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« Mārama », un film d’horreur gothique maori de Taratoa Stappard

"Mārama", film d’horreur gothique maori qui se déroule dans l’Angleterre victorienne, raconte l’histoire d’une jeune femme maorie qui, ironiquement, se réapproprie sa culture à l’autre bout du monde. La rédaction a eu le privilège de rencontrer son réalisateur Taratoa Stappard dans le cadre d’une interview accordée au Petit Journal Stockholm.

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Rencontre avec le réalisateur Taratoa Stappard, lors du festival du film international de Stockholm 2025. © Fabienne Roy
Écrit par Carla-Rose Biausque
Publié le 12 novembre 2025, mis à jour le 15 novembre 2025

 

La culture maorie mise à l’honneur

Plongez dans la culture maorie au travers du tout premier film d’horreur gothique maori de Taratoa Stappard. Mārama est un hommage à la Nouvelle-Zélande. Directement inspiré par sa mère, le réalisateur évoque un lien particulier avec la culture maorie entretenu notamment par les histoires qu’elle lui racontait, comme celles des tūpuna, les ancêtres féminines. Ayant vécu la majeure partie de sa vie à l’extérieur de la Nouvelle-Zélande – il n’y a vécu que les trois premières années de sa vie – il affirme vouloir « raconter une histoire maorie à l’extérieur ». Au fil d’une discussion avec un de ses cousins venu lui rendre visite à Londres, il se sent « gêné et un peu honteux de réaliser à quel point [il] en savait peu » sur la culture maorie en découvrant qu’ils avaient toujours été des explorateurs. Il décide donc de conter l’histoire d’une Maorie colonisée qui retourne chez les colonisateurs, une « histoire de ré-appropriation, mais aussi de revanche, de réparation ».

« Il existe de magnifiques films maoris, mais la plupart se déroulent en Nouvelle-Zélande. Or, je n’ai pas d’expérience vécue là-bas. Je me suis donc demandé : Comment raconter une histoire maorie à l’extérieur ? »

Naturellement, Mārama s’inspire de la culture maorie. Taratoa Stoppard évoque ainsi les baleiniers, métier exercé par le personnage de Sir Nathaniel Coll. La baleine reste un animal sacré pour les Maoris. Le réalisateur parle à la fois « d’une ressource précieuse et une profanation », ces contradictions nourrissant son scénario. Il insiste également sur l’obsession de Sir Nathaniel Coll pour la possession de têtes humaines. Il nous explique que les Maoris avaient pour tradition de préserver les têtes de chefs, prêtres, guerriers ou membres importants d’une tribu après leur mort. Avec la colonisation, elles sont devenues l’objet d’un commerce horrible, les Européens souhaitant s’approprier ces taonga (trésors).

 

La recherche de l’authenticité

Taratoa Stappard insiste sur sa volonté d’écrire une histoire crédible et respectueuse de la culture, considérant que garantir l’authenticité est absolument essentiel. Il a donc été accompagné par des linguistes, des historiens et même une matakite (voyante) durant l'écriture du scénario. Pendant le tournage, deux consultants étaient également présents de façon permanente pour la langue et pour accompagner Ariāna, l’actrice principale, notamment dans sa préparation du haka.

« C’est l’une de mes scènes préférées du film. Je l’avais écrite comme un moment pivot. »

Le réalisateur décrit une scène des plus importantes. Il insiste sur le rôle joué par la conseillère dans sa réalisation. L’actrice, qui est danseuse, joue un haka spécialement composé pour le film. Malgré une première prise que le réalisateur trouve magnifique, elle en rejoue une seconde après un brève dialogue avec la conseillère. Taratoa Stappard nous confie que cet échange a porté sur un détail bien précis : Ariāna a usé de sa robe comme une arme pendant le haka, rendant le moment bouleversant par son intensité.

Cette authenticité se ressent également grâce à la personnalité d’Ariāna Osborne. Fille d’un célèbre joueur des All Blacks, elle a elle-même pratiqué le rugby à haut niveau avant de se consacrer pleinement à la danse et au cinéma. Taratoa Stappard la décrit avec ces mots : « Elle dégageait quelque chose de rare : une force tranquille, une présence simple, sans effort. C’est son premier film, mais elle avait cette confiance naturelle. ». 

 

Un film d’horreur gothique

Alors que le réalisateur néo-zélandais pensait dans un premier temps écrire un drame, Mārama est finalement un film d’horreur gothique. D'une part, Taratoa Stappard, en faisant des recherches sur le contexte historique de l’histoire qu’il veut raconter – celle de la colonisation de la Nouvelle-Zélande – se rend compte qu’il s’agit, en soi, d’une histoire d’horreur. D'autre part, il évoque un moment particulier qui explique que son drame soit devenu un film d’horreur : il se dit avoir été bouleversé par la photo aussi célèbre que choquante de l’officier britannique Horatio Gordon Robley assis dans un salon victorien à Londres, souriant à la caméra, entouré de trente têtes maories conservées qu’il avait collectionnées.

« À la question « quelles sont vos comparaisons ? », je répondais : "Get Out rencontre Lady Macbeth [The Young Lady]" »

Mārama n’est pas seulement un film d’horreur gothique. C’est un film maori, le mélange des genres étant important pour son réalisateur : « Comme je n’avais jamais vu de film d’horreur gothique maori, je me suis dit : « C’est parfait, personne ne pourra me dire qu’on en a déjà trois comme ça. » ». Pour le caractériser, le réalisateur évoque une rencontre entre Get Out et Lady Macbeth.

 

Mārama a voyagé à travers le monde : présenté au prestigieux Festival de Toronto, il est également passé par les États-Unis, le Imagine Film Festival d’Amsterdam où il a remporté le Sea Devil Award du Meilleur film international, avant d’être présenté dans le cadre du Stockholm Film Festival. En février, se tiendra la grande première en Nouvelle-Zélande, représentant un moment important pour le réalisateur qui présente le film au « vrai public maori ». 

 

Interview: Fabienne Roy

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