Annabelle Culty décide un jour de tout lâcher pour suivre son rêve: vivre de sa passion, la pâtisserie et faire les meilleurs choux à la crème. Pari tenu. Sa boutique reçoit une clientèle d'habitués, particuliers et entreprises, qui reconnaissent la qualité exceptionnelle de ce produit festif, à l'image de l'Espagne.


Il y a tout juste un an, Annabelle Culty créait sa pâtisserie, Santana-choux à la crème, un véritable défi pour cette jeune française arrivée en Espagne il y a un peu plus de 4 ans. "J’ai toujours eu l’idée de monter ma propre entreprise. Et faire de la pâtisserie était mon rêve depuis longtemps". Mais elle n'avait jamais sauté le pas. Il faut dire qu'à l'origine, Annabelle n'était pas une pâtissière professionnelle. Après avoir fait une école de commerce, elle a travaillé dans différents pays pour des agences de communication dans le digital. Pas grand-chose à voir avec ses petits choux à la crème!
Faire de la pâtisserie, un rêve depuis toujours
Et que s'est-il passé pour que survienne ce changement si radical? "Je vivais en Argentine. Économiquement, c’est un pays très compliqué et puis je voulais me rapprocher de la France tout en restant dans un contexte espagnol. J'ai donc cherché du travail en Espagne et suis arrivée à Madrid il y a bientôt 5 ans. C'était la première fois que je restais aussi longtemps dans un pays et j’ai donc commencé à avoir des amis. Ce sont eux qui m’ont poussé à suivre mes rêves. Ils voyaient que j’arrivais toujours au boulot avec des pâtisseries que j’avais faites et les gens savaient que j'adorais ça et ils me disaient 'mais vraiment, c’est ce que tu aimes, alors fais-le'".

Elle traverse donc le Rubicon mais de façon intelligente, parce qu'une chose c'est d'adorer faire de la pâtisserie et une autre est d'en faire son métier. "Je me suis formée à la célèbre école hôtelière Ferrandi à Paris et j'ai aussi fait une formation intensive à Lenôtre. Je faisais des pâtisseries depuis très longtemps comme une passion mais j’avais besoin de me professionnaliser".
Mais ce n'est pas tout. Annabelle fait le choix de se spécialiser dans un seul produit. Et son produit phare sera le chou à la crème, pour obtenir le meilleur résultat possible, avec son "savoir-faire" unique.
Mais pourquoi le chou à la crème? Annabelle a vraiment pensé à tout dans son business plan. "Cette pâtisserie typiquement française s’adapte bien à l’Espagne -explique Annabelle. Les Espagnols aiment bien prendre des petites portions, alors ça fait un peu 'tapas' et c’est un esprit convivial. De plus, je me souvenais que ma grand-mère, qui est Espagnole et vit en France, n'acceptait de prendre comme seul dessert que les choux à la crème parce que cela n’était pas trop sucré. Alors je me suis dit que cela marcherait ici parce que c’est un chou qui est fait avec de la crème chantilly légère, ce n’est pas de la crème pâtissière".

Annabelle a également effectué de nombreux tests en termes de saveurs, mais ce qui finira de la décider, c'est une fête chez des amis. "Lorsqu'une amie s’est mariée, j’ai fait des choux pour sa fête de pré-mariage et quand j’ai vu la réaction des gens, c'est là que je me suis mise à fond dans mon projet. J'ai arrêté de travailler et deux mois après, j’ouvrais ma boutique".
Son local, Santana-Choux (Le nom choisi est à la fois un hommage à sa grand-mère, et un jeu de mots avec mon prénom Annabelle), se situe au cœur du quartier de Chamberi, rue de Viriato, 37. En un an, elle a su se faire une clientèle fidèle, avec bien évidemment beaucoup d'Espagnols mais aussi des Français. "Ce qui est amusant, c’est que, quand j’ai monté ce business, je pensais beaucoup plus aux Espagnols comme clients qu'aux Français! Je n'imaginais pas que cela allait autant leur plaire mais finalement j’ai beaucoup de Français installés en Espagne depuis très longtemps dans ma clientèle et qui aiment beaucoup les chouquettes".

Son secret? De bons ingrédients et un produit frais, fait le jour même. "C’est vraiment la philosophie de cette pâtisserie. C’est un produit artisanal et les Espagnols l'apprécient parce qu’ils se rendent compte que ce que je fais, c’est un produit frais qui se vend le jour même et maintenant les habitués savent qu'il est préférable de commander à l'avance parce que s’ils arrivent à 19 heures, il est fort possible qu’il n’y ait plus rien. C’est une culture un peu plus à la française. On achète pour manger aujourd’hui un produit frais, on n'achète pas pour le manger le lendemain".
Alors qu'elle est sur le point de souffler le 17 novembre la 1ère bougie de sa boutique, son bilan est quelque peu mitigé. "C’est très positif en termes de clients. J’ai une très bonne relation avec les gens du quartier. Les clients sont super sympas, je reçois même des messages pour savoir si tout va bien quand ils voient un jour que c’est fermé. J’ai vraiment des retours très positifs et ça motive. Par contre en termes de chiffres, le bilan est moins bon parce que je ne touche toujours pas de salaire. Au bout d’un an, on me dit que c’est normal, mais économiquement je ne pourrai pas rester comme ça indéfiniment".

Son business plan n'avait en effet pas prévu un "léger" détail, l'inflation galopante qui a provoqué une forte augmentation de ses matières premières. "C’est une première expérience et j’ai fait des erreurs. J'avais fait mon business plan avant l'explosion de l'inflation et entre temps, les matières premières ont beaucoup augmenté et cela me revient plus cher mais les prix sont toujours les mêmes. Ce qui veut dire que je vendais vraiment à prix coûtant, mais ce sont les aléas du commerce. En septembre, j’ai quand même fini par actualiser les prix, sinon, je ne m'en sortais pas".
En plus, Annabelle ne voulait pas faire de ses choux un produit de luxe. "C'était très important pour moi de maintenir un prix raisonnable pour que les gens puissent connaitre le produit et se l’acheter sans penser 'Mon Dieu j'ai fait une folie et maintenant je n'en rachèterai plus avant plusieurs mois!'. Il y a donc une générosité du produit, il fallait que je ce soit bon et accessible. C’est tout de même plus cher que de la pâtisserie industrielle, mais c'est artisanal et les clients en sont conscients".

Même si son produit phare reste le chou, Annabelle a su diversifier son activité. "Je fais maintenant beaucoup d’évènementiel. J'ai des clients comme par exemple l’Institut français, l’Alliance française, je suis en relation avec l’Ambassade, avec des restaurateurs, je fais des petits déjeuners pour les entreprises, bref beaucoup de choses en dehors de la boutique. Je crée aussi des gâteaux spéciaux pour Noël, pour des anniversaires; j'organise aussi des ateliers pâtisserie pour les enfants, et je prépare la même chose pour les adultes. Je change aussi beaucoup les saveurs en fonction des saisons, par exemple quand il y a des fraises je fais des choux avec des petits morceaux de fraises. Maintenant pour Noël je fais un chou saveur turron qui avait très bien marché l'an passé".

Annabelle reste donc très optimiste. "C’est vraiment super de voir que les Espagnols te confient leurs desserts de Noël. C’est du pur bonheur parce que la pâtisserie à ce côté de partage, de passer un bon moment avec des amis, avec la famille. Et là je vis des moments géniaux, car c’est ma passion. Il y a des jours où je peux commencer à travailler à 6h du matin et finir à 23h, mais je fais ce que j’aime et ça, ça n’a pas de prix. Je crois en ce que je fais, j’ai une liberté folle et je suis mon propre chef."