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JEAN-CHARLES RAUFAST – "Moody’s me laisse de marbre"

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 20 décembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

Ex-président de La Chambre franco-espagnole de commerce et d'industrie, qu'il a chapeauté de 2006 à 2009, Jean-Charles Raufast recevait jeudi dernier les insignes de Chevalier de l'Ordre national du mérite. Aujourd'hui vice-président de l'UCCIFE (L'Union des Chambres de Commerce et d'Industrie Françaises à l'Etranger) et représentant de Diálogo en France, le doyen remet les pendules à l'heure concernant l'économie mondiale

Lepetitjournal.com : Pouvez vous revenir brièvement sur votre parcours professionnel ?
Jean-Charles Raufast : J'ai travaillé pendant 37 ans chez Ernst & Young, et c'est pour le compte de ce cabinet d'audit que je suis venu en Espagne en 2002. En 2006 j'ai été élu président de La Chambre, à la suite de JLuis Castillo : je suis arrivé dans un établissement en excellente santé. Au cours de mon mandat, nous avons investi sur l'antenne de Valence à qui nous avons donné de nouveaux moyens pour qu'elle se développe, et parallèlement, nous avons ouvert l'antenne de Bilbao.
Très vite nous avons été confrontés à deux évènements majeurs : la création d'Ubifrance par l'Etat français d'une part, la crise économique d'autre part.

Comment avez-vous géré l'émergence d'Ubifrance ?
Ubifrance nous posait le problème d'avoir certaines redondances avec nos services. Nous avons été la première chambre de commerce au monde à signer un accord avec eux, de façon à amoindrir les "frottements" entre chaque entité et pour que chacun soit le plus efficace possible dans son domaine. Concrètement, La Chambre s'est spécialisée dans la domiciliation d'entreprises, tandis qu'Ubifrance s'efforce de faire traverser la frontière aux PME françaises. De cette manière, nous sommes complémentaires : la Chambre prend le relai, une fois l'entreprise amenée en Espagne.

Et concernant la crise ?
La crise nous a obligé à nous redéfinir et à réinventer ce qu'il fallait apporter aux membres. Nous avons modifié notre politique d'adhésion, en abaissant nos tarifs et nous sommes focalisés sur ce qui apportait vraiment à nos membres et à nos clients.
Nous avons ainsi travaillé sur deux axes : notre capacité à proposer des thèmes pointus sur l'économie et, comme évoqué précédemment, la domiciliation d'entreprise, qui constitue une façon "bon marché" de s'installer en Espagne.

En tant que vice-président de l'UCCIFE , comment considérez-vous le réseau des chambres de commerce françaises en Espagne, par rapport à celui existant dans les autres pays ?
Le réseau des chambres de commerce françaises à l'étranger s'étend sur 74 pays. L'Espagne est le seul pays au monde, où il y a deux associations différentes qui cohabitent (la chambre franco-espagnole de commerce et d'industrie à Madrid, avec ses antennes de Valence et de Bilbao, et la Chambre de Commerce et d'Industrie française de Barcelone). Je dirais que je regrette cette situation à 60%, mais que je la comprends à 40% : il est certain qu'en Catalogne, avec le système des autonomies espagnoles, l'indépendance de la chambre de commerce à Barcelone est certainement un atout pour se développer.
A vrai dire, la seule chose qui soit vraiment sensible, c'est de ne pas avoir tout à fait la même stratégie, notamment par rapport à Ubifrance. Pour le reste, cela ne change pas grand-chose. D'ailleurs, je tiens à souligner que les chambres de commerce en Espagne sont parmi les meilleures et les plus performantes du réseau de l'UCCIFE. Ce sont les plus anciennes et les plus complètes, en termes d'offre de service aux entreprises.

Pensez vous que la crise retardera encore longtemps la venue des entreprises françaises en Espagne ?
Aujourd'hui, la seule chose qui fait reculer les PME, c'est le ticket d'entrée (l'acquisition d'un pas de porte, le coût de l'embauche etc). Mais dès qu'elles sentiront que c'est le moment, elles viendront : il est impossible, pour une entreprise française, de différer éternellement sa venue en Espagne. Les entreprises peuvent s'interroger sur la décision d'aller ou non en Lettonie, par exemple, mais pas en Espagne.

Pour reposer la même question, mais d'une autre manière : pensez-vous que l'Espagne en a pour longtemps avant de sortir de la crise ?
L'Espagne doit encore constater sa crise : pour l'instant elle la vit, mais elle n'a pas encore entrepris de la constater, ni de définir les remèdes.
La crise espagnole est essentiellement immobilière : on a accordé trop de prêts immobiliers, par rapport à la capacité de remboursement des acteurs économiques et trop de dette a été créée. Le problème est encore dans les banques, au jour d'aujourd'hui, plus concrètement dans les caisses d'épargne (les "Cajas" ). Ces dernières ont récupéré les appartements que les gens n'ont pas pu payer, mais ces biens immobiliers ont depuis perdu de leur valeur : ils valent moins que la dette générée par les impayés. Le problème, c'est que les banques (ou les caisses d'épargne), refusent de reconnaître cette perte de valeur : tant qu'elles ne le feront pas, l'abcès ne sera pas percé.

Que pensez-vous de l'annonce récemment faite par Moody's, qui envisage de revoir la note de l'Espagne à la baisse ?
Moody's me laisse de marbre. Dans une zone homogène comme l'Europe, on peut imaginer qu'à terme on finira par donner la même note à tout le monde dans la zone Euro et elle ne sera pas forcément si mauvaise que ça.

L'Espagne traverse quand même une crise plus marquée que dans d'autres pays?
La crise est européenne. Elle apparaît en Grèce, en Espagne ou ailleurs, mais il faut la considérer à l'échelle macro-économique. C'est l'absence de gouvernance économique conjointe qui est à l'origine de tensions au sein de la monnaie unique. La question qui se pose aujourd'hui c'est plutôt : va-t-on garder l'Euro ? Face à la situation économique tendue, les Etats ne sont en effet plus en mesure de jouer sur leur monnaie, pour amortir la crise. En Grèce, c'est l'absence de contrôle des déficits qui aggrave la situation, en Espagne, c'est le rôle du secteur de la construction qui est en cause. En Irlande, au Portugal, en France, même, ce sont d'autres facteurs. Toujours est-il que ce n'est qu'au travers de politiques mutualisées que l'on apaisera les tensions, tout en gardant l'Euro.

Une idée concernant les moyens de la sortie de crise ?
Il n'y a que trois solutions : une dévaluation monétaire, une hausse des impôts ou une hausse de l'inflation. La première solution est pratiquement impossible. La hausse des impôts : elle s'est faite et elle continuera à se faire partout en Europe. Mais je crois que nous allons sortir de la crise par l'inflation, et je crois que cela se fera naturellement. Si l'inflation arrive, on aura tous l'impression d'aller mieux, car la valeur des dettes va se réduire. Est-ce que nous irons vraiment mieux ? C'est comme lorsque vous jetez des brindilles de paille sur un feu qui ne veut pas prendre : d'un coup vous avez de belles flammes. Quant à savoir si votre feu prend vraiment?

Revenons à des réalités plus immédiates : vous êtes décoré Chevalier de l'Ordre national du mérite par l'Ambassadeur de France en Espagne, Bruno Delaye. Qu'est ce que cela vous inspire ?
J'en suis bien sûr très fier, mais en même temps le mérite est tellement lié aux autres? Je suis content de recevoir cette décoration, car je le prends comme quelque chose de collectif, qui honore ceux que j'ai côtoyé dans tous les domaines.

Un petit mot concernant vos fonctions au sein de Diálogo, en France ?
Diálogo est une association d'amitié franco-espagnole, très présente en Espagne, mais qui souffrait d'un manque de reconnaissance dans l'Hexagone, car pas assez connue. Mon but va donc être de la faire connaître, afin de former une base, en France, qui puisse aider les actions de l'association. Après on pourra travailler sur des thèmes divers et variés. Un bon sujet, serait l'image qu'ont les Français de l'Espagne. Un autre bon sujet, l'absence de PME dans le tissu industriel espagnol.

Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Lundi 20 décembre 2010

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Publié le 20 décembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

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