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SERGI LÓPEZ - "Les Français m´ont adopté"

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 mai 2013

Adopté par la France, Sergi López (Le labyrinthe du faune, Western, Harry, un ami qui vous veut du bien, Potiche?), dégage sympathie, spontanéité et tendresse. Sollicité par les meilleurs réalisateurs français et espagnols, l´acteur catalan (Vilanova e la Geltru, 1965) est sans aucun doute un des plus remarquables acteurs européens du moment. LePetitJournal.com a rencontré l´interprète, venu à Madrid pour présenter le film Tango libre de Frédéric Fonteyne où il incarne un prisonnier qui apprend à danser le tango par amour.

(Photo : Lepetitjournal.com)

Lepetitjournal.com : Pourquoi êtes-vous parti en France faire du cinéma ?
Sergi López : En fait, je ne suis pas parti en France pour faire du cinéma. Je suis parti en France, à Paris précisément, car il y avait là-bas une école de théâtre que je voulais absolument faire. C´était Paris parce que l´école était là-bas mais si elle avait été ailleurs, je serais allé à un autre endroit. C´est l´école du maître Jacques Lecoq. Elle est très axée sur la création et l´improvisation. Quand j´étais à Paris, à l´école, à côté de la secrétaire, il y avait un petit papier qui disait "on cherche un acteur d´origine espagnole pour un long-métrage".  Je suis allé faire les essayages pour voir un peu. Pour moi, c´était très exotique : être à Paris, faire un film... Je suis allé plutôt par curiosité que parce ce que je pensais faire une carrière de cinéma. J´ai fait le casting, on m´a pris. Le réalisateur était Manuel Poirier et c´était son premier film (La petite amie d´Antonio). Après, l´année suivante il m´a appelé pour faire son deuxième film et ainsi de suite jusqu´au cinquième, qui était Western, qui a été présenté au festival de Cannes ! Et, là, tout d´un coup, c´est à Cannes où j´ai commencé à prendre conscience que j'étais vraiment en train de faire du cinéma. Avant, je faisais du théâtre et je tournais avec un seul réalisateur, en plus c´était un ami, mais je n´avais pas la conscience de faire du cinéma. Dans les rares interviews que je faisais, je ne disais pas que je faisais du cinéma. Mais, à partir de Cannes, je suis devenu acteur de cinéma aux yeux des autres et à mes yeux aussi ! A partir de là, j´ai commencé à tourner avec d´autres réalisateurs en France et après en Espagne un peu, en Angleterre?

Peut-on dire que c´est la France qui vous a consacré comme acteur de cinéma ? N´oublions pas aussi que vous avez un César pour Harry, un ami qui vous veut du bien de Manuel Poirier mais vous n´avez pas encore un Goya?
Oui, c´est vrai. Mais, c´est normal aussi car j´ai beaucoup plus tourné en France qu´ici. J´ai été nominé trois fois au Goya mais en même temps je n´ai pas fait beaucoup de film où tu te dis "mais comment ça se fait que je n´ai pas le Goya ? ", sauf peut-être pour Le labyrinthe du faune ou Solo mía. Mais, c´est normal, j´ai beaucoup plus travaillé en France qu´en Espagne. Il me reste encore beaucoup de choses à faire en Espagne.

Vous vous trouvez mieux quand vous tournez en Catalogne, dans le reste de l´Espagne ou en France ?
Je n´arrive pas à avoir une préférence pour un endroit ou un autre. Il y a une chose qui a une influence directe sur ton bien-être et c´est l´esprit du réalisateur. Ça peut-être un réalisateur espagnol ou français, ça dépend des personnes mais il n´y a pas un style où je me sente plus à l´aise en français qu´en espagnol ou vice versa. C´est vrai qu´au départ il y a eu en France quelque chose qui a joué en ma faveur. C´est mon accent catalan. Alors qu´en Espagne, même moi, quand je l´entends, je trouve qu´il n´a pas une connotation positive comme par exemple l´accent andalou qui a un truc sympa, le catalan ne l´est pas. Mais, le même accent catalan que j´avais en français, pour les Français c´était charmant, un accent du Sud, c´était le soleil ! Ce sont eux qui ont projeté un désir de dire "Ah ! ça me fait penser à la mer, à la Méditerranée !" Il y a cette idée du Sud avec les Italiens aussi mais je crois que les Français avec les Espagnols, il y a un charme particulier. Mais, c´est un truc de leur culture et j´ai bénéficié un peu de ça !

Etes-vous conscient que vous êtes profondément admiré en France ?
Les Français m´ont adopté comme si j´étais Français. Alors, que quand je parle j´ai un de ces accents ! Je parle bien mais mon accent est terrible. Encore aujourd´hui, je dis "houit" au lieu de "huit" ! Mais ils trouvent ça charmant. Comme j´ai fait beaucoup de films là-bas, j´ai fini par faire partie de l´imaginaire collectif du cinéma français alors que pour moi c´est étrange. Même la ministre de la Culture quand j´étais à Cannes ou quand j´ai eu le César, elle m´a envoyé une lettre qui disait "Félicitations pour votre prix comme meilleur acteur français ". Bon, c´est surréaliste. Ils savent que je ne suis pas Français mais? J´ai de la chance avec ça.

Vous avez travaillé de nombreuses fois avec les mêmes réalisateurs : Manuel Poirier, Dominic Moll, Frédéric Fonteyne? Cette fidélité est-elle un hasard ?
Les acteurs nous ne décidons pas. On peut juste dire oui ou non quand on nous propose un truc. Je ne peux pas dire à Poirier "Fais un film avec moi...". J´apprécie beaucoup qu´on m´appelle à répétition. Avec presque tous les réalisateurs avec lesquels j´ai travaillé, on se ne connaissait pas avant et ils m´ont tous appelé après. C´est vrai qu´un tournage est une aventure, une équipe, du soleil, de la pluie? Et c´est vrai aussi que moi je fonctionne très bien dans une équipe. Je dégage plutôt des trucs positifs, je ne suis pas difficile et ça doit jouer en ma faveur. J´ai refait des films avec Poirier, Moll, Fonteyne, Marion Vernoux (la femme de Jacques Audiard)... François Ozon, aussi, après Potiche, m´a proposé d´autres choses, mais je ne les ai pas faites.

Parlez-nous du personnage que vous interprétez dans Tango Libre et de l´influence du tango ?
C´est super. Pour moi, la leçon c'est que la culture n´est pas un luxe. C´est une nécessité. J´ai joué un personnage qui peut sembler simple au début : jaloux, possessif, sanguin, impulsif et il tombe sur le tango alors que lui, il n´a aucun intérêt pour ça. Eh bien, ça va être le tango qui va le changer. C´est une apologie de la Culture, à quel point on a besoin d´elle malgré nous. C´est un mec qui devient un héros mais pas volontaire. Pour récupérer sa femme, il commence à danser le tango, alors qu´il le déteste. Il finit par laisser un héritage : toute une prison, on ne sait pas où, où il n´y a que des hommes qui dansent le tango. Grâce au tango, ils arrivent à s´évader, quand ils dansent, ils ferment les yeux et ils ne sont plus en prison. C´est une idée très forte qui a un rapport à la poésie, à l´art, à la culture. C´est en relation à un vide intérieur qu´il faut remplir pas seulement de sandwichs au jambon. Il y a autre chose qui nous élève, qui nous emmène un peu plus haut, ailleurs.

Comment vous voyez la crise du cinéma espagnol ?
C´est tragique parce déjà le cinéma espagnol avait auparavant des problèmes alors maintenant? J´ai peur qu´aujourd'hui on baisse les bras et que dans vingt ans, on se rende compte qu´on est dans une jungle. Ici, en Espagne, je trouve que le mot culture s´est dévalorisé pendant très longtemps. Dans ce sens, la France est une référence car ça fait longtemps que les Français se sont rendus compte que le cinéma est un secteur stratégique. Ici, en Espagne, on a l´impression que la culture c´est la musique de fond, la culture, la fanfare? En France, la culture ça veut dire des festivals de cinéma à Singapour, au Chili..., partout dans le monde. Il y a des Instituts français partout dans le monde. C´est pas seulement pour voir des films et en parler mais, après le film, la France vend aussi sa société, sa culture, son point de vue sur le monde, sa vision globale. Ils ont un pied dans le monde. Même économiquement  c´est un business phénoménal. Ici, par contre, on pense, "Oh, la culture, c´est la première chose qu´on peut couper car bon, ça ne sert pas à grande chose?". C´est une vision erronée. Donc, le cinéma espagnol va souffrir beaucoup.

Vous êtes en train de tourner en Espagne en ce moment.
Oui, je tourne "Murieron por encima de sus posibilidades" de Isaki Lacuesta et ?Ismael? de Marcelo Piñeyro. Je fais aussi un petit rôle dans le dernier film de Daniel Monzón, qui obtint plusieurs Goya pour Celda 211. Le titre est El niño.

Carmen Pineda, lepetitjournal.com, Espagne
Carmen PINEDA (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi  8 mai 2013
Collaboratrice comme critique de cinéma dans plusieurs magazines : "Estrenos", "Interfilms" et "Cinerama". Envoyée spéciale à des festivals de cinéma en France pour les journaux "Diario 16" et "El Mundo". Jury du Prix du CEC (Círculo de Escritores Cinematográficos) au Festival international de Cinéma de Madrid (1997). Actuellement membre du CEC et critique dans cinecritic.biz et lepetitjournal.com
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Publié le 7 mai 2013, mis à jour le 8 mai 2013
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