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HOMMAGE - Marcel Berger, pionnier de Tunisair

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Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 21 avril 2020, mis à jour le 21 avril 2020

Marcel Berger s'est éteint le 7 avril 2016. Nous avions rencontré Marcel Berger en 2014. Ancien mécanicien-navigant et instructeur d'Air France, il fit partie des 5 personnels détachés par la compagnie française lors de la création de Tunisair, en 1948. Grâce à des anecdotes, il nous avait invité à découvrir la naissance de la compagnie nationale tunisienne. Hommage

Le 21 octobre 1948 paraissait le décret créant officiellement la Compagnie aérienne tunisienne de l'air, également appelée Tunisair, d'un capital de 60 millions de francs français auquel participent le gouvernement tunisien (Lamine Bey) et des privés pour 51 %, et Air France pour 49%. Mais c'est le 1er avril 1949 que Tunisair commence l'exploitation des avions qui lui sont affrétés par Air France.

Lepetitjournal.com : Comment est née Tunisair ?

Marcel Berger : A cette époque les Américains voulaient monter une compagnie avec la Tunisie.

Parallèlement, Air France assurait environ 5 vols par jour entre la France, l'Algérie et la Tunisie. J'étais détaché avec une équipe de techniciens, tous personnels d'Air France : M. Gautier, le chef, M. Brillant, M. Boué qui arrivaient d'Alger Monsieur Robin qui venait de Marseille. Nous faisions partie des équipages de réparation qui étaient envoyés pour vérifier et réparer les avions sur Alger, Tunis et Marseille.

Suite à des tractations avec le gouvernement tunisien, c'est Air France qui l'a emporté et nous sommes donc restés sur place pour assurer les premiers vols. Nous constituions à nous cinq, la première équipe de Tunisair au complet, et mon matricule était le numéro 002 !

Comment cela a-t-il démarré ?

Nous avons donc été détachés d'Air France pour 92 jours afin de lancer les premiers vols Tunisair. C'était un grand honneur, et la plupart d'entre nous sont restés 30 ans ! C'est avec 3 DC3 venant de Marignane, que la compagnie a démarré.

Nous avons été envoyés d'urgence cette année là et nous sommes arrivés le jour de la procession de la vierge à la Goulette, le 15 août ! c'était un peut-être un signe !

Techniquement parlant, quels étaient vos moyens ?

A l'époque, on faisait rentrer les avions dans les hangars sans matériel, à quatre personnes, comme on pousse une voiture. Nous n'avions pas d'escabeau non plus, donc pour atteindre certaines parties de l'avion, nous devions monter sur les épaules de nos collègues. C'était dur et archaïque, mais finalement nous y sommes arrivés, en travaillant le jour et une partie de la nuit.

La journée nous embarquions à tour de rôle sur la plupart des vols sur la Tunisie et l'Algérie, afin d'assurer les réparations à l'arrivée, car aucun technicien n'était détaché pour Tunisair dans les autres aéroports.

Nous n'avions pas d'autre choix que de nous "débrouiller", car nous ne trouvions ni pilote, ni mécanicien, ni hôtesse en Tunisie.

J'ai totalisé 33 000 heures de vol à la fin de ma carrière, ce qui représente le double de la moyenne actuelle !!

Quand Tunisair s'est-elle structurée ?

Petit à petit, au fil des mois.

La première personne embauchée en plus de notre équipe était un menuisier et le premier achat, une machine à bois, afin de construire nos bureaux. Notre deuxième achat était un fer à repasser ! il fallait bien être élégant pour aller au cinéma le dimanche !

En face d'AIR FRANCE à El Aouina, nous avions un cafetier qui venait spécialement pour nous à 6 H du matin, pour qu'on ait du café chaud et des croissants.

Pour le remercier et comme il avait tenté de commencer une formation aéronautique lors d'un séjour à l'étranger, nous lui avons proposé de devenir chef de cabine et il a fait carrière. Puis Monsieur Gautier a embauché sa femme pour le poste de secrétaire.

On peut vraiment dire qu'en 1948, Tunisair était une entreprise familiale. Cette situation a duré environ deux ans, avant d'avoir une réelle structure.

D'ailleurs, l'un des hommes d'affaires qui avait investi dans la compagnie, nous envoyait un énorme plat de couscous chaque samedi. Son chauffeur est finalement devenu manoeuvre avec nous.

On peut dire que les moyens étaient extrêmement limités ?

Oui, mais cela ne nous a pas empêché de mener à bien notre mission, sans trop de dégâts.
Nous avons eu un seul accident qui a eu lieu le 6 octobre, le jour de mon mariage : l'un des mécaniciens a été happé par une hélice et a perdu un bras.

Un jour, nous avons transporté une caisse remplie d'or depuis la France. Chargée devant la police et la sécurité à l'aller, elle était déchargée sans aucune sécurité, sur le trottoir, à l'arrivée à Tunis.

Il fallait d'abord s'occuper des passagers et de leurs bagages, toujours avec un nombre d'employés limité, avant de pouvoir apporter la caisse à la douane. En attendant, elle restait sur le trottoir sans aucune surveillance. Fort heureusement, il y avait très peu de délinquance à cette époque.

Puis la compagnie s'est étoffée ?

Air France a commencé à former les trois premiers pilotes de TUNISAIR : Habib Ladjimi, fils d'un juge, Nejib Somaï, fils de médecin et M. Sitbon, fils d'un expert comptable. Par la suite, les personnels ont été formés au lycée technique Emile Loubet, à Tunis.

Quels ont été les premiers voyageurs prestigieux sur Tunisair ?

Nous avons eu l'honneur d'accueillir Charles de Gaulle sur un de nos vols. Cette année là, le Chef Pilote était M. Noel, surnommé "Noel la médaille" car il se vantait d'avoir été décoré de nombreuses fois en remerciements de ses actes pendant la guerre de 39-45. Quand Charles de Gaulle est passé devant lui, il l'a reconnu et félicité. Nous avons su alors que ses dires étaient véridiques ! Cette rencontre s'est terminée autour d'un méchoui à Gabès avec le Général.

En 1968, nous avons fait notre premier voyage vers Monastir avec le président de la Tunisie : Habib Bourguiba, alors que la piste du nouvel aéroport de sa ville natale n'était pas encore terminée.

Une dernière anecdote ?

Malgré cette évolution, la compagnie restait familiale et humaine. Les employés travaillaient directement avec les Chefs pilotes. Je me souviens d'ailleurs de leur première revendication : comme ils travaillaient une partie de la nuit et que les vols d'entraînement débutaient à 6 H, au dessus de leurs têtes, ils avaient demandé à ce que les horaires soient décalés. Ce que le Chef "Noel la médaille" leur avait accordé : les vols débuteront à 6H30 !!!!

NB : Marcel Berger a confié quelques photos de cette aventure au CINEVOG - LE KRAM

Voir d'autres photos ICI

Lire la saga complète sur le site de Tunisair

Réédition - Propos recueillis par Isabelle Enault (www.lepetitjournal.com/tunis) lundi 29 septembre 2014

 

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