Capitaine de l’équipe de France de volley-ball championne olympique à Tokyo, Benjamin Toniutti a doublé la mise à Paris en réalisant l’exploit de conserver le titre. Les Bleus ont impressionné durant des phases finales de haut vol, et ont plié le tournoi en remporter l’or contre des Polonais sans solution (3 sets à 0). La Pologne, une nation que Toniutti connaît bien puisqu’il y habite et “a trouvé une stabilité” depuis 9 ans. Nous l'avions rencontré en amont des Jeux, interview.
Interview réalisée en janvier 2024, à sept mois des Jeux Olympiques de Paris.
Comment vous sentez-vous à quelques mois des Jeux olympiques ?
Je n'ai pas trop le temps d'y penser parce que j'enchaîne les matches avec mon club en Pologne - Jastrzębski Węgiel - qui a beaucoup d'ambitions. Mais bien sûr, je garde toujours en objectif Paris 2024 et les Jeux olympiques et je veux être prêt pour cette échéance. Mais d’un autre côté, on s’est tous dit avec les coéquipiers de l’équipe de France que pour attaquer une bonne préparation, il fallait d’abord être bon dans notre club.
En tant que capitaine, est-ce que vous savez déjà comment va se dérouler la préparation olympique de l’équipe de France ?
Nous n'avons pas encore les détails du programme de cet été, mais il va y avoir la Volley Ball Nation League en début d'été. Nous irons au Canada, en Turquie et aux Philippines. Cela va servir aussi de préparation dans le sens où nous aurons beaucoup de matches pour préparer aux JO. Après, nous aurons une petite coupure d'une semaine puis trois semaines de stage pour préparer les Jeux Olympiques, en France.
Durant votre carrière, vous avez évolué en Italie, en Russie, en Allemagne et depuis neuf ans en Pologne. Est-ce qu’être volleyeur professionnel implique obligatoirement une vie d’expatrié à l’étranger ?
Alors ce n'est pas obligatoire mais c'est vrai que 80 % des joueurs de l'équipe de France évoluent à l'étranger. Ces championnats possèdent des niveaux plus forts et des conditions financières qui sont bien meilleures qu'en France. Je pense que si l'équipe de France en est là, à performer, c'est aussi car les joueurs français se sont expatriés à l'étranger. Dans des clubs qui ont, comme nous les joueurs, l'ambition de gagner des titres sur la plus grande scène européenne et qui sont armés pour ces objectifs.
Mon club met à disposition des équipements et tout ce qu’il faut pour l’épanouissement de ma famille.
De quelle manière vous êtes-vous habitué à votre vie d’expatrié ?
Tous les joueurs français aimeraient évoluer en France, ce n’est pas si facile que cela de jouer loin de son pays et de sa famille. Cette aventure à l’étranger a démarré après avoir joué quatre saisons à Sète. J’avais envie de me challenger, voir autre chose. J’ai commencé à bouger, en Italie d’abord, puis j’ai trouvé une stabilité en Pologne. L’été 2015, juste avant d’arriver en Pologne, il y a aussi eu la naissance de ma première fille donc la construction d’une vie familiale. Les titres remportés à l’étranger ont facilité le fait de rester dans le pays depuis neuf ans maintenant.
Vous voyez-vous poursuivre votre carrière en Pologne ?
Je ne sais pas, je prends maintenant saison après saison mais j’ai trouvé un bel équilibre ici. C’est un pays qui accueille les familles avec des infrastructures supers, des parcs. Mon club (Jastrzębski Węgiel) met aussi à disposition des équipements et tout ce qu’il faut pour l’épanouissement de ma famille.
80 % des joueurs de l’équipe de France évoluent à l’étranger. C’est un destin commun qui vous rapproche et qui peut aussi être un sujet de discussion lorsque vous vous retrouvez en Bleu ?
C’est devenu presque une habitude quand nous nous retrouvons, nous nous demandons comment cela se passe à l’étranger et nous échangeons des conseils. Puis, je me suis déjà retrouvé avec des coéquipiers français en club ou j’ai joué face à eux en championnat, ce qui est très plaisant.
Notre vécu à l’étranger peut aider au développement du volley-ball en France
Vous faites partie des grandes têtes du volley-ball français, d’une génération dorée qui a décroché le sacre olympique. Depuis toutes ces années, avez-vous ressenti une évolution de votre sport en France ?
J’y suis depuis 2010 et j’ai vu une évolution incroyable. C'est-à-dire qu'il y a une dizaine d'années, nous galérions à remplir des salles de 3.000 ou 4.000 places alors que maintenant on arrive à remplir Bercy. Nous arrivons à remplir avec plus de 20.000 personnes le stade de foot de Lille. Bien-sûr, nos résultats collectifs ont favorisé ce développement mais c’est une progression incroyable. En comparaison à l’Italie et à la Pologne, je pense quand même qu’il reste du chemin à parcourir.
Dans votre après-carrière, est-ce un objectif de revenir en France pour aider au développement de la discipline ?
Pour le moment, je n’ai eu aucune proposition mais il me reste encore du temps et de belles années devant moi. Avec mon vécu, en étant en clubs dans les meilleurs championnats, il y a évidemment des choses qui peuvent être mises en place en France. Notamment dans certaines organisations où l’on voit encore des staffs sportifs qui ne sont pas au complet, où il n’y a pas de salariés à plein temps auprès de l’équipe car c’est une question de budget. Il faut que les joueurs soient dans les meilleures conditions pour performer au plus haut niveau.