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RENCONTRE : Fériel Chamari, inénarrable BAYA du film UN DIVAN A TUNIS

Fériel Chamari à Sidi B0U SAIDFériel Chamari à Sidi B0U SAID
Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 4 mars 2020, mis à jour le 5 mars 2020

Fériel Chamari, actrice franco tunisienne, de mère française et de père tunisien, a fait ses classes au Cours Florent à Paris. Polymorphe, elle passe des séries aux films d'auteur, interprète aussi bien une mère de famille, une « cruella », ou la très clinquante Baya, propriétaire d'un salon de coiffure, dans le film événement de 2020 : "un divan à Tunis".

Fériel Chammari UN DIVAN A TUNIS

"un divan à Tunis". est une production française, tournée en grande partie entre Tunis et Ezzahra, ville d'origine de la réalisatrice Manele Labidi, et dont les acteurs sont tous Tunisiens ou Franco-Tunisiens, excepté le rôle principal tenu par l'actrice iranienne Golshifteh Farahani.

Synopsis : Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre les sceptiques, ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu'il lui manque une autorisation indispensable pour continuer d'exercer…
Le film a été sélectionné dans de nombreux festivals internationaux et a obtenu le prix du public à la Mostra de Venise.

Lepetitjournal Edition Tunis : Vous avez un parcours éclectique, depuis l'industrie pharmaceutique jusqu'au cinéma, en passant par l'événementiel. Comment a-t-il débuté ?

Fériel Chamari : Après mon bac, j'ai été fille au pair pendant 1 an à Milan où j'ai étudié l'italien, j'ai poursuivi ensuite mes études à Lyon (DEUG sciences éco, MST audit et gestion, DESS Marketing pharmaceutique).

J'ai commencé ma carrière à PARIS dans l'industrie pharmaceutique, puis dans la communication pour un journal vétérinaire, puis l'événementiel.

Avec cette carrière toute tracée, comment avez vous débuté dans le cinéma ?


A 28 ans, j'ai décidé de sauter le pas et de tout faire pour réaliser mon rêve d'enfant : être comédienne. Je me suis donc offert les Cours Florent pour 2 ans. Puis je suis retournée en Tunisie pour mes 30 ans.

Fériel Chammari sur un tournage dans le sud

Pourquoi avoir quitté Paris ?

L'appel du pays, un sentiment de manque. En Tunisie, j'ai travaillé dans l'événementiel et participé au lancement d'un hôtel de luxe à Sidi Bou Saïd.
J'ai intégré ensuite une société de production. A partir de ce moment j'ai pu concilier ma carrière professionnelle, ma passion et ma vie de famille en devenant maman d'un garçon qui a aujourd'hui 15 ans.

Il est difficile de faire une carrière exclusivement dans le cinéma ?


Oui, surtout en Tunisie où le statut d'intermittent du spectacle n'existe pas, et où les productions ne sont pas assez nombreuses pour un travail régulier.

Quels sont vos meilleurs souvenirs de tournage à Paris ?


Ma participation sur la pièce « Oum » de Lotfi Achour. J'étais à la régie et je faisais des passages sur scène, avec une pléthore de comédiens de nombreux pays, et sur la musique d'Anouar Brahem. C'était exceptionnel.

Egalement mon expérience dans un court métrage de fin d'études d'une école de cinéma : j'ai passé le casting pour le rôle d'une militaire. Quand est venu mon tour, j'étais déjà habillée en treillis et j'ai mis un grand coup de pied dans la porte pour l'ouvrir en mimant d'avoir une arme à la main. J'ai été prise immédiatement.

Vous n'hésitez pas à vous vieillir, voire vous enlaidir pour interpréter un rôle et vous mettre dans la peau d'un personnage. Comment vous y préparez-vous ?


Je travaille mon personnage en me basant sur le scenario et sur toute la nourriture donnée par le réalisateur en parlant du rôle, je me documente si nécessaire.
Je m'inspire parfois de personnages publics, comme pour la série el raïs de Jamil Najjar, il fallait que je travaille sur l'une des députées de l'assemblée nationale. J'ai visionné des heures de video. Les mimiques et le caractère s'installent ensuite de matière naturelle.

Si je dois jouer une femme populaire, je passe des heures au hammam, dans les marchés, à la fripe ….
Je travaille les accents, la gestuelle, à certaines heures et je m'efforce de refermer la boite de Pandore, sinon le personnage envahit votre vie, s'immisce dans vos rêves, dans vos moments de bonheur, de tristesse, il vous bouffe.

Quelles sont vos limites ?

Je n'ai aucune limite, sauf si ça me gêne dans mon jeu, par exemple un chemisier étriqué, une coiffure trop fragile ou des chaussures trop grande.
Le maquillage et la coiffure finissent le peaufinage du personnage.

Je ne sais pas travailler non plus si je n'intègre pas toute l'équipe, y compris le chauffeur, le caméraman …  un film est obligatoirement pour moi une œuvre collective.

On connaît tous une « Baya » haute en couleurs, avez vous été inspirée par les personnes de votre entourage ?


Complètement, Baya est un patchwork de toutes les « Baya » que j'ai rencontrées jusque là : la coiffeuse des quartiers populaires, les dames bourgeoises du sentier ou de la côte d'azur ...

Baya est à l'opposé de l'héroïne du film interprétée par Golshifteh Farahani, est ce représentatif de la femmme tunisienne ?


Il y a moult femmes tunisiennes, elle est représentative de la femme dans le monde, la chef d'entreprise que Baya pense être, la femme bling bling que Baya est, c'est aussi l'intello, la paysanne. Baya est une palette de toutes ces femmes.

Fériel Chammari
BAYA (Fériel Chamari) & SELMA (Golshifteh Farahani) UN DIVAN A TUNIS 

Quelle est la part d'improvisation dans votre jeu ?


Une grande part, car Manele Labidi nous laissait libres, sur certaines scènes, d'improviser en nous donnant les grandes lignes, comme dans la scène du salon où j'ai ajouté « Miss France » , où celle où j'engueule le jeune patient qui est arrivé trop tôt, de peur qu'il raconte qu'il l'y a vue.

« Un divan à Tunis » adopte un ton très libre et humoristique pour traiter de l'après Ben Ali, est ce un tournant pour le cinéma tunisien ?


J'espère ! Ce qui m'a séduit dans ce scenario, c'est le traitement par la réalisatrice des tabous avec beaucoup d'humour, et c'est aussi mon mode de pensée. Alléger certains scenarios sur les sujets difficiles feraient du bien au cinéma, comme au public. Cet air frais qui souffle sur « un divan à Tunis » a séduit l'équipe comme les spectateurs.

Fériel Chammari

Le cinéma tunisien mérite d'être beaucoup plus connu à l'étranger, la comédie est elle un atout pour sensibiliser un public plus international ?


Le cinéma est en train de se faire connaître grâce à une nouvelle vague de jeunes producteurs et réalisateurs. L'humour est l'un des passeports universels de communication, même si on ne parle pas la même langue et si l'on a pas les mêmes codes sociaux, le rire rassemble.

Les détracteurs du film, peu nombreux, dénoncent les clichés, sont ils dans le déni ou manquent ils d'humour ?


Pour moi il n'y a aucun cliché dans le film, les personnages sont très proches de la réalité quotidienne en Tunisie, avec une touche burlesque qui ajoute à l'humour. Donc oui, les détracteurs sont certainement partagés entre déni et manque d'humour !

Quel est le rôle dont vous rêvez et que vous n'avez pas encore interprété ?


Une multitude ! Lucrèce Borgia pour commencer, une nageuse de haut niveau comme je l'ai été dans la vie, et une « Florence Artaud » ce serait génial.

Vous avez travaillé dans la production, passerez vous un jour à la réalisation ?


C'est mon rêve secret. C'est l'aboutissement du parcours du comédien, mais le chemin est long, car pour être bon réalisateur il faut maîtriser le scenario, le passage du scenario à l'image, le mixage, le montage et bien sûr la direction de comédien. On sent tout de suite quand l'on travaille avec un réalisateur qui a été comédien et celui qui ne l'a jamais été.

un divan a tunis Fériel Chammari

Le film est décrit comme « une comédie à l'italienne », est ce que l'on peut parler plutôt de « comédie à la tunisienne » , ou est ce que ça se rejoint ?


Oui, ça se rejoint. L'humour est méditerranéen. On pourrait aller plus loin vers la comédie italienne avec moins d'auto censure, le cinéma italien est effectivement beaucoup plus cru.

Est ce que vous aimeriez retravailler à l'étranger ?


Oui complètement. Je cherche d'ailleurs un agent artistique en France et à l'international, car je peux exercer aussi bien en arabe (tunisien, libanais, égyptien), qu'en Français, anglais ou italien.
Le message est lancé !

Actualités
Feriel Chamari tourne actuellement le feuilleton NOUBA 2 de abdelhamid bouchnak.
Elle défilera le 5 mars à l'INSTITUT FRANCAIS DE TUNISIE pour l'event de Nathalie Garçon « OVER FIFTY, et alors ? », à l'occasion de la journée nternationale des droits des femmes.

Fériel Chammari


 
PARCOURS

Long Métrage
« Hammamet de Gianni Amelio 2020
« Un divan à Tunis » de Manele Labidi, Rôle de Baya,  2020
« Demain dès l’aube » de Lotfi Achour, 2nd rôle, tournage 2015
« Bastardo » LM de Néjib Belkadhi, rôle journaliste, tournage 2012
« Brando » LM de Ridha Behi, 2nd rôle féminin, tournage 2010/2011
 
Court Métrage
« Le père » CM de Lotfi Achour, 2nd rôle féminin, tournage 2013

Fériel Chammari dans Jnoun el Kayla
Fériel Chamari dans Jnoun el Kayla

« Le Tunnel » CM de Karim Souaki, 1er rôle féminin, tournage 2010

Théâtre
« Oum » de Lotfi Achour 2002

Feuilletons télévisés
« Nouba 2 » de  Abdelhamid Bouchnak 2020
« Jnoun El Kayla », de Amin Chiboub, 1er rôle Lamia Kalb Ahjar, tournage 2018 (saison 2) et 2017 (saison 1)
« Flash Back » de Mourad Ben Cheik 2017
« Eddawama » de Naim Ben Rhouma 2017
« El Raïs » de Jamil Najjar 2016
« Ensibti Laziza » de Slaheddine Essid, invitée d’honneur, tournage 2012
« Maktoub » saison 1, de Sami Fehri, rôle Mériem, tournage 2008
« Oueld Ettalyena » de Néjib Belkadhi, rôle inspectrice,  tournage 2008

 

Propos recueillis par Isabelle Enault le 5 mars 2020

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