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Émile Londonien, un trio jazz français à la découverte de l’Asie

Comme les Trois mousquetaires, ils sont quatre. Le trio jazz Émile Londonien n’oublie jamais d’associer son ingénieur du son à son travail de création qui l’a amené pour quelques dates en Thaïlande. À la Fête de la musique à Bangkok, ses grandes scènes et son public nombreux, a succédé le North Gate, le célèbre club de Chiang Mai aux dimensions plus jazz. Un éclectisme à l’image du groupe et de sa façon de vivre la musique.

Émile LondonienÉmile Londonien
Écrit par Franck STEPLER
Publié le 22 juin 2025, mis à jour le 23 juin 2025


 

Le Petit Journal : Quelle est l’histoire de votre groupe ?

Émile Londonien : On vient tous de Strasbourg. On a tous autour de trente ans. Le groupe est né d’un collectif qu’on a créé ensemble il y a dix ans. Il s’appelle Omezis, un dérivé du grec ancien qui signifie mettre ses tripes sur la table. C’est ce qu’on fait quand on monte sur scène.

Ce collectif avait notamment pour but d’organiser des événements, d’amener le jazz là ou il n’était pas. On organisait des soirées tous les mois où le jazz était présent autour d’un thème. On vient d’univers différents mais c’est là qu’on s’est vraiment connus, qu’on a artistiquement convergé, même si on a tous les trois fait le Conservatoire de Strasbourg, dans la section « jazz et musique improvisée ».

 

Émile Londonien

 

LPJ : Bon ou mauvais souvenir, le Conservatoire ?

E.L. : On avait des envies et des influences qu’on ne pouvait pas explorer. Conservatoire ramène à conservateur or on avait envie d’autre chose. Jouer tous les jours pendant trois ans, rencontrer des gens, c’est évidemment formidable mais après, on s’est presque construit en opposition. Le jazz est une musique vivante et le Conservatoire veut l’ancrer. C’est antinomique.

 

Émile Londonien, une blague entre potes qui a fait son chemin

 

LPJ : Qui a eu l’idée de votre nom, qui est fan d’Émile Parisien, jazzman aujourd’hui connu et reconnu  ?

E.L. : Pour s’amuser, on part du principe qu’il nous a volé notre nom dix ans avant. Mais l’histoire est tout autre. Quand on est allé en studio, il n’y avait pas d’ambition d’album. On avait envie de rendre hommage à la scène anglaise et on a choisi de détourner son nom, bien connu de la scène française. On n’est pas un individu, une personne et on a justement aimé l’idée de créer le nom d’un individu pour décrire un groupe. C’est une blague entre potes qui a finalement fait son chemin.

LPJ : Vous ne jouez pas exactement la même musique que l’autre Émile…

E.L. : Non, mais il a été la tête de pont d’une génération. On veut l’être à notre tour. On l’a rencontré depuis. On a joué ensemble. Il a pris notre nom comme un hommage. On l’a invité à Strasbourg. On a improvisé en studio et il a apparemment aimé ça. On a d’ailleurs créé un morceau qui s’appelle « Émile ».

 

Le jazz est une philosophie, pas une esthétique

 

LPJ : On parle parfois de votre musique comme de jazz tirant sur la house. Vous confirmez ?

E.L. : Ça fait clairement partie des influences, de ce qu’on a écouté. La house est une musique de notre génération. La musique électronique anglaise aussi. Mais on a surtout envie de dire autre chose, tout en respectant nos prédécesseurs. Rendre hommage à nos prédécesseurs c’est avancer et faire bouger les choses, comme eux l’ont fait avant nous. Le jazz est une philosophie, pas une esthétique. On peut à tout moment changer d’esthétique, en fonction de questions sociales, politiques qu’on se pose. On a également grandi avec la French touch. C’est naturel de prendre la direction que nous prenons. L’improvisation raconte l’état d’esprit du moment. Les couleurs ne sont pas les mêmes en fonction de notre vécu lointain ou immédiat. Et le public va, à son tour, y mettre ses interrogations à lui.

 

Émile Londonien

 

LPJ : Comment s’est organisé cette tournée asiatique et quelle importance revêt-elle pour vous ?

E.L. : Un tourneur nous a proposé de partir pour le Québec ou l’Asie. On a choisi l’Asie. Il y avait l’opportunité de faire sept concerts dans trois pays : la Thaïlande, les Philippines et Brunei. Mais la réponse est plus large. On prend très a cœur le développement de notre carrière. On est notre propre manager, on a monté notre label. Le territoire asiatique nous intéresse. On refuse de venir juste pour s’amuser. Il y a des accroches, des certitudes que les partenaires nous suivront. Ce projet dépasse le simple plaisir. Tu ne pars pas en tournée en Asie comme tu partirais en vacances. Cette tournée répond à une façon de voir notre projet. La scène anglaise a réussi à trouver son public. En France, on voit beaucoup les mêmes noms. Cette approche de carrière nous a marqués. On a bien développé la France. On a envie de faire les choses dans l’ordre et de développer maintenant les choses ailleurs.

 

On est à l’écoute de la salle et on improvise

 

LPJ : Jouer en Thaïlande, est-ce différent de ce que vous avez connu jusque-là ?

E.L. : Dans le jazz, on s’amuse, on improvise, donc chaque soirée est différente. En fonction des pays, le public ne réagit pas aux mêmes moments. Par exemple, puisqu’on parlait de house, ça a très bien marché à Bangkok, moins en Turquie. On est à l’écoute de la salle et on improvise e aussi en fonction d’elle.

LPJ : Vous inspirer aussi de la musique thaï, c’est possible ?

E.L. : Oui. On a joué à Bangkok avec des artistes thaï dans une jam session synonyme de rencontres, de nouveaux instruments. On a fait un échange avec des étudiants d’une université au nord de Bangkok, un peu l’équivalent d’un conservatoire. On s’est dit qu’on gardait le contact pour parler musique et faire des choses ensemble. C’est la volonté du projet. On rentrera différents mais comme on improvise toujours, plus on avance, plus on regarde derrière tout ce qu’il s’est passé et plus on est nourris pour improviser. Une soirée de muay thaï, par exemple, va changer notre état d’esprit. Mais nous ne rentrerons pas plus différents après cette tournée qu’après une autre. Ce sont les rapports humains qui font une bonne connexion, notamment sur scène. Il faut que l’écoute soit maximale, et cela peut arriver aussi bien à Strasbourg qu’à Bangkok. Et puis Internet a changé les codes. On reçoit tous la musique du monde entier tous les jours…

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