Édition internationale

1911, REVOLUTION - Jackie Chan co-signe un film à la limite de la propagande

Sorti jeudi dernier, deux jours avant la fête nationale, 1911 se fait le chantre de la révolution du Xinhai qui a abouti, au début du siècle dernier, à l'instauration de la première République de Chine. Un film qui se perd entre grandes idées, sacrifices, sentimentalisme et propagande bas de gamme 


 Sorti jeudi dernier, deux jours avant la fête nationale, 1911 se fait le chantre de la révolution du Xinhai qui a abouti, au début du siècle dernier, à l'instauration de la première République de Chine. Un film qui se perd entre grandes idées, sacrifices, sentimentalisme et propagande bas de gamme.

Le 10 octobre 1911, des militaires s'insurgent dans une caserne de Wuhan. Dès le lendemain, les soldats rebelles contrôlent la ville. Ce mouvement est le point de départ d'un soulèvement politique plus vaste, qui aboutit au renversement de la dynastie des Qing, au pouvoir depuis 268 ans, et qui met fin au système féodal et impérial en place depuis plus deux millénaires. La révolution qu'annonce le sous-titre du film, c'est celle du Xinhai qui marque la naissance de la République de Chine. Un pitch intéressant pour un film qui se révèle bien insipide, marqué par un patriotisme sentimentaliste et souffrant d'un fort amateurisme dans la réalisation.

2011, année de commémoration
Ce n'est bien sûr pas un hasard si la sortie du film a été programmée quelques jours avant la Fête nationale, dans le but de commémorer en grandes pompes la révolution du Xinhai et l'instauration, de courte durée, de la première République de Chine. Le centième film de Jackie Chan (co-réalisateur pour l'occasion), star hongkongaise de films d'action et patriote à ses heures perdues, clôt la trilogie plutôt pompeuse commencée en 2009 avec The Founding of a Republic. Jackie Chan y jouait un journaliste qui suivait la guerre civile chinoise et la Longue Marche de Mao. En début d'année sortait Beginning of the Great Revival, un film au titre éloquent qui dressait le portrait de la fondation du Parti Communiste chinois. Sous titré The Birth of a Nation pour sa sortie américaine, 1911 se veut un préquel insistant sur les sacrifices des révolutionnaires, prêts à tout pour la grandeur de la Chine. Roulement de tambours.

Un tournant historique pour la Chine?
Les évènements racontés dans le film étaient pourtant loin de manquer d'intérêt. Il faut remonter à la fin du 19e siècle pour comprendre les évènements qui ont débouché sur la création d'une République en Chine. À partir des années 1890 en effet, divers mouvements nationalistes voient le jour, notamment en raison de la main mise des étrangers sur l'Empire du Milieu après la fin des guerres de l'opium. Parmi ces mouvements, le Xingzhonghui, fondé par Sun Yat-sen et le Huaxinghui fondé par Huang Xing qui sera plus tard le bras droit armé de Sun Yat-sen. En 1905, ces diverses organisations s'unissent pour fonder le Tongmenghui (littéralement "société de loyauté unie"). Le Tongmenghui axe son action sur trois principes définis par Sun Yat-sen : le nationalisme (indépendance, lutte contre l'impérialisme étranger et la domination mandchoue), la démocratie (établissement d'une république) et le bien-être du peuple (droit à la propriété de la terre égal pour tous). Après divers soulèvements armés qui échouent, 1911 est l'année de l'aboutissement.

? mais un film qui déçoit
Le prologue annonce immédiatement les carences flagrantes du film. La voix-off de la "première révolutionnaire exécutée" Qiu Jing nous explique pourquoi elle va mourir, suite à l'échec d'une insurrection précédent celle de 1911. Son sacrifice, elle est heureuse de le faire nous dit-elle, elle laisse derrière elle des enfants, mais elle s'est battue pour leur laisser un meilleur monde. Elle jette un dernier regard envers une femme qui se fait téter par son nourrisson, esquisse un sourire avant de se faire trancher la tête. C'est le début d'une heure et demie de ralenti sur des jeunes révolutionnaires qui continuent à tirer sur les oppresseurs une fois leur corps criblés de balle, de dialogues prônant l'indépendance du peuple chinois. Ce peuple chinois que Sun Yat-sen décrit comme vivant dans des conditions pires que des animaux, pour qui la mort serait plus douce que la vie. Voilà la principale trame du film : plutôt mourir que vivre un jour de plus sous le joug mandchoue.

Après tout, pourquoi pas ? Ces mouvements insurrectionnels appelaient vraiment de leurs v?ux un changement de l'ordre social et la fondation d'une république, garantissant notamment les droits de la majorité han. Une population Han dominée voire opprimée par la minorité mandchoue. Mais le film est desservi par la caricature excessive de personnages qui n'ont aucune profondeur, complètement déshumanisés, dont on ignore le pourquoi de leur motivation. Leur seul trait de caractère est leur dévotion à la révolution quels qu'en soient les sacrifices. En outre, la narration jumelée entre les deux personnages principaux, Sun Yat-sen qui est en exil pour récolter des fonds et Huang Xing qui mène la lutte armée en Chine, rend le montage brouillon. La scène du discours aux Etats-Unis pendant que les révolutionnaires se font massacrer dans le Sichuan en est un parfait exemple.

Le film effectue par ailleurs un étrange mélange, suggérant notamment de nombreuses fois que les hommes du Tongmenghui étaient des communistes en puissance. Des hommes qui dénoncent aussi vivement dans le film le fait que le peuple chinois n'a jamais encore pu élire ses dirigeants?

Un film décevant donc, pour un sujet pourtant fourmillant. Mieux vaut se tourner vers les livres d'histoire si vous êtes intéressés par la révolution du Xinhai. L'occasion pourquoi pas de commencer L'Histoire de la Chine des origines à nos jours, de John Fairbank par exemple.

Roman Fruitier (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), mardi 4 octobre 2011

La bande annonce : 1911

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.