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INTERVIEW : Monsieur Dominique Mas, Consul général de France en Tunisie

Quelques jours avant le premier tour des élections législatives du 30 juin, Monsieur Dominique MAS, Consul de France en Tunisie, a répondu à nos questions sur l'organisation liée à cet événement, ainsi que sur les missions du consulat.

DOMINIQUE MAS CONSUL DE FRANCE EN TUNISIEDOMINIQUE MAS CONSUL DE FRANCE EN TUNISIE
Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 27 juin 2024, mis à jour le 28 juin 2024

Lepetitjournal.com édition Tunisie : Pouvez-vous nous faire un point sur la communauté française en Tunisie ?

Dominique Mas : C'est une communauté très large et très ouverte tant par la diversité de ses origines, de ses conditions socio-professionnelles, mais aussi de son implantation dans le pays. Nous avons environ 20 500 français enregistrés en Tunisie sur le registre des Français à l'étranger. C'est un chiffre en baisse légère mais régulière depuis quelques années. Je pense que notre communauté avoisine plutôt 30 000 personnes. En effet de nombreuses personnes ne se déclarent pas au consulat pour des raisons qui leur sont personnelles. Je le regrette car il faut savoir que nos effectifs et nos moyens sont aussi calibrés en fonction de la dimension de la communauté. Mais aussi, parce qu'en cas de perte ou vol de documents, d'accident, de nécessité de contacter notre compatriote ou sa famille, nous sommes totalement démunis et pouvons moins bien aider celles et ceux qui ne sont pas enregistrés sur le registre des Français à l'étranger.

Est-elle bien intégrée ?

Notre communauté me semble pleinement intégrée dans la vie locale tunisienne, notamment parce que nous avons de nombreux compatriotes résidant en Tunisie depuis de nombreuses années, voire nés ici mais aussi parce que la majorité de notre communauté est bi-nationale pour 74 %. Elle est majoritairement installée dans le Grand Tunis mais avec aussi une forte présence à Djerba, Sousse, Sfax, Bizerte et même Tozeur dans une moindre mesure. Cela justifie la présence de consuls honoraires dans chacune de ces villes. Je dois dire qu'ils réalisent tous un travail remarquable pour aider nos résidents dans leurs relations avec l'administration française ou tunisienne mais aussi pour venir au secours des français de passage. N'oublions pas qu'un million de Français a séjourné en Tunisie  l'an dernier et, je l'espère, bien plus en 2024.

Cette communauté est structurée autour de quelques associations d'intérêt public qui organisent régulièrement des temps de rencontre, des activités culturelles ou sportives, ou encore qui viennent apporter conseil et appui aux français résidents. C'est avec elles mais aussi avec l'appui de nos consuls honoraires et de l'Institut français de Tunisie, que nous organisons ce que nous avons appelé "les 14 juillet décalés", à l'image des bals des pompiers dans nos villes françaises à la veille de notre fête nationale. Tous nos compatriotes y sont les bienvenus !

Quelles sont les missions du consulat général de France et son organisation ?

Je mets de côté la mission de contrôle des flux de visiteurs étrangers en France que ce consulat général exécute à travers son service des visas parce que, bien qu'importante pour nos amis tunisiens, elle ne concerne pas directement les ressortissants français. L'action consulaire a pour mission principale d'accompagner nos résidents français à l'étranger dans leurs démarches avec les administrations françaises : demande de carte d'identité ou passeport, déclaration de naissance ou de décès, demande de certificat à capacité de mariage, aides sociales, bourses scolaires ou universitaires, aides à la formation professionnelle, pensions militaires et suivi de nos anciens combattants. Ce consulat général est le quatrième poste le plus important en termes de bourses scolaires. Il dispose aussi du troisième budget de l'ensemble du réseau en matière d'aides sociales pour venir en aide à plus de 270  personnes.

Il a aussi pour mission de représenter les ressortissants français auprès des autorités tunisiennes. J'aime beaucoup cette formule inscrite sur mon exequatur (l'autorisation d'exercer les fonctions de consul) signée du Président Kais Saied lui-même et qui reprend de vieux termes employés au 18° ou 19° siècle, désignant le consul comme "le protecteur des marins et des marchands".  La protection que nous apportons aux personnes, résidentes ou de passage, est une activité essentielle de ce consulat : français incarcérés, victimes d'accidents, de violences. Nous sommes en particulier très à l'écoute des femmes ou des mineurs victimes de violence sexuelle, domestique, de harcèlement. Nous accompagnons au mieux les victimes dans leur mise sous protection, dans la recherche des structures médicales ou psycho médicales et éventuellement dans leur volonté de porter plainte auprès de la police ou justice tunisienne ou française.

Qu'en est-il du consulat de proximité ?

Depuis ma prise de fonction, il y a plus de 18 mois, j'ai souhaité développer le concept de consulat de proximité, qui a pour objectif d'améliorer la qualité de l'offre de service public français à nos compatriotes.  Cela passe par une réflexion interne sur la qualité de notre accueil du public et de notre réponse à ce dernier. Je ne peux pas ici entrer dans le détail de nos projets mais je mentionnerai la mise en place, dès le 16 juillet, de "France consulaire", dispositif de réponse téléphonique centralisé à Paris et qui permettra de répondre immédiatement aux questions de nos usagers. Ce dispositif a été mis en place avec succès dans tous les pays de l'Union européenne et la Tunisie sera le premier pays du Maghreb à en bénéficier. Face aux difficultés bien connues de nous joindre par téléphone, vous pourrez désormais être mis en contact rapidement avec nos collègues regroupés au sein d'une centrale de réponse téléphonique. Ce centre d'appel sera en mesure de nous renvoyer les demandes des résidents en Tunisie nécessitant une réponse personnalisée.

Le consulat de proximité se concrétise aussi par la multiplication de nos tournées consulaires pour aller au plus près de nos ressortissants et répondre à leurs questions ou prendre leurs dossiers de demande de passeport ou leurs procurations pour les scrutins électoraux. Nous avons aussi augmenté nos visites à domicile pour s'enquérir des conditions de vie de nos compatriotes âgés ou en difficultés. Enfin, nous avons souhaité développé diverses réunions publiques thématiques à Tunis et en province, sur les questions d'état civil ou encore sur les violences faites aux Femmes qui ont connu un grand succès.   

Comment se prépare l'organisation des bureaux de vote, surtout dans un délai relativement court ?

Vous avez raison, le temps qui nous est laissé est très court mais nous allons bénéficier de la logistique déjà déployée, il y a 3 semaines, pour les élections européennes.

Ce scrutin est décisif pour notre pays et nous sentons, à travers nos contacts, la volonté de nos compatriotes d'exprimer leur choix. Nous avons mis en place tous les moyens possibles pour faciliter la participation des électeurs à ces scrutins. En premier lieu, nous avons accru le nombre de bureaux de vote, au nombre de 10 pour la Tunisie, et avons dédoublé les bureaux du Grand Tunis pour éviter une trop longue attente pour les électeurs. Outre Djerba, Sfax, Sousse, Tunis centre, Tunis lycée français (PMF) et La Marsa lycée Gustave Flaubert, nous avons ouvert des bureaux à Nabeul et Bizerte.

Parallèlement, le vote électronique existe pour les Français de l'étranger. Après son ouverture mardi, et en moins de 24 heures, plus de 220 000 votes avaient déjà été enregistrés sur tout le réseau. C'est une possibilité de voter qui est exceptionnelle car nos ressortissants éloignés ou absents le jour des élections peuvent, avant jeudi midi à Paris, exprimer leurs choix de chez eux. 

Dernier élément, depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale et jusqu'à vendredi midi, nous recevons sans rendez vous au consulat toute personne, résidente ou non, qui souhaite établir une procuration de vote, qu'elle soit inscrite sur la liste électorale de Tunisie ou une autre liste en France. Les formalités ont été allégées avec la possibilité de remplir sa demande sur maprocuration.gouv.fr et de la faire valider au consulat. Nos consuls honoraires peuvent aussi valider les procurations dans leur format papier habituel.

Renforcez-vous vos équipes avec des bénévoles, et si oui comment sont-ils choisis ?

Je dois reconnaitre d'abord que je suis impressionné par la mobilisation du personnel consulaire mais plus largement des fonctionnaires et contractuels de l'ensemble des services français en Tunisie ; tous se sont associés à cette mission républicaine d'organiser des élections et de tenir des bureaux de vote. Parmi les 10 bureaux, quelques assesseurs sont déjà désignés par les représentants des candidats, conformément au code électoral. Nous allons aussi pouvoir compter sur les électeurs volontaires pour nous aider à comptabiliser les votes en fin de scrutin.

Une journée électorale, c'est 13 heures minimum de présence et d'attention. C'est une activité lourde mais nous sommes fiers de contribuer, à notre façon, à l'exercice de la démocratie.

Propos recueillis par Isabelle Enault le 27 juin 2024


Consignes de vote 

Biographie :
Monsieur MAS a pris ses fonctions de Consul général de France en Tunisie à l’automne 2022. Conseiller des Affaires étrangères, il est diplomate de carrière depuis plus de 20 ans, après avoir exercé en tant qu’expert économiste pour le compte d’ONG françaises, d’agences des Nations Unies
puis de la coopération française dans divers pays africains.

Ses missions l’ont conduit au Niger, en Namibie, au Sénégal, au Venezuela ou au Cambodge. Après trois années au centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères au cours desquelles il a coordonné l’aide humanitaire française dans les différents pays en crise, il a exercé les fonctions de consul général à Erbil (Kurdistan irakien) de 2016 à 2019 avant d’être nommé Ambassadeur de France aux Seychelles en septembre 2019.

Parcours professionnel :

Septembre 2019 : Ambassadeur de France aux Seychelles
2016 – 2019 : Consul général de France à Erbil (Kurdistan irakien)
2013 – 2016 : Chef de la mission pour l’Action humanitaire, centre de crise et de soutien ; ministère des Affaires étrangères et du Développement international.
2009 – 2013 : Numéro deux à l’Ambassade de France à Phnom Penh (Cambodge).
2005 – 2009 : Premier secrétaire puis numéro deux à l’ambassade de France à Caracas.
1999 – 2005 : Adjoint au chef de la mission des Appuis financiers et de la Gouvernance puis adjoint au sous-directeur du Développement humain ; Direction générale de la Coopération internationale et du Développement.
1998 : Conseiller technique du ministre de l’Agriculture du Sénégal (ETI France).
1992 – 1997 : Conseiller technique du ministre de l’Agriculture de Namibie (ETI France).
1987 - 1992 : Expert des Nations Unies au Niger ; conseiller technique du ministre du Plan du Niger.
1983 -1987 : Consultant pour différents centres de recherche ou bureaux d’études, publics ou associatifs.

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