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 Insectum, Merveilles et Émerveillement ou les minuscules colosses de Chahrazed Fekih

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Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 20 octobre 2022, mis à jour le 20 octobre 2022

L'exposition " Insectum, Merveilles et Émerveillement ou les minuscules colosses de Chahrazed Fekih " se déroulera du 27 octobre au 15 décembre 2022 à la galerie Le Violon Bleu Sidi Bou Saïd.

 

" Une exposition sur une planète inconnue, la terre, redécouverte à l’échelle du millimètre.
Ses habitants, des créatures fantastiques : les insectes. Les paysages, les forêts impénétrables que sont les touffes d’herbe, les feuilles d’arbre ou les gouttes de rosée grosses comme des ballons.
Quelle taille faut-il avoir pour mériter votre estime ? Ce mot de Michelet à ceux qui méprisent les insectes peut être retourné à tout un chacun : les insectes sont souvent ignorés. Leur monde, écrit Jean-Marc Drouin, est marqué d’une double altérité : étrange par rapport à nous, il est éclaté en de multiples formes. Pourtant, ces minuscules colosses ne cessent d’habiter notre pensée : présents dans nos expressions familières, ils ont inspiré les écrivains entomologistes, Proust ou Nabokov, qui dissèquent à travers eux les comportements humains. Utilisés comme miroir de nos sociétés, ils fournissent aussi des modèles scientifiques de premier plan.
Avec cette nouvelle exposition, la deuxième exactement, Chahrazed Fkih renoue avec la grâce qui avait entouré la première, intitulée Exaltation, Mystère de la vie en mai 2021. L’on avait découvert l’artiste, comme on redécouvrait la vie, en période post-pandémique. Chahrazed Fkih nous avait fait prendre conscience d’un monde, à l’ère de l’anthropocène, celui auquel nous n’accordons généralement pas d’importance ni d’intérêt, celui du minuscule. Avec la pandémie, la toute puissance de la nature et la vanité de la condition humaine, très égocentrée, s’était imposée comme une évidence, dans nos vies à l’arrêt.
L’on avait rencontré un univers graphique où le trait humain était au service de la nature, des insectes et des végétaux. Aujourd’hui, son univers plastique opère un glissement sémantique centré sur les insectes, avec lesquels elle a noué une relation particulière.
Tout est dans le point de vue, le regard et l’acceptation.

Le dialogue est dans les deux sens et l’on sent l’artiste habitée par ses nouveaux compagnons de route. En noir et en blanc, à coups de crayon et de fil à encre, elle constitue des représentations anatomiques où l’entomologique, hors d’échelle, s’allie à l’humain. Ses collages délicats, très dessinés, minutieux et rigoureux viennent ajouter une finesse supplémentaire à un ensemble graphique très fort, et expriment la vulnérabilité et la toute puissance de la nature.
On butine avec plaisir dans cette profusion d’exemples et de références, qui font aux petites bêtes une place de choix. Abeilles, papillons, fourmis, coccinelles...

Les insectes sont souvent classés comme utiles ou nuisibles, ces petites bêtes suscitent dans le public cette double réception mise en évidence par Apollinaire dans son Bestiaire. La profusion des insectes convoqués, magnifiés par l’iconographie témoigne de la fascination de l’artiste pour ces prototypes calligraphiques dotés de vie.
Ces vivants minuscules représentent la catégorie visible la plus excentrée de l’animal et du non-humain. D’où l’intérêt de questionner ces figures de l’altérité pourtant si présentes dans toutes les sphères de la représentation.
Les classiques de la littérature et du cinéma qui ont placé l’insecte au cœur de leur diégèse illustrent différentes formes d’adaptation ou de réappropriation : on peut citer entre autres, Le Scarabée d’or d’Edgar Poe, La Métamorphose de Kafka, La mouche de Cronenberg.

Du côté des classiques de l’enfance, s’imposent d’inoubliables personnages d’insectes : le grillon de Pinocchio, les insectes dans les voyages d’Alice Au Pays des Merveilles, Maïa l’abeille de Bonsels…

Et Chahrazed Fkih, avec élégance, creuse ce sillonavec une détermination remarquable, allant de Merveilles en émerveillement.
La présence des insectes, dans l’imaginaire artistique ou littéraire, traduit souvent les inquiétudes suscitées par l’avenir d’une planète et d’une condition humaine également menacées.

Leur disparition, pour la communauté scientifique, préfigurerait la fin du vivant sur la terre.
Chahrazed Fkih , héritière de toutes ces inquiétudes, se demande à son tour si l’insecte intéresse en lui-même ou en tant que représentation symbolique , de métamorphose en imago, de la forme ultime de la vie à la mise en forme de ses premières représentations.
L’artiste va même plus loin, en faisant sienne leur pensée collective, dans son texte qui se termine par ces mots éloquents : Nous , les insectes .
En tout cas, qu’il soit héros, compagnon ou comparse, apprivoisé ou maintenu dans sa radicale altérité, par son apparence et par son comportement individuel et social, l’insecte nous contraint au décentrement pour soupeser les notions de nature et de culture. Se pencher sur ces êtres si différents et d’une telle diversité dans l’ordre du minuscule questionne sans doute à la fois la condition humaine et la condition animale, comme l’écrivait Guillevic dans le poème conclusif du recueil Pas si bêtes ! consacré pour un tiers aux insectes :
De me voir devant vous,
Je suis seul tout à coup.
Je souffre d’être un autre
Et me voudrais des vôtres. "

Edia Lesage, octobre 2022

 

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" Insectum
Merveilles et Émerveillement
Nous sommes là…
Nous sommes toujours là…
Partout autour de vous…
Dès lors que vous apprenez à voir et de changer votre manière de regarder, de sentir, de comprendre et de traduire le vivant non plus comme le reflet de vos émotions intérieures, non plus comme un décor inanimé ou une matrice de symboles, ou comme des corps-matières dépourvus de significations…
A ce moment là, le monde autour de vous se métamorphose, depuis un paysage-décor vide, en une assemblée de points de vue et de cohabitants.
On va vivre ensemble dans un monde réanimé, repeuplé, et rationnellement merveilleux… Un monde le Nôtre, … auquel vous, vivants humains, vivants parmi les vivants, appartenez pleinement.
Et dès l’instant où vous comprenez qui nous sommes, vous comprenez un peu mieux, rencontre après rencontre, qui vous êtes,… par contraste, par parenté et par perception de nos liens.
Nous n’attendions alors qu'une transformation de votre propre corps-perspective pour être enfin vus, enfin reconnus, enfin parmi vous.
Humains…
Bienvenue parmi les vivants…
Bienvenue parmi nous…
…nous LES INSECTES. "

Chahrazed Fekih

 

BIOGRAPHIE

Née à Bekalta en 1979, Chahrazed Fekih vit et travaille à Tunis. Elle a entamé des études d’arts plastiques à Sfax et les a poursuivies à Tunis, pour finir par les enseigner à partir de 2006 à l’Institut supérieur des beaux-arts de Tunis. Ses œuvres ont fait l’objet de plusieurs expositions nationales et internationales.
Elle tient en mai 2021 sa première exposition individuelle “Exaltation…mystère de la vie » à la Galerie Saladin dans un contexte pandémique.
Sensible à la beauté de la nature, elle s’inspire de l’environnement , des plantes et des insectes. Elle cherche à provoquer une réflexion sur la vulnérabilité et la puissance de la nature.
Ses coups de crayon et ses jeux de valeurs à l’encre noire donnent naissance à des traits subtilement entremêlés et confondus qui viennent constituer des figures humaines et animales et autres fragments anatomiques et vasculaires nourris par des liaisons et autres agencements de lignes.
Pour elle, apprendre à se rendre sensible à la part invisible du monde vivant, est indispensable pour réussir à se reconnecter à la nature, et de tisser des nouvelles relations avec les autres formes de vie autre que humaines.

Vernissage I Chahrazed Fekih I Insectum 27 octobre 2022

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