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Le renouveau du cinéma d'horreur japonais des années 2000 en 3 films

Ju-on the grudgeJu-on the grudge
Écrit par Julien Loock
Publié le 31 octobre 2017, mis à jour le 31 octobre 2017

Pour fêter Halloween, lepetitjournal.com Tokyo souhaitait faire un retour en arrière sur le renouveau du cinéma d'horreur japonais à travers trois œuvres phares de trois cinéastes nippons. Bien que le cinéma d'épouvante fût toujours très présent dans le cinéma japonais, grâce au genre des kaidan eiga (kaidan faisant référence aux histoires de l'étrange), la nouvelle vague du "J-horror" sonna, à la fin des années 90, comme une renaissance de la peur au Japon.

 

Hideo Nakata et son mémorable Ring

Printemps 2001, la France voit débarquer sur ses écrans une bobine hantée en provenance du Japon. Habitué au cinéma d'horreur outre-Atlantique et européen, le public français découvre alors une épouvante froide et angoissante, tout droit sortie de l'univers du folklore horrifique japonais. Ancré dans une époque contemporaine, Ring narre l'histoire d'une vidéo maudite qui provoquerait la mort de son spectateur sept jours plus tard. Les victimes s'accumulent lorsqu'une journaliste décide de mener son enquête pour découvrir la vérité autour de cette VHS habitée. Son investigation sera semée de malédictions et d'apparitions fantastiques.

Hideo Nakata réalise, avec Ring, son second long-métrage qui le propulsera sur le devant de la scène internationale. Le succès de Ring est immédiat et la carrière du cinéaste prend une autre dimension. Cette sortie (en 1998 dans son pays d'origine) confirme alors la future très bonne santé du cinéma horrifique japonais qui en découlera. La production nippone n'en restera pas là et le "J-horror" deviendra très vite un genre très rentable. Grâce aux codes des contes de fantômes classiques japonais dont il s'inspire, Hideo Nakata développe une histoire dans un contexte réaliste pour impliquer le spectateur directement. L'environnement est très familier et la malédiction se propage via un objet, normalement, inoffensif de notre quotidien (ndlr la cassette vidéo).

Mais ce qui fera assurément le succès de ce film, c'est son traitement cinématographique du scénario. Le cinéaste compose avec le minimum d'effets visuels (pour ne lasser aucunement le spectateur à la longue) et ne tombe jamais dans la surenchère dont souffre régulièrement le cinéma américain. La musique glace le sang, les apparitions millimétrées sont angoissantes et l'horreur, dans son contexte moderne, facilite la propagation des frissons. L'effroi est suggéré et la mise en scène est très léchée, assurant un confort, pour le spectateur, très éphémère. Hideo Nakata réalisera plusieurs films de genre, après son premier succès, dont une suite (Ring 2) et un autre chef d'œuvre en 2002 (Dark Water), qui place l'horreur au cœur d'une famille en plein divorce, avec une mère obligée de déménager avec sa fille dans un immeuble rassurant, seulement aux premiers abords. Ring sera également pris dans les mailles du cinéma hollywoodien pour des remakes de qualité moindre.

 

Takashi Shimizu et son inoubliable Ju-on

Sorti en 2002 en France, Ju-on surfe sur la tendance du renouveau du "J-horror" et offre aux amateurs de films d'épouvante une expérience traumatisante. Comme pour son homologue de terreur, Ring, le film de Takashi Shimizu place l'horreur dans des situations réalistes auxquelles tout le monde peut s'identifier. La peur naît plus facilement lorsque les repères sont connus des spectateurs, évitant de créer une distance trop importante, résultant d'un univers plus fantastique et imagé. Découpé en sept chapitres, le film raconte l'histoire de plusieurs personnages qui feront l'amère expérience d'apparitions angoissantes.

Avec un budget peu élevé, le cinéaste japonais a réussi à réaliser un film à l'ambiance authentique et à l'effroi très bien mis en scène. Sans son lot d'effets spéciaux à l'américaine et sans un abus constant des jump scare (ndlr principe de mise en scène intégré dans un plan pour effrayer brutalement) dont raffolent, encore une fois, les studios hollywoodiens, Ju-on prend son temps et distille une ambiance lancinante qui entraîne le malaise du spectateur, seul sur son fauteuil. Et c'est bien là la force de cette nouvelle vague du cinéma d'horreur nippon : pouvoir offrir une expérience sensorielle et émotionnelle de qualité au public, tout en évitant la pression des studios et des producteurs qui, sans enfoncer des portes ouvertes, a tendance à malmener le final cut des réalisateurs de genre. Takashi Shimizu ne résistera pas à la sirène du cinéma hollywoodien et réalisera, lui-même, le remake de Ju-on pour Columbia Pictures (The Grudge en 2004). L'utilisation des effets spéciaux (grâce au budget forcément plus important) et l'apparition de noms connus en haut de l'affiche dégraderont l'ambiance originelle de l'histoire et n'offriront qu'une pâle copie de l'horreur made in Japan.

 

Kiyoshi Kurosawa et son angoissant Kairo

A ne pas confondre avec Akira Kurosawa, Kiyoshi est un réalisateur nippon ayant fait ses armes dès les années 80. C'est en 1997 qu'est promu le cinéaste sur la scène internationale grâce à son chef d'œuvre, Cure. Polar très esthétique à la limite du surnaturel, ce film met en scène un jeu de piste entre un inspecteur et un jeune homme amnésique. L'esthétisme du réalisateur prend ses racines dans ce film qu'il développera ensuite dans ses autres longs métrages. Critiqué ou adulé, son style particulier, laissant place à la lenteur (ce qui n'est pas négatif dans ce sens) et à la perfection formelle du traitement des images, assure à son réalisateur une touche très reconnaissable. Les amateurs de sa filmographie y trouveront un fil directeur, mais également une certaine tristesse et solitude. La mélancolie n'est jamais loin.

Kairo sera, pour Kiyoshi Kurosawa, une nouvelle expérience dans le cinéma fantastique et horrifique. Sorti en 2001, le film raconte l'histoire d'un mystérieux site Internet qui parasite l'existence de personnes isolées, leur offrant le suicide comme seule issue. A l'instar des autres films de sa période, Kairo place son scénario dans le contexte de la société japonaise contemporaine, faisant le parallèle entre l'isolement et la menace de la mort. Avec pourtant un postulat fantastique, le film donne une vision froide et inquiétante d'une société dont la critique peut évidemment être lue entre les lignes. Considéré plus comme une œuvre intellectuelle qu'un film d'épouvante explicite, Kairo navigue pourtant dans les eaux angoissantes du cinéma de genre, offrant des apparitions fantomatiques glaçantes, mêlées à une mise en scène très réussie et très sophistiquée. L'expérience est vivement conseillée.

 

Ces films ne sont, évidemment, que la partie visible de l'iceberg et ne représentent pas l'exhaustivité des productions de genre nippones horrifiques. Mais Ring, Ju-on et Kairo ont marqué durablement les codes du renouveau du "J-horror" et sont, dans le cœur des fans, des films inoubliables aux sensations particulières. Ils ont également marqué chaque filmographie de leur réalisateur, leur apportant succès et projets cinématographiques plus importants. En ce jour où l'angoisse est célébrée, voir ou revoir ces films est une opportunité de frissonner toute la soirée, mais également de jeter un regard neuf sur le rôle de ces derniers dans l'univers du cinéma de genre à la japonaise.

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