïc et gratuit posés par les lois de 1881 et 1933. J’ai été interpellée, durant la campagne de juin, par de nombreux parents qui étaient dans l’incapacité d’acquitter les frais de scolarité prohibitifs qu’on leur réclamait. Ces parents, qui me demandaient d’intercéder en leur faveur auprès de l’AEFE, étaient en situation de désarroi car l’établissement, dans lequel étaient scolarisés leurs enfants, refusait leur réinscription dans l’attente du règlement des sommes dues. C’est cette détresse qui motive ma détermination. Ensuite, je pense que les critères d’attribution des bourses doivent être assouplies afin de venir en aide à un plus grand nombre de familles et le budget des aides sociales et des bourses scolaires doit être augmenté de manière significative. Le droit à la santé pour les expatriés sera un axe de travail concomitant. Il faudrait aligner les droits des Français expatriés sur ceux des Français vivant dans l’Hexagone. C’est la raison pour laquelle, je plaide pour une refonte de la CFE. Je souhaite également que la lutte contre le racisme et les discriminations soit déclarée "grande cause du quinquennat" car ils mettent en péril la cohésion sociale. Un rapport de France Stratégie qui opère sous l’égide de Matignon indique qu’à travail égal, un homme noir ou arabe gagne 30% de moins qu’un homme blanc et qu’une femme noire ou arabe gagne 49% de moins qu’un homme blanc. En matière de logement, il est démontré que les personnes dont le patronyme est à consonance arabe ou africaine ont 34%, dans le premier cas, et 27%, dans le second, moins de chance d’obtenir un rendez-vous avec un propriétaire et en matière d’emploi, ils doivent envoyer 3 fois plus de CV pour obtenir un entretien d’embauche. Cette situation est inacceptable et intolérable. Cependant, il n’existe pas de loi sur les discriminations salariales du fait des origines et on continue de s’opposer aux actions positives telles qu’elles existent pour les femmes pour rétablir une forme d’égalité entre les citoyens blancs et non-blancs