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Ève K-Rene : « J’écris sur le handicap autrement »

Ève K-ReneÈve K-Rene
Écrit par Cédric Tavernier
Publié le 16 juillet 2020, mis à jour le 16 juillet 2020

Ève K-Rene est une jeune Camerounaise qui étudie la psychopédagogie de la créativité à Varsovie. Ayant un handicap depuis l’âge de 3 ans, son premier roman, Dans l’ombre d’un handicap relate l’histoire de Melinda. Melinda, paraplégique depuis sa naissance, souhaite justement être « normale » et sortir de « l’ombre de son handicap », faire la paix avec elle-même, surmonter son complexe et affronter la vie avec plus d’optimisme. Grâce à cette interview, nous allons essayer de mieux connaître l’auteure de ce livre, de mieux connaître son histoire et qui elle est.

 

lepetitjournal.com : Depuis quel âge souffrez-vous de votre handicap ?

Ève K-Rene : Depuis mes 3 ans. Beaucoup pensent que je suis née avec un handicap, mais non. J’avoue que si je n’avais pas vu les photos qui me montrent en train de courir, de sauter et de jouer avec mes frères et sœurs, j’aurais cru la même chose car je n’ai pas vraiment de souvenirs avant mon handicap. Je sais juste que c’était un dimanche.

 

lepetitjournal.com : À quoi est dû est votre handicap ?

Ève K-Rene : Par rapport à mon handicap, je ne pose pas vraiment des questions sur son origine. Pour moi, le plus important dans cette situation, ça a été de savoir comment s’adapter à cette nouvelle vie. Quand j’étais petite, les superstitions allaient bon train, seulement, à mon petit âge, je trouvais déjà cela ridicule. Je ne voulais pas croire que quelqu’un d’autre que moi, puisse avoir assez de puissance au point de décider si oui ou non, il allait changer mon destin en faisant en sorte que j’ai un handicap. Du coup, je dis toujours Polio. Je n’ai jamais posé la question à mes parents, je n’ai jamais regardé les notes du médecin. Je respectais juste les consignes à suivre pour améliorer mon état et le reste ne me servait à rien.

 

lepetitjournal.com : Quelles professions avaient vos parents et où habitaient-ils ?

Ève K-Rene : Mes parents ont toujours vécu à Yaoundé. Ma mère travaillait dans une agence de voyage, et mon père est commerçant.

 

lepetitjournal.com : Avez-vous été placée dans un établissement spécialisé pendant votre enfance ?

Ève K-Rene : Oui, j’ai vécu dans un centre spécialisé pendant 10 ans. À 180 km de mes parents. Je les voyais pendant les congés et les vacances d’été. Je crois que c’est ce qui m’a rendu complètement autonome. Si mes parents n’avaient pas cru en moi, je ne serais pas cette jeune femme aujourd’hui. Je serais sûrement restée dans mon coin, ils m’auraient couvée et étouffée d’affection au point que je ne puisse plus avoir ma propre pensée, mais celle surprotectrice de mes parents. Je ne dis pas que c’est mauvais, je crois juste que mes parents ont su me faire confiance en me laissant prendre la voie que je voulais. Ils savaient que je pouvais faire face à la distance, à la vie et que je pouvais me débrouiller seule. Je crois que c’est le plus beau cadeau que j’ai eu. La liberté. Cela m’a fait voir le monde autrement. J’ai su très tôt que je n’ai pas besoin de voir quelqu’un tout le temps pour l’aimer. Et je n’ai pas vraiment eu de crise d’adolescence parce qu’il a fallu grandir très vite. J’ai appris que les difficultés sont parfois des opportunités pour le développement personnel.

 

lepetitjournal.com : Comment vous est venue cette passion pour l’écriture ?

Ève K-Rene : Quand je rentrais à la maison pendant les congés et les vacances, je ne sortais pas beaucoup. Je trouvais le monde extérieur trop grand et peu familier. Certains de mes camarades me rapportaient les choses qu’ils subissaient autour d’eux : la discrimination, les injures, des moqueries, du coup, je ne voulais pas subir cela, alors je restais chez moi et je lisais afin de m’évader. C’est ainsi que j’ai développé le goût de la lecture. Pour l’écriture c’est bien après, quand j’avais douze ans. J’avais pris un livre chez ma prof de français et je devais le rendre après la lecture, seulement, à la fin de la lecture, je n’ai pas aimé et je l’ai réécrit. L’histoire est devenue différente et ma prof a dit « ça y est, on tient une écrivaine ». Cela devint notre petit rituel, elle me donnait de quoi écrire et j’écrivais une nouvelle histoire. Cela a duré pendant presque six ans.

 

lepetitjournal.com : Qu’avez-vous fait après le foyer de réhabilitation ?

Ève K-Rene : Après le foyer de réhabilitation, je suis allée au lycée et j’ai obtenu mon Bac. Puis à l’université à Yaoundé et j’ai eu ma licence en psychologie. Et après j’ai commencé à écrire de façon officielle. Mon premier roman, Dans l’ombre d’un handicap, Il m’a fallu uniquement deux semaines pour l’écrire et un an pour tout vérifier. Il est sorti officiellement en fin décembre 2015. Depuis je suis à Varsovie, j’étudie la psychopédagogie de la créativité et je finalise la publication de mon deuxième roman.

 

lepetitjournal.com : En quoi Melinda est-elle différente de vous ?

Ève K-Rene : Melinda (mon héroïne) est pessimiste, moi, je suis réaliste, je vois les choses telles qu’elles sont et je m’adapte à la situation. Elle est un peu perdue. S’attache aux gens car elle ne sait pas comment vivre. Du coup elle s’attache aux mauvaises personnes. Elle pleurniche, se plaint tout le temps. C'est un personnage qui vraisemblablement synthétise ce côté en moi que je ne souhaite pas avoir. Si je n’avais pas eu ma force de caractère, je serais tombée dans les pièges dans lesquels Melinda est tombée. Elle ressemble à beaucoup de personnes, vivant des situations difficiles qui peuvent parfois devenir des handicaps. Dans le cas de mon personnage, elle n’arrive pas à nouer le contact avec le monde extérieur, et ne veut pas non plus rester sur la marge. Moi, je vois les choses telles qu’elles sont. Je sais que le monde est fait de bien comme de mal, qu’il y a des personnes qui m’accepteront telle que je suis et d’autres pas. C’est leur droit, c’est logique. Alors, je mène ma vie, je la rends meilleure du mieux que je peux et je n’attends l’autorisation de personne pour la vivre.

 

lepetitjournal.com : Et pourquoi la Pologne ?

Ève K-Rene : J’ai connu la Pologne grâce à des personnes incroyables qui sont pour moi une deuxième famille. Ce sont des Polonais qui font un travail incroyable en Afrique et au Cameroun surtout. Ils ont une association qui vient en aide à beaucoup d’orphelins. La Pologne est un beau pays, j’ai un faible pour les paysages et le côté traditionnel. Comme bonne Africaine, je râle quand il fait trop froid, Varsovie est une de mes villes préférées, pas seulement parce qu’elle est adaptée, mais c’est une ville fascinante. À Lodz, j’ai de bons amis, mais c’est une ville pas vraiment adaptée pour moi.

 

lepetitjournal.com : Où peut-on se procurer votre livre ?

Ève K-Rene : Vous pouvez l'acheter en cliquant sur le lien suivant : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=48061 ou si vous souhaitez un exemplaire dédicacé, vous pouvez me contacter par mail à l'adresse suivante : poupinaebana@yahoo.fr

 

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