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MA VIE D’EXPAT - Cédric Josse : « J’aime le côté relationnel et en cela, Bla Bla Bar me convient pleinement »

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 14 juin 2017, mis à jour le 15 juin 2017

Deuxième portrait pour notre nouveau rendez-vous, Ma vie d'Expat. Chaque semaine, un expatrié, francophone ou non, nous parle de sa vie et de ses expériences loin de son pays d'origine. Cette semaine, nous avons rencontré Cédric Josse, un touche-à-tout qui a déjà vécu à Barcelone, à Madrid et depuis trois ans, à Valence. Créateur des célèbres apéros Bla Bla Bar de la communauté francophone, il nous explique son parcours, nous raconte comment lui est venue l'idée de ces rendez-vous entre francophone et nous donne sa vision de Valence.

A travers ses apéros hebdomadaires, Cédric Josse souhaite rapprocher les francophones (Photos©FlorenceCassisi)

Cédric Josse est bien connu des francophones de la région valencienne. Depuis plusieurs mois, il organise ses célèbres apéros francophones, le Bla Bla Bar tous les jeudis soirs à 19h dans un endroit qui change chaque semaine. Après plusieurs années à Barcelone, puis à Madrid, il est arrivé à Valence en 2014, un peu par hasard mais surtout pour se rapprocher de la mer.

Lepetitjournal Valence : Cédric, j'aimerais savoir pourquoi vous êtes partis de France ? Comment en arrive-t-on un jour à se dire « je vais partir en Espagne » ?

Cédric Josse : C'est quelque chose qui m'a toujours taraudé. Malheureusement, mes parents étaient contre et mon père était très clair là-dessus. Il me disait : « Si tu veux rester à la maison, tu continues à étudier à Paris. Si tu t'en vas, tu te débrouilles ! » J'avais 17-18 ans et je l'ai pas fait. A cette époque, il n'y avait pas encore Erasmus et toutes ces choses qui te simplifient la vie en tant qu'étudiant comme maintenant. Finalement je suis resté à Paris et après mes études, j'ai commencé à travailler.

J'avais un peu mis ça de côté et je pensais presque faire ma vie en France. Au début des années 2000, complètement par hasard, je suis venu en Espagne pour la première fois, à Barcelone. C'est une ville qui m'a plu. A ce moment-là, j'étais justement dans un projet professionnel qui battait un peu de l'aile et je me suis dit que, finalement, cela pouvait être intéressant de tenter l'aventure et de vivre un an en Espagne. A Barcelone, c'était très sympa mais c'était plus une ville de sorties et de loisirs qu'une ville pour le travail. J'avais toujours un pied-à-terre et un attachement professionnel à Paris. Je suis resté cinq ans à Barcelone. Pendant ces cinq années, je faisais la navette puisque je travaillais à Paris dans l'événementiel. Cela me permettait de remonter une semaine, deux semaines, un mois parfois pour revenir ensuite à Barcelone et y vivre tranquillement sans avoir à me soucier de toutes les questions matérielles qui étaient complètement couvertes avec ce que je gagnais à Paris.

Au bout de cinq ans, comme j'avais toujours beaucoup de travail à Paris, et que j'en dépendais complètement même, j'y suis retourné pour un an et demi. Mais forcément, après cinq ans en Espagne, j'avais changé. Pourtant, les choses et les gens, eux, n'avaient pas bougé ou évolué. Tout était pareil. Je voyais que la société était statique et je n'avais pas envie de retourner dans une routine que j'avais quittée auparavant. Je voulais retourner en Espagne mais mon idée c'était d'être plus en contact avec des Espagnols qu'avec des étrangers si présents à Barcelone. Je me suis dit que Madrid serait sûrement le meilleur endroit pour en rencontrer.

C'est comme ça que je suis parti à Madrid ! Madrid c'est une ville qui ne m'a jamais complétement plu. Même si c'est une capitale qui a la taille d'une capitale, avec le soi-disant dynamisme d'une capitale, pour moi, il me manquait plein de choses. Etre au contact des espagnols tout le temps, c'était bien, cela m'a permis de connaitre le pays et la culture par exemple, mais finalement il me manquait un peu le côté international.

Pendant cette période madrilène, je continuais de faire des allers-retours à Paris et de travailler là-bas. J'ai dû faire une centaine d'allers-retours en cinq ans ! Au bout d'un moment, je me suis demandé s'il n'était pas mieux d'essayer de travailler et de vivre au même endroit. Après dix ans d'allers-retours, j'en avais un peu assez d'être toujours parti. Je voulais retourner sur la côte, sur le littoral mais pas à Barcelone en raison du climat socio-politique actuel auquel je n'adhère pas du tout. J'ai pensé à Valence, la 3e ville d'Espagne. Je suis donc parti un peu comme ça, sur un coup de tête.

C'était en quelle année ?

C'était début 2014. Donc cela fait plus de trois ans. Je suis venu une semaine, j'ai visité 15 appartements et j'en ai trouvé un tout de suite qui me plaisait, en plein centre avec un petit loyer. J'ai déménagé depuis Madrid et en même temps, j'ai descendu mes affaires de Paris que je trainais depuis 10 ans. J'ai fait deux déménagements en un et j'ai, pour la première fois de ma vie, rassemblé toutes mes affaires dans un seul et même endroit, dans un seul et même appartement.

Comme je travaillais dans le secteur de l'antiquité, du design, des meubles un peu années 50-60 et que c'est quelque chose qui me plait vraiment, j'ai souhaité ouvrir un magasin à Valence, à Russafa, qui est le quartier à la mode.

Il était déjà à la mode à l'époque ?

Oui, il était déjà à la mode il y a deux ans et demi. Après, je n'avais aucune expérience, ni de Valence et encore moins de ce quartier. Russafa, je l'ai connu une fois que je vivais ici justement. Ce quartier m'a plu et j'ai tout de suite pensé qu'il fallait ouvrir quelque chose là-bas. Ici, à Valence, c'est assez facile de rencontrer des gens, et par le bouche à oreille, on m'a dit qu'un local se libérait dans un endroit stratégique dans Russafa. J'ai sauté sur l'occasion ! Seulement voilà, Russafa c'est un quartier dynamique, à la mode, où les gens viennent surtout le soir pour boire ou pour diner. Au niveau de la boutique, je faisais de la restauration de meuble le matin et l'après-midi je faisais de la vente car il y avait plus de passage. Mais cela n'a jamais répondu à mes espérances. Je couvrais les frais, il y avait un peu de bénéfices mais cela ne justifiait pas d'être six jours par semaine de 10h à 21h dans la boutique. Au bout d'un an et demi, j'ai fini par la fermer. J'ai eu du mal à prendre cette décision car c'était un projet qui me tenait un c?ur, mais ce n'était pas rentable. J'ai fermé la boutique à la fin de l'année 2016.

Qu'avez-vous fait ensuite ?

J'ai continué à vendre mes objets sur internet. A ce moment-là, ayant plus de temps libre, j'ai commencé à me rapprocher de la communauté francophone avec laquelle je suis très en contact aujourd'hui. Les francophones, c'est 10 à 15.000 personnes sur toute la région de Valence. C'est un potentiel de gens avec qui échanger nos expériences. Je les ai rencontrés par le biais des réseaux sociaux et je voyais qu'il y avait une demande pour se retrouver autour d'activités simples comme un pique-nique, un apéritif, une ballade. J'ai commencé à proposer ces activités il y a six mois. Au départ, c'était un peu timide car les gens ne me connaissaient pas. Nous devions être trois ou quatre et cela ne démarrait pas vraiment. J'ai persisté, j'ai continué à contacter des gens. Nous étions toujours peu. Au moment des fêtes de fin d'année, j'ai complètement arrêté sachant que les francophones rentraient chez eux.

J'ai mûri la question pendant ce temps pour réfléchir à ce que je pourrais faire pour que les gens viennent et se retrouvent avec une idée un peu plus approfondie qu'un simple apéritif. J'ai attendu avant de proposer à nouveau et nous nous sommes retrouvés avec les francophones début février. J'ai choisi un jour fixe pour que les gens sachent que c'est le jeudi à 19h et ne l'oublient pas. Et puis l'idée c'est de changer d'endroit chaque jeudi pour que les personnes qui ne sont pas installés à Valence depuis longtemps puisse connaitre un bar ou un resto sympa.

C'est vous qui choisissez le lieu à chaque fois ?

Oui c'est moi. Je pars en repérage et je vois si nous pouvons avoir une table pour une vingtaine voire une trentaine de personnes, si l'endroit est agréable, s'il n'y a pas déjà un événement programmé ce jour-là. Il faut discuter avec les propriétaires des lieux et s'assurer que nous aurons un espace pour nous sans interférer dans le fonctionnement du bar. C'est pour cela que le jeudi est un jour idéal parce que le vendredi ou le samedi, c'est complètement exclu : il y a beaucoup trop de monde, les gens sortent davantage.

Depuis février, il existe un noyau dur de 10 à 15 personnes qui essaient de revenir fréquemment. Et puis il y a toujours des gens nouveaux ! Il y a même des français ou des francophones qui ne sont pas encore installés à Valence et qui me contactent pour savoir quelles activités je vais proposer car depuis quelques semaines, j'organise des apéros thématiques les vendredis. Je les avais commencés pendant les Fallas dans un appartement situé juste en face des illuminations. Cela permettait aux participants de les admirer depuis un balcon sans être serrés dans la rue.

En parallèle de tout cela, on se retrouve également certains samedis pour piqueniquer. Ce que j'aime bien c'est cela : un groupe de participants, pas forcément énorme, dans lequel les gens ne se connaissent pas forcément. En revanche, moi je les connais tous et cela me permet de choisir des endroits en sachant qu'ils leur plairont, leur correspondront. L'idée c'est avant tout que les gens passent un moment agréable et qu'ils reviennent.

C'est donc tout cela le concept de Bla Bla Bar qui, pour l'instant, n'existe que sur Facebook mais qui va s'en doute être amené à se développer d'une façon ou d'une autre, peut-être en suivant un chemin associatif par exemple. Je suis en train d'étudier cela. Et puis j'ai aussi envie de ne pas me centrer exclusivement sur la communauté francophone de la ville de Valence mais sur l'ensemble de la Communauté Valencienne pour rencontrer des gens nouveaux, des lieux nouveaux et petit à petit proposer plus d'activités. L'idée c'est aussi c'est que les gens proposent des activités. Je suis un peu le détonateur de tout cela, mais je veux qu'ils aient ce côté associatif et communautaire, dans le bon sens du terme bien entendu.

Ces apéros Bla Bla Bar sont-ils gratuits ?

Oui, chacun paie simplement sa consommation.

Et les soirées thématiques du vendredi ?

Pour ces soirées, il y a une petite participation qui est demandée. Elle sert surtout à couvrir les frais. Pour le concert de jazz par exemple, il a fallu payer les pianistes et pour l'apéro russe, acheter les ingrédients et l'alcool, préparer les plats. Mais c'est une participation symbolique qui va être de 5 ou 10 euros.

Ce n'est donc pas du tout lucratif ?

Ah non ce n'est pas lucratif ! L'idée c'est que les gens n'aient pas à s'embêter. Si on se retrouve entre amis, on se pose la question de qui achète quoi et on se retrouve avec 20 bouteilles de vin et rien à manger. Là, je prévois tout et après chacun participe et consomme ce qu'il veut. Pour l'instant ce n'est pas lucratif mais petit à petit cela peut se développer. Si dans le futur j'opte pour une forme juridique ou une autre et que Bla Bla Bar devient une petite entreprise ou une association, là j'essaierai de dégager une petite marge, même si ce n'est pas le but initial. Il ne faut pas oublier que cela prend du temps d'organiser, de dénicher les bars, d'être en contact avec les gens. Pour l'instant, nous sommes un peu plus de 300 dans le groupe Facebook, mais le jour où nous serons le double ou 1000, cela va devenir compliqué.

Votre perspective c'est de faire évoluer Bla Bla Bar en association ?

Ma perspective c'est cela, oui. J'aime le côté relationnel et en cela, Bla Bla Bar me convient pleinement, aussi bien pour le contact avec les gens qui viennent aux apéritifs ou aux sorties qu'avec les gérants des restaurants et des bars.

Qu'est-ce qui vous plait à Valence ? Quel est le quartier, l'ambiance qui vous tient à c?ur et que vous souhaiteriez partager ?

Pour moi, c'est la proximité de la mer même si finalement Valence n'est pas vraiment tournée vers elle. Ce que je trouve génial également, c'est la proximité avec la nature. Je fais pas mal de vélo et en une demi-heure ou une heure, on arrive au milieu de nulle part, dans la campagne ou dans les rizières. Ce que j'aime bien, c'est ce compromis entre la ville et la nature.

Pour les quartiers, il y a certaines choses qui me dérangent à Valence. Je trouve que les locaux font une vie de quartier qui se transforment en ghetto. Moi qui habite à Russafa, tout le monde me connait et je connais tout le monde. Cela peut avoir des côtés agréables mais il y a aussi des inconvénients. Voir tous les jours les mêmes têtes, cela peut être lassant. Mais c'est peut-être par rapport à mes expériences parisiennes et madrilènes où il était très dur de retrouver les mêmes personnes. Ici, on a toujours des amis en communs, tout le monde se connait. C'est très certainement lié à la taille de la ville. En vivant à Valence, on a besoin de temps à autre de sortir de la ville pour revenir et avoir une autre vision, sinon on peut avoir un effet cocotte-minute. Moi je ne pourrai pas être 365 jours de l'année à Valence. !

Est-ce que votre vie d'expatrié vous plaît ? Est-ce qu'il y a des moments où la France vous manque, où l'éloignement avec votre famille ou vos amis est dur à gérer ?

Alors non, l'éloignement de la famille n'est pas difficile à vivre et elle ne me manque pas du tout. C'est même une des raisons de mon départ je pense afin de ne pas avoir cette pression familiale constante. Au niveau des amis non plus. Ils viennent me voir régulièrement et je monte également souvent à Paris. Enfin je montais car depuis que je suis arrivé à Valence il y a trois ans, je suis remonté seulement deux fois.

Ce qui me manque ici, c'est peut-être un certain dynamisme qu'il y a à Paris mais que je n'ai retrouvé pas à Madrid et encore moins à Valence.

Et quelles sont les choses de Paris que vous ne regrettez pas ?

La météo et les loyers qui sont très chers. Je crois que si les gens viennent vivre en Espagne, c'est aussi pour la qualité de vie. Bien entendu, on ne peut pas tout avoir : on va perdre d'un côté en ayant des revenus moindres et il faut l'assumer dès le départ, mais on peut gérer son temps d'une façon plus agréable, sortir beaucoup plus souvent, rencontrer plein de gens. Aujourd'hui, si je devais retourner à Paris, cela serait assez compliqué.

Quels seraient vos conseils pour ceux qui souhaitent s'expatrier ?

Tout d'abord, il ne faut pas penser que les Espagnols nous attendent, que nous allons leur apporter quelque chose, que nous savons mieux faire les choses qu'eux. C'est souvent le concept du Français qui se dit qu'il a toujours son mot à dire. Il ne faut pas venir dans cet esprit de conquête : la colonisation est terminée, il faut bien avoir cela en tête !

Ensuite, il faut apprendre la langue. J'avais étudié l'anglais et l'allemand. J'ai appris l'espagnol sur le tas et curieusement, c'est la langue que je parle mieux, en dehors du français bien entendu. Mais il y a des Français que je rencontre ces derniers temps, qui sont là depuis deux ou trois ans et qui ne parlent toujours pas espagnol. Pour s'intégrer il faut maitriser la langue du pays, c'est sûr et certain !

 

Vous souhaitez participer aux apéros francophones et aux activités proposées par Cédric Josse ? Rendez-vous sur la page facebook du Bla Bla Bar !

Vous souhaitez découvrir son magasin en ligne de meubles et d'objets de décorations ? Rendez-vous sur son site enversdecor.com !

 

Vous êtes expatriés ou vous connaissez un expatrié remarquable, qui a vécu des expériences exceptionnelles, qui s'implique dans la vie locale valencienne ou francophone, qui est un artiste, un sportif ou un entrepreneur admirable? Envoyez-nous vos propositions d'interviews à l'adresse suivante : valence@lepetitjournal.com

 

Shirley SAVY PUIG (lepetitjournal.com/valence) Jeudi 15 Juin 2017 
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Publié le 14 juin 2017, mis à jour le 15 juin 2017

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