En à peine vingt ans, ce chef japonais a su faire ses preuves en France. Lundi lui étaient décernées les trois étoiles Michelin dans l’Hexagone. Huit ans après avoir conquis la première, trois ans après avoir remporté la deuxième, il devient le premier Japonais à obtenir ces trois étoiles en France.
« Il y a beaucoup de Japonais en ce moment, vous avez accepté notre place, merci beaucoup, merci la France ! », ce sont les mots qui ont retenti sur la scène des Michelin hier. Cheveux blonds décolorés, c’est dans un français hésitant que le chef de 42 ans s’est exprimé.
Avant de lui donner la parole, la présentatrice de l’événement a résumé cette victoire en trois mots : « la technique, la précision et le geste. » Rien d’étonnant puisque Kei Kobayashi s’est formé à l'école de Gilles Goujon (L'Auberge du Vieux Puits) et d’Alain Ducasse (Plaza Athénée)
C’est en mariant cuisine française et saveurs japonaises qu’il a su conquérir le cœur et les papilles de nombreuses personnes. « Jardin de légumes croquants, saumon fumé d'Écosse, mousse de roquette et émulsion au citron », il n’en fallait pas plus, ni moins, aux inspecteurs du Guide rouge pour être interpellés. On peut lire sur le site Michelin une description des plus délicates à l’égard de cette assiette : « Ce plat, signature emblématique, est une belle assiette aérienne où le végétal est à l'honneur et symbolise l'élégance absolue. »
Kei Kobayashi est né à Nagano et tient cette passion pour la cuisine de son père, lui-même cuisinier dans un restaurant traditionnel kaiseki. C’est en regardant une émission avec le cuisinier Alain Chapel qu’il découvre la cuisine française. Ce chef en devenir comprend très vite que c’est en France qu’il apprendra le mieux les traditions et façons de faire.
Il arrive dans l’Aude en 1998, fait le tour des terroirs, Provence, Alsace, Bretagne, pas suffisant d’après lui, mais le manque de temps l’a très vite amené à Paris. Il ouvre finalement son restaurant « Kei » en 2011. L’histoire du mélange de deux cultures, de deux pays, de deux continents, va créer un équilibre parfait, épuré et minimaliste.
Chefs français au Japon
Et si l’on inversait les rôles ? Kei Koyobashi a réussi en France, mais qu’en est-il des chefs français au Japon ? Nombreux penseront à la forte présence de Joël Robuchon un peu partout, c’est une institution. Restaurants, boutiques, boulangeries… ces dix établissements qui portent son nom à Tokyo.
C’est sûrement un des plus connus, mais ce n’est pas le seul. Jacques Borie est installé au Japon depuis maintenant plus de 40 ans. « Meilleur ouvrier de France », récompensé de la médaille d’or de l’Académie Culinaire de France, il a introduit petit à petit la gastronomie française dans l’Archipel, mais il a aussi ramené avec lui son art de vivre et sa convivialité, deux qualités bien françaises. Pour avoir travaillé auprès de M. Noda de l’hôtel Okura et M. Fukuhara de Shiseido, il se décrit comme totalement « japonisé » maintenant.
Jamais deux sans trois, Lionel Beccat fait partie de ce que l’on pourrait appeler la nouvelle vague des cuisiniers français actifs au Japon. Il a ouvert le restaurant « Esquisse » en 2012 dans le quartier de Ginza et obtient d’emblée deux macarons. (récompense similaire aux étoiles Michelin)
La cuisine française a fait son apparition au Japon il y a 50 ans tout au plus. Beaucoup pensent qu’un paradoxe s’est créé au fil du temps. « Les chefs japonais faisant de la gastronomie française ont un bagage technique solide, mais il leur manque la forte personnalité nécessaire à l’expression de leur cuisine. Et quant aux chefs français installés au Japon depuis longtemps, ils ne connaissent plus les goûts culinaires actuels de leur pays puisqu’ils sont imprégnés de la culture nippone » confiait Yoshi Suzuki, gastronome propriétaire et gérant de boulangeries et pâtisseries françaises au Japon.
Un paradoxe qui ne pose pas réellement de problème, car la cuisine japonaise et la gastronomie française se marient à merveille. Rien de plus réjouissant pour des Français vivant au Japon de pouvoir retrouver des goûts qui s’étaient cachés dans les tréfonds de leur mémoire. Et vice-versa.