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"Dans l’après Covid, un modèle zéro carbone fera plus que jamais sens"

loreto ordoñez engieloreto ordoñez engie
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Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 23 septembre 2020, mis à jour le 23 septembre 2020

Loreto Ordoñez est depuis 2011 à la tête de la filiale espagnole du groupe ENGIE (ex GDF Suez), détenu en majorité par l'Etat français. Ce géant mondial de l'énergie est engagé dans un processus de transformation, avec la décarbonisation en ligne de mire, mais aussi la numérisation et la décentralisation de la production. Un immense chantier, qui jouit de l'impulsion européenne en la matière, mais dont le succès dépendra aussi grandement de la capacité des Etats à établir un cadre légal pérenne et transparent. Si les incertitudes relatives à cette transformation énergétique restent grandes, une chose est claire : la crise du Covid a renforcé l'importance pour l'ensemble de la société d'un certain nombre de valeurs qui, dans la vieille économie, n'ont pas toujours trouvé place pour leur épanouissement. Ainsi, à "l’importance de la santé, de la liberté, la valeur de l’employabilité, et celle d’être bien informés", s'ajoute celle d'une économie plus respectueuse de l'environnement. "Nous souhaitons devenir les leaders de la transition énergétique vers un modèle zéro carbone", défend Loreto Ordoñez.

 


Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel, avant d’atteindre vos fonctions actuelles ?

Ma carrière professionnelle s’est développée principalement dans le secteur de l’énergie, où j’ai pu faire face aux grands défis de la scène énergétique mondiale sous différents angles et responsabilités. J’ai travaillé pour des entreprises espagnoles et étrangères jusqu’à ce que je rejoigne ENGIE, l’un des premiers groupes énergétiques mondiaux, présent dans 70 pays et pour lequel, depuis 2011, j’assume la fonction de Directrice Générale de sa filiale espagnole, ENGIE España. Entourée d’une équipe d’environ 2.200 professionnels, je dirige la transformation du Groupe ENGIE en Espagne afin de le positionner comme partenaire de référence pour ses clients au sein du secteur énergétique espagnol, et comme acteur clé dans la transition énergétique.  Depuis lors, je suis engagée dans l’un des plus grands défis auquel j’ai eu à faire face dans ma carrière professionnelle, et dont je suis particulièrement fière. Je profite de l’occasion pour remercier toute mon équipe pour son engagement, son professionnalisme et son travail quotidien dans ce processus clé de transformation et, encore plus spécialement en ces moments difficiles, conséquences du COVID-19.


Quelles relations entretenez-vous avec la France, sa culture, sa langue, son environnement économique ?

Je me sens particulièrement proche de la France, non seulement professionnellement mais aussi personnellement. Et je suis très reconnaissante d’être une partie active de la communauté Française.
Je suis unie à la France grâce à l’impact clair et la trace profonde que la culture et l’éducation française ont eu sur ma formation depuis toujours. Dans les mêmes conditions qu’un natif français, j’ai eu la possibilité de pouvoir m’épanouir professionnellement dans les structures de gestion et les organes de décision de l’un des groupes énergétiques les plus puissants au monde, leader de la transition énergétique, ENGIE.
Un groupe français qui m’a donné l’opportunité de me développer professionnellement et auquel je dois, en grande partie, le succès de ma carrière. Grâce aux responsabilités exercées ces dernières années, j’ai pu acquérir la perspective nécessaire pour avoir une ample vision du secteur énergétique, un secteur à la fois global et complexe. 
Un moment particulièrement émouvant pour moi, et qui reflète ce grand lien qui m’unit à la France, a été l’honneur que j’ai eu, il y a trois ans, d’être décorée par le gouvernement français comme Chevalier dans l’Ordre national du Mérite, une reconnaissance qui m’encourage à continuer de travailler et de renforcer les relations entre l’Espagne et la France.


Vous avez été nommée récemment Vice-présidente de l’association Diálogo. Quelle est votre implication au sein des organismes français en Espagne ?

La France et l’Espagne sont sans aucun doute des pays voisins mais aussi alliés. Nos citoyens partagent les mêmes intérêts et s’attendent à ce que les entreprises améliorent leur vie quotidienne et leur offrent des opportunités. C’est pourquoi, travailler pour que la France et l’Espagne continuent à collaborer et à renforcer leurs liens est un moyen qui me permet d’agir et de relever les défis que les entreprises et la société actuelles nous lancent. C’est une fierté de pouvoir apporter mon grain de sable à consolider, plus encore si possible, les relations entre les deux pays, la diffusion de la culture française, et le renforcement des relations économiques. Tout cela grâce à mes responsabilités dans le monde des affaires et dans les organisations avec lesquelles je collabore, comme l’Association d’amitié Franco Espagnole, Diálogo, à travers de laquelle sont promues des activités qui permettent une meilleure compréhension et communication entre l’Espagne et la France dans tous les domaines, et en particulier dans les domaines culturels, éducatifs et artistiques. 
Je ne peux pas oublier mon engagement envers l’équipe des Conseillers du commerce extérieur de la France, à laquelle j’appartiens depuis août 2016. Je suis particulièrement fière de soutenir leur formidable travail dans un secteur aussi complexe que celui de l’énergie. Avec l’ensemble des conseillers nous observons, suivons, encourageons et favorisons le commerce extérieur de la France tout en favorisant une étroite coopération avec l’Espagne. Notre mission est de conseiller le gouvernement, de promouvoir l’excellence de la France, d’aider les entreprises françaises à investir et à s’installer à l’étranger, ainsi que de former les jeunes dans le domaine du commerce international.
Et enfin, je souhaitais faire une mention spéciale à la Chambre franco-espagnole de Commerce et d’Industrie. En tant que membre de son équipe de direction, je m’engage à promouvoir les relations franco-espagnoles dans tous les domaines, créant de nouveaux liens entre les deux milieux d’affaires et en favorisant les relations de leurs institutions.


Quels sont les défis du secteur de l’énergie en Espagne ?

Ces dernières années, le secteur énergétique a subi une transformation profonde, qui a commencé par sa libéralisation à la fin des années 1990. Cependant, sans aucun doute, un des changements fondamentaux pour le secteur a été l’engagement de la part de l’Union européenne en faveur de la transition énergétique.

En voici quelques exemples :
• Les objectifs climatiques fixés pour 2030 par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et 2050 comme date limite pour le processus de décarbonisation.
• Le développement des énergies renouvelables.
• L’abandon progressif des combustibles fossiles.

Ces facteurs ont provoqué non seulement un changement dans les entreprises du secteur, mais aussi sur le marché dans lequel elles se développent. 
Actuellement, et grâce à une stratégie européenne commune, le démantèlement et l’abandon progressif des énergies et des carburants traditionnels sont en cours. Ces plans fixent des dates précises et visent à établir un nouveau modèle énergétique européen.

L’urgence climatique, ainsi que la prise de conscience environnementale et le passage à un modèle d’économie circulaire, prennent aujourd’hui un rôle de premier plan et accélèrent et renforcent l’engagement en faveur de la durabilité déjà acquis par les autorités, les entreprises et la société civile.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises, tant en Espagne qu’en France, ont lancé ces défis stratégiques dans un contexte où les exigences de la part de la société et des administrations sont de plus en plus nombreuses. Le progrès vers un modèle durable est aussi une priorité pour l’Union Européenne, c’est pourquoi les relations entre l’Espagne et la France doivent se renforcer pour jouer un rôle de premier plan à cet égard.


Dans ce contexte, quelles sont les orientations stratégiques d’ENGIE pour les années à venir ?

Le secteur de l’énergie est en train de se transformer et devra faire face à de réels changements au cours des prochaines décennies ; le défi sera d’assurer un approvisionnement abordable, propre et fiable. Cette forte transformation est motivée par de multiples facteurs, tant technologiques qu’environnementaux, et c’est pourquoi nous parlons de transition énergétique.    
Cela signifie que ces dernières années, nous vivons une révolution énergétique, dans laquelle nous passons à un modèle de génération décentralisé, avec des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre (GES) et une consommation et une production plus efficaces. Le tout, accompagné d’une économie de plus en plus numérique. Nous sommes nombreuses les entreprises qui nous concentrons sur la décarbonisation, la numérisation et la décentralisation de la production d’énergie. 
 
• La décarbonisation : ce modèle est clairement basé sur la production à partir de sources renouvelables, tant d’un point de vue centralisé que décentralisé.
• La numérisation :   le nouveau modèle est soutenu par l’intégration des technologies de l’information dans les infrastructures. 
• La décentralisation : le consommateur final (B2B ou B2C ou Cities) devient le protagoniste du système. 

En bref, nous sommes passés d’un système traditionnel d’installations de grande génération qui approvisionnent le client final par le biais des réseaux de transport et de distribution, à un système dans lequel le client final (de différentes tailles, B2B – B2C-B2T) est un élément actif du système, conscient et qui, s’il le souhaite, peut être en charge :
o d’adapter sa demande en fonction des prix du marché (grâce aux compteurs intelligents) ;
o de produire son électricité avec des sources d’énergie renouvelables ;
o de stocker et gérer son énergie.

Ce modèle, qui comme je l’ai dit est en transformation claire, doit préserver certains principes fondamentaux, absolument indispensables dans le secteur de l’électricité, tels que garantir la sécurité et la qualité de l’approvisionnement, contribuer à accroître la compétitivité et protéger les droits de tous les consommateurs.
C’est pourquoi, depuis ENGIE, nous avons la conviction que notre rôle est d’être l’un des acteurs de référence de la transition vers la neutralité carbone à travers nos services énergétiques, avec des modèles d’affaires innovants et l’intégration de nos connaissances tout au long de la chaîne de valeur (ingénierie, installation, exploitation et maintenance et gestion de l’énergie, et également, le financement).
Ces dernières années, depuis ENGIE, nous avons réduit notre exposition aux combustibles fossiles en nous concentrant sur trois segments de croissance tels que : l’efficacité énergétique, grâce à des solutions sur mesure pour nos clients, les énergies renouvelables, et le gaz comme technologie de secours.

Nous sommes conscients qu’il y a de grandes incertitudes dans la transition vers un modèle décarboné, c’est pourquoi nous avons besoin de politiques solides et flexibles pendant ce processus. L’important volume d’investissements à faire, les longues périodes de récupération de ces derniers et l’incertitude quant au moment où certaines technologies seront suffisamment matures (en performance et en coûts) pour leur déploiement de masse, nécessitent une transition intelligente. Cette transformation doit assurer de façon efficace le respect des objectifs à long terme et s’adapter à l’évolution de la technologie et des coûts. 
Incontestablement, les caractéristiques de l’énergie doivent toujours être en ligne avec les besoins de la société et en tant qu’une des principales entreprises engagées dans la transition énergétique, nous devons être en mesure de prendre de l’avance sur ces besoins. 
Dans ce sens, nous croyons qu’ENGIE doit jouer un rôle différenciateur ; notre but est d’accompagner nos clients, collaborateurs et parties prenantes dans leur transition vers la neutralité carbone. Nous avons développé notre portefeuille de produits vers la Solution Globale ENGIE, qui propose à chaque client une offre de service intégrée qui lui permet de développer sa propre stratégie de décarbonisation. Une stratégie rentable et conforme à ses ambitions de développement durable. Ainsi, grâce à nos compétences tout au long du cycle énergétique, notre présence sur l’ensemble du territoire et une grande expérience sur les marchés de l’électricité, nous sommes en mesure d’offrir des modèles d’affaires uniques et intégraux.


Dans quelle mesure la crise du Coronavirus influencera-t-elle votre activité ?  

La crise due à la pandémie du Coronavirus est un problème mondial, avec des caractéristiques locales, mais qui nous affecte tous d’une façon ou d’une autre.
Selon moi, le succès ne sera pas celui des entreprises qui gèrent correctement cette crise, mais de celles qui s’anticipent aux opportunités et bien sûr de celles qui ont la capacité à s’adapter et se préparer au nouveau paysage économique et social qui se dessine. Le fameux time to market est plus que jamais à l’ordre du jour. 

Dans cette situation, en tant que société, nous redécouvrons des choses comme par exemple l’importance de la santé, de la liberté, la valeur de l’employabilité, et celle d’être bien informés.
En ce sens, certaines des mesures mises en œuvre au cours de cette période devront perdurer, je me réfère au besoin d’avoir des organisations "numériques par défaut", au télétravail à grande échelle comme outil de travail et commercial, à la consommation numérique, à la nécessité conséquente d’adapter les modèles d’affaires, et à l’automatisation des processus numériques, entre autres.
La pandémie due au Covid-19 nous a rappelé l’importance de prendre soin de notre santé et de la planète. Nous n’oublierons jamais les images de Madrid sans voitures, avec des niveaux beaucoup plus faibles de pollution, et un beau ciel clair. 

Depuis ENGIE, nous sommes convaincus que lorsque la pandémie sera terminée, les gouvernements, les entreprises et les citoyens devront reprendre la lutte contre le changement climatique, lutte dans laquelle ENGIE était déjà clairement engagée aux travers de multiples actions visant à la décarbonisation. Nous savons qu’une situation macroéconomique complexe se prépare, mais dans la nouvelle définition des valeurs, les entreprises seront amenées à prioriser leur engagement en faveur de la durabilité.
Selon nous, ce sera le nouveau grand pilier des valeurs corporatives et personnelles. Et ce le sera sous tous ses angles, parce que pour que quelque chose soit durable, il doit l’être sur le plan économique, humain et environnemental.
Pour cela, ENGIE doit renforcer la stratégie sur laquelle elle a travaillé ces dernières années, nous souhaitons devenir les leaders de la transition énergétique vers un modèle zéro carbone, vert, objectif qui dans l’ère post-Covid-19 fait plus que jamais sens. 
 

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