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SOCIETE - La conduite en Suède : A droite, toute !

dagen H - Jan Collsiöö dagen H - Jan Collsiöö
dagen H - Jan Collsiöö
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Publié le 12 septembre 2017, mis à jour le 12 septembre 2017

Imaginez que l’on vous impose un beau jour de changer l’une de vos habitudes les plus ancrées dans votre quotidien. Imaginez que l’on vous demande de conduire “du mauvais côté de la route”. Du jour au lendemain, vous devez conduire à droite au lieu de rester bien sagement sur la voie de gauche, comme vous avez toujours appris à le faire. Incroyable, non ? C’est pourtant ce qui s’est passé en Suède, il y a tout juste 50 ans !

Entre les deux, mon volant balance

Avant 1967, en Suède, on conduisait à gauche. Mais ça n’a pas toujours été le cas. La première réglementation de conduite en 1718 instaure la conduite à droite. Pour une courte durée, car en 1734, le pays met au goût du jour la conduite à gauche. Plus de deux siècles passent avant que l’interrogation ne se pose à nouveau. Droite ? Gauche ? Entre 1934 et 1953, la question est débattue au parlement pas moins de 7 fois !

Le référendum dramatique de 1955

En 1955, lors d’un référendum, les partisans de la conduite à gauche l’emportent haut la main, à 82,9% contre 15,5%. Mais le Premier ministre suédois de l‘époque, Tage Erlander, décide que la voix du peuple par référendum n’a qu’un rôle consultatif. Quelques années plus tard, en 1963, les deux chambres parlementaires votent pour un retour à la circulation à droite, l’Högertrafik, la conduite à droite.

Raisons, moyens et conséquences

Ce changement a lieu en grande partie en raison du souhait suédois de s’adapter à la réglementation européenne par laquelle la conduite à droite est majoritairement implantée. Les deux voisins directs de la Suède, Norvège et Finlande, conduisent eux aussi à droite. Ce choix découle également du fait que, dans les années 60, la plupart des voitures importées en Suède ont le volant à gauche ce qui rend la conduite à gauche dangereuse. Avec de tels véhicules, il est plus sûr de conduire à droite afin d’avoir une bonne visibilité sur le milieu de la chaussée et aux carrefours. Grâce à la conversion suédoise, la conduite se fait dorénavant du même côté dans l'ensemble de l'Europe continentale.

Entre 1963 et 1967, une campagne de sensibilisation prépare les Suédois au grand changement. Des autocollants “H” (pour Högertrafik) sont apposés un peu partout. A la télé, à la radio, on parle du Dagen H, le jour du changement. On fredonne la chanson "Håll dig till höger, Svensson" sensée rappeler l’échéance à tous. Le paysage automobile se transforme peu à peu. Les panneaux et arrêts de bus sont déplacés à droite, les marques jaunes sur la chaussée laissent place à de nouvelles marques de couleur blanche. Si la grande majorité des véhicules circulant dans le pays ont déjà un volant à gauche, les tramways disparaissent au profit de nouveaux bus avec une entrée sur le côté droit.

 

Un grand moment de la petite histoire

Voitures, bus, motos, même les vélos sont concernés ! Tout le monde passe à droite le 3 septembre 1967. Le trafic routier sur l’ensemble du pays est arrêté à 04h50 du matin, un peu plus tôt dans les grandes villes. Les véhicules se rabattent alors sur la voie de droite. Á 05h00, la radio du Parlement informe que la circulation se fait dorénavant à droite. Les usagers commencent à se déplacer à nouveau, d’abord les véhicules autorisés, transports en commun, taxis, etc… puis tout le monde s’y met. La vitesse est d’abord limitée à 30 km/heure pendant plusieurs heures après la conversion. Les services de police et les militaires sont largement mobilisés dans les rues pour encadrer la manoeuvre en douceur. La semaine suivante, des gardiens de circulation se trouvent aux croisements et intersections pour aider la population à suivre les nouvelles règles. Étonnamment, aucun accident mortel n'est attribué à cette conversion !

Sécurité routière et Nollvisionen

En 1967, le Parlement estime que la conversion devrait coûter au total 600 millions de couronnes. Elle est financée par les propriétaires de voitures au travers d’une taxe spéciale de 1967 à 1970. Aujourd'hui, bien sûr, le coût d'une telle procédure serait encore plus énorme compte tenu de la densité du trafic. La plupart des experts conviennent à dire que c'était une sage décision, financière et sécuritaire. Grâce à cet épisode de la petite histoire suédoise, le pays est devenu précurseur en matière de recherche et de développement pour la sécurité routière. D’ailleurs, l’objectif de la politique de sécurité routière suédoise Nollvisionen, selon laquelle personne ne devrait être tué ou blessé gravement dans le trafic routier, fête ses 20 ans en 2017. En 2016, d’après Trafikanalys, 270 personnes perdaient la vie dans des accidents de la route en Suède. Elle reste le pays au monde où les routes sont les sûres avec 2,8 morts pour 100.000 habitants par an à comparer à 5,1 morts en France, et 10,6 morts aux Etats-Unis (sources : Global Status Report On Road Safety 2015, WHO).

 

Anne Donguy (lepetitjournal.com/stockholm), 4 septembre 2017

 

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