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13 AOUT - La défense de la COLIBE au coeur de la fête de la femme

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Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 13 août 2018

Quelques mois après l'indépendance, le 13 août 1956, le code du statut personnel a été promulgué, avant même l'établissement de la Constitution tunisienne. Révolutionnaire et unique dans le « monde arabe », il a annoncé la rupture de pratiques archaïques dévalorisant la femme tunisienne

Chaque année les Tunisiennes ont donc deux anniversaires : le 8 mars, journée internationale des Droits de la Femme et le 13 août, anniversaire du code du statut personnel.

Devenu "la fête de la femme", le 13 août est déclaré jour férié. Depuis la révolution, la fête prend des allures de manifestation plus ou moins massive, en fonction des tentatives à l'encontre des libertés, de la part des conservateurs et islamistes.

Ce 13 août 2018, la défense de la proposition de la COLIBE sera au coeur des revendications des manifestations organisées par plusieurs associations, largement relayées sur les réseaux sociaux.

Une révolution menacée

Aujourd'hui, comme de tous temps, le CSP reste une révolution, mais une révolution menacée. Le 31 juillet 2012, le gouvernement provisoire avait voté en commission, un article qui avait déchaîné les foudres des Tunisiennes : il désignait la femme comme complémentaire de l'homme. Le 13 août, elles se sont rassemblées, largement accompagnées des Tunisiens, sur les avenues Bourguiba et Mohamed V pour crier leur indignation. Cet article a finalement été modifié le 24 septembre : le mot "complémentaire" a été remplacé par "égale".

Le 13 août 2013 était chargé de colère et de revendications, suite aux assassinats et au terrorisme qui ont endeuillé la Tunisie les semaines précédent cette fête.

csp

13 Août 2014 & 2015 : 
Les femmes à l'honneur et aux commandes de Tunisair : pour marquer la célébration de la fête Nationale de la Femme, Tunisair programmera des équipages 100% féminins à savoir : commandant de bord, pilote, chef de cabine et hôtesses sur certains vols en direction de l'Europe.

13 Août 2015 :
Le président de la République Beji Caied Essebsi annonce de nouvelles mesures : l’égalité des salaires des hommes et des femmes dans les secteurs agricoles et industriels. Il a été décidé par ailleurs, d'accorder aux femmes la tutelle de leurs enfants mineurs.

Une cérémonie a été organisée au Palais de Carthage, où le président a décoré des Femmes tunisiennes en hommage à leurs compétences, aptitudes et contributions vitales dans leurs champs d’activités universitaires ou professionnelles, mais aussi pour leurs actions et militantisme en vue de consacrer les hautes valeurs de la République et de la Démocratie.

De nouvelles réformes

La commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) a été créée par le président de la République Tunisienne Béji Caïd Essebsi, le 13 Août 2017. La commission est chargée de préparer un rapport concernant les réformes législatives relatives aux libertés individuelles et l’égalité, conformément à la constitution du 27 Janvier 2014, ainsi qu’aux normes internationales des droits de l’Homme.

COLIBE

Son rapport publié le 8 juin 2018 est largement critiqué par les conservateurs, particulièrement sur les questions de l'égalité dans l'héritage, de la dépénalisation de l'homosexualité, et de l'abolition de la différenciation musulman / non-musulman.

Des imams sont descendus dans la rue à Sfax, à Gabès et dans d’autres villes pour manifester contre ce rapport. Certains en ont fait le sujet de leur prêche du vendredi, et diabolisé  la présidente de la COLIBE, l’avocate et militante Bochra Ben Hamida, qui a reçu de nombreuses menaces.

Le 3 août, une prière collective a été organisée par Hechmi Hamdi, président du parti El Mahabba sur l’avenue Habib Bourguiba.

La coordination nationale pour la défense du Coran, a également organisé, le samedi 11 août 2018, une manifestation Place du Bardo contre le rapport de la COLIBE. 

Des accusations d’aller à l’encontre de l’islam, de falsifier les paroles de Dieu, de propager l’homosexualité, de détruire la famille tunisienne ont nourri les principaux slogans des manifestants

Une première avancée remarquable :

L’interdiction de mariage entre une femme tunisienne musulmane et un non-musulman, jadis consacrée par la fameuse circulaire N° 216 du 5 novembre 1973 est complètement levée. Le président Béji Caïd Essebsi avait annoncé cette mesure lors de son discours du 13 août 2017. Cette mesure est effective depuis le 14 septembre 2017. Les mariages concernés peuvent désormais être librement actés dans toute municipalité ou chez un notaire en Tunisie ou auprès des consulats, et à défaut, des ambassades de Tunisie à l’étranger.

En août 2018, plusieurs huissiers-notaires ont refusé de légaliser ce type de mariage. Pour dénoncer ces agissements anticonstitutionnels de refus d'application de la loi, l'ATSM (association tunisienne de soutien des minorités) a lancé un appel au ministère de la Justice à la fermeté et à prendre les mesures judiciaires contre tout contrevenant, notamment ceux qui persistent à appliquer la circulaire 73.

Histoire du CSP

A partir de 1868, des penseurs tels que Kheireddine Pacha, Cheikh Mohamed Snoussi, Abdelaziz Thaalbi et le controversé Tahar Haddad avaient engagé une réflexion sur les réformes de la politique sociale en vigueur, orientées pour certains vers la valorisation de la femme.

Pour Bourguiba, auto-proclamé père de l'indépendance et premier ministre, l'avenir de la Tunisie ne pouvait se construire sans l'émancipation et la protection du statut de la femme.

Le CSP a été rédigé par une quinzaine de juristes, sous la direction d'Ahmed Mestiri, ministre de la Justice à l'époque, et comporte 213 articles. Il détermine le principe de l'égalité de l'homme et de la femme sur le plan de la citoyenneté, et reste unique dans le monde arabe.Il fut paraphé par Lamine Bey, le dernier souverain régnant.

BOURGUIBA

Un code indispensable

Avant le CSP, la femme tunisienne pouvait être voilée ou mariée de force, quel que soit son âge, et également répudiée sans aucun droit. Elle était considérée comme inférieure à l'homme, père, oncle ou mari, et dépendait de lui pour étudier ou travailler.

Le CSP pose le principe du consentement mutuel des époux comme règle de validité du mariage, institue un âge minimum obligatoire, instaure une procédure judiciaire du divorce et autorise la femme à le demander, lui attribue un droit de tutelle sur ses enfants mineurs au décès du père, lui permet de contribuer aux charges familiales, abolit la polygamie.

La femme peut dès lors travailler, ouvrir un comptes bancaire, gérer son capital et créer une entreprise sans l'autorisation d'un parent ou d'un époux. Elle a également acquis le droit de demander le divorce.

De nombreux détracteurs

Ses détracteurs ont essayé de tout temps de casser ce code en brandissant un atout imparable à leur sens : l'Islam. D'après eux en effet, les textes concernant le divorce et la polygamie enfreignent le Coran et la Sunna.

Habib Bourguiba, Premier Ministre et futur Président, s'estimait qualifié et en droit de par ses fonctions et ses responsabilités, d'interpréter la loi religieuse. Par conséquent, les imams et cheikhs qui condamnèrent le CSP dans leurs prêches ou par l'intermédiaire de pétitions ou d'articles de presse ont été arrêtés. Cependant, il a toujours tenu à démontrer que le CSP n'était contraire en rien aux préceptes de l'islam, mais s'opposait aux pratiques archaïques et rétrogrades qu'on avait l'habitude d'imputer à l'islam. Lors de la célébration de la fête de la femme tunisienne le 13 août 1965 il fustigera « les cerveaux gelés » qui avaient critiqué la promulgation du CSP.

L'héritage en question

La seule limite que le CSP impose est la question d'héritage, en raison de la clarté du propos dans le Coran. Bourguiba a tenté en 1974 d'initier une discussion sur un projet de loi sur l'égalité successorale entre frère et soeur, mais il a du se ranger à l'énoncé des versets : Il revient à l'homme la part de deux femmes.

Le successeur de Bourguiba, Zine el-Abidine Ben Ali, ne remet pas en cause le CSP et lui apporte même des modifications qui le renforcent, et particulièrement l'amendement du 12 juillet 1993 qui donne le droit à la femme de transmettre son patronyme et sa nationalité à ses enfants au même titre que son époux, même si elle est mariée à un étranger, à la seule condition que le père ait donné son approbation.

Bibliographie chronologique :

. Félix Garas, Bourguiba et la naissance d'une nation, éd. Julliard, Paris, 1956
. Jean Rous, Habib Bourguiba, éd. Martinsart, Paris, 1984 (ISBN 2863452355)
. Norma Salem, Habib Bourguiba, Islam, and the creation of Tunisia, éd. Croom Helm, Londres, 1984 (ISBN 9780709933199) (en anglais)
. Ali El Ganari, Bourguiba. Le Combattant suprême, éd. Plon, Paris, 1985 (ISBN 225901321X)
. Mohsen Toumi, La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, éd. Presses universitaires de France, Paris, 1989
. Mounir Charfi, Les ministres de Bourguiba (1956-1987), éd. L'Harmattan, Paris, 1989 (ISBN 2738403980)

. Derek Hopwood, Habib Bourguiba of Tunisia: the tragedy of longevity, éd. Macmillan et St . Antony's College, Oxford, 1992 (ISBN 9780333572627) (en anglais)
. Bernard Cohen, Bourguiba. Le pouvoir d'un seul, éd. Flammarion, Paris, 1992 (ISBN 2080648810)
. Tahar Belkhodja, Les trois décennies Bourguiba. Témoignage, éd. Publisud, Paris, 1998 (ISBN 2866007875)
. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, éd. du Jaguar, Paris, 1999 (ISBN 2869503202)
. Samya El Mechat, Tunisie. Les chemins vers l'indépendance (1945-1956), éd. L'Harmattan, Paris, 2000 (ISBN 2738412386)
. Collectif, Habib Bourguiba et l'établissement de l'État national : approches scientifiques du bourguibisme, éd. Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l'information, Zaghouan, 2000
. Habib Bourguiba, Ma vie, mon ?uvre, éd. Omnibus, Paris, 2003 (ISBN 2259014062)
. Aziz Krichen, Syndrome Bourguiba, éd. Cérès, Tunis, 2003 (ISBN 9973700732)
. Mohamed Mzali, Un Premier ministre de Bourguiba témoigne, éd. Picollec, Paris, 2004 (ISBN 2864772108)
. Michel Camau et Vincent Geisser, Habib Bourguiba. La trace et l'héritage, éd. Karthala, Paris, 2004 (ISBN 2845865066)
. Driss Abbassi et Robert Ilbert, Entre Bourguiba et Hannibal. Identité tunisienne et histoire depuis l'indépendance, éd. Karthala, Paris, 2005 (ISBN 2845866402)
. Chaker Lajili, Bourguiba-Senghor, Deux géants de l'Afrique, éd. L'Harmattan, Paris, 2008 (ISBN 2296067813)
. Béji Caïd Essebsi, Bourguiba. Le bon grain et l'ivraie, éd. Sud Éditions, Tunis, 2009 (ISBN 9973844998)
. Amor Chadli, Bourguiba tel que je l'ai connu : la transition Bourguiba-Ben Ali, éd. Berg Édition, Tunis, 2010 (ISBN 9789973022257)
. Henda Zaghouani-Dhaouadi, Le pèlerinage oriental de Habib Bourguiba. Essai sur une philosophie politique. Février-avril 1965, éd. Publibook, Paris, 2011 (ISBN 9782748367461)
. Lotfi Hajji, Bourguiba et l'Islam, éd. Sud Éditions, Tunis, 2011
. Sophie Bessis et Souhayr Belhassen, Bourguiba, éd. Elyzad, Tunis, 2012 (ISBN 9789973580443)
. Chedli Klibi, Habib Bourguiba. Radioscopie d'un règne, éd. Déméter, Tunis, 2012
. Mohamed Sayah, L'Acteur et le témoin, éd. Cérès, Tunis, 2012 (en arabe)

 

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