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JACQUES LAPOUGE – Interview exclusive

JACQUES LAPOUGEJACQUES LAPOUGE
Ambassade de France en Suède 
Écrit par
Publié le 3 janvier 2016, mis à jour le 6 février 2019

En ce début d'année 2016, lepetitjournal.com/stockholm a souhaité donner la parole à l'Ambassadeur de France en Suède pour qu'il évoque sa première année de mandat et les principaux enjeux de la diplomatie française en Suède. Rencontre.

 

 

Lepetitjournal.com/stockholm : M. Jacques Lapouge, vous êtes Ambassadeur de France en Suède depuis un peu plus d'un an. Quel regard portez-vous sur ce pays et sur nos relations bilatérales ?

Jacques Lapouge : Les échanges ont été très riches ces deux dernières années, et ce dans de nombreux domaines. Sur le plan politique, le Roi de Suède s'est rendu en France en décembre 2014 dans le cadre d'une visite d'État, et notre Premier ministre Manuel Valls est venu en Suède en septembre dernier. En ce qui concerne les affaires, nous avons récemment fêté le 100ème anniversaire de la Chambre de commerce suédoise en France, avec de nombreux évènements et festivités qui ont réuni des hommes d'affaires suédois et français. Beaucoup de chefs d'entreprise suédois se sont rendus en France dans ce contexte, ce qui m'a permis de découvrir leur attachement particulier à la France. 100 000 Français travaillent pour des entreprises suédoises et 40 000 Suédois travaillent pour des entreprises françaises ! Enfin, sur le plan culturel, n'oublions pas que la France a remporté 2 prix Nobel l'an dernier !

Je tiens aussi à souligner que tant les autorités suédoises que la population ont manifesté une grande solidarité à la suite des attentats de Paris. Nous avons reçu énormément de messages de soutien, et l'entrée de l'Ambassade a été couverte de fleurs et de bougies. Nos amis suédois connaissent bien notre pays, soit parce qu'ils y passent leurs vacances, soit parce qu'ils s'intéressent à notre culture. Gustav III était déjà, au XVIIIe siècle, un grand admirateur de la culture française. Les Suédois ont aussi un jugement positif sur la France au niveau économique, sur la qualité de formation des travailleurs français et sur la compétitivité de notre pays.

Côté français, il y a toujours eu un grand intérêt pour le modèle social suédois. La Suède incarne une certaine modernité dans l'innovation avec des entreprises comme Spotify, Ericsson, Skype... C'est un pays à la pointe dans ce domaine, et des romans comme Millenium contribuent à diffuser cette image. N'oublions pas non plus aussi le design et le domaine musical. C'est un pays qui intéresse beaucoup en France, je le constate tous les jours dans mon travail.

Un dernier mot bien entendu sur la COP 21. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la France et la Suède travaillent ensemble et poursuivent les mêmes objectifs. Comme vous le savez, cette Conférence a été un véritable succès pour la diplomatie française, avec la conclusion d'un accord de portée universelle qui fixe notamment des engagements stricts de limitation de l'augmentation des températures. Sachant que la Suède conduit elle-même une politique exemplaire en la matière, les autorités suédoises ont réagi très positivement à cet évènement de portée mondiale.

A l'automne dernier, l'Ambassadeur de France à Stockholm, Monsieur Jacques Lapouge, s'est vu remettre les clefs d'un véhicule 100% électrique nommé Zoé. Plus d'informations ici.

LPJ Stockholm : Quelles sont vos grandes priorités pour l'année à venir ?

JL : La première priorité est économique :on peut faire mieux en termes d'exportations et de présence française en Suède mais aussi sur l'ensemble du marché nordique. Les pays nordiques représentent 25 millions d'habitants avec un PIB par tête qui est supérieur à celui de la France. Ce sont des marchés riches où les entreprises françaises sont certes présentes, mais où elles pourraient l'être encore plus, en termes de consommation, mais aussi d'infrastructures et de logements. Ces derniers points représentent les grandes priorités des autorités suédoises pour les années à venir : la Suède a un grand projet de TGV, les infrastructures rail/route se développent, le manque de logements est un vrai défi, il y a donc de la place pour une présence accrue de nos entreprises.

La deuxième priorité est la lutte contre le terrorisme, et le traitement de la question des réfugiés,en prenant garde de ne pas confondre les deux. S'agissant de la lutte contre Daesh, la Suède a décidé en décembre dernier d'une aide significative, qui témoigne de sa solidarité avec la France sur ce front. Nous renforçons également notre coopération dans le domaine de la prévention du terrorisme, en échangeant nos expériences : Mona Sahlin, coordinatrice en Suède sur ces questions, devrait se rendre en France en 2016. Quant aux réfugiés,nous coopérons dans le cadre des enceintes européennes, à la fois pour défendre des principes d'humanité sur le droit d'asile, de solidarité (partage de l'effort), mais aussi de responsabilité pour le contrôle aux frontières.

La troisième priorité porte sur l'agenda social européen :les Suédois considèrent comme nous qu'il est important que tous les travailleurs en Europe bénéficient du marché européen, sans dumping social entre les États. Enfin, la culture :la France sera l'invitée officielle du festival culturel de Stockholm en août 2016 : une belle occasion de donner une grande visibilité à notre pays. Nous essayons aussi de développer les échanges entre étudiants avec la récente ouverture d'un forum virtuel entre une sélection de grandes écoles et universités françaises et des étudiants des pays nordiques, qui peuvent ainsi s'informer via internet sur les possibilités d'études supérieures en France.

Lepetitjournal.com/stockholm : Quelle est la place de la communauté française en Suède ?

JL : La communauté française va bien et il me semble que les Français sont heureux en Suède ! On dénombre aujourd'hui 7000 personnes immatriculées et environ 2500 non-inscrits, avec une croissance d'un quart des effectifs entre 2010 et 2012. Une grande proportion de cette population est active et a entre 20 et 60 ans. Cette population est bien intégrée puisqu'il y a beaucoup de couples mixtes ; 60% des expatriés français sont installés ici depuis plus de 5 ans... Cette présence française est facilitée par le Lycée Français Saint Louis qui a d'excellents résultats et des frais de scolarité peu élevés grâce à l'aide des autorités suédoises.

C'est une communauté solidaire, qui a répondu présente lors du rassemblement suite aux attentats. C'est aussi une communauté qui vote davantage que les autres communautés françaises à l'étranger. Les choses vont donc bien, je le répète.

Lepetitjournal.com/stockholm : Quels messages avez-vous pour nos compatriotes ?

JL : Vous avez la chance de vivre dans un pays magnifique et vous pouvez toujours vous investir encore plus dans l'associatif au service des relations entre la France et la Suède, dans l'une des 17 alliances françaises du pays par exemple.

Sachez également qu'au plan sécuritaire, la police suédoise est mobilisée suite aux attentats de Paris, il faut leur faire confiance. Enfin, continuez de vous mobiliser : comme vous le savez, les prochaines élections présidentielles auront lieu en 2017; je vous encourage à vous inscrire sur les listes électorales et à vous immatriculer. Nous élirons également nos nouveaux députés des Français de l'étranger l'an prochain.

Et, bien sûr, l'Ambassade, le Consulat et nos cinq consuls honoraires en province sont à votre service.

Lepetitjournal.com/stockholm : Pour vous, la Suède en 5 mots ou images, ce serait?

JL : Civilisé. Diplomatie des Droits de l'Homme, du climat et de l'aide au développement. Le trio Bruno Mathsson (designer), Kurt Wallander (personnage de roman) et Annika Sörenstam (l'une des plus grandes joueuses de golf de l'histoire). Un pique-nique l'été dans l'archipel de Stockholm. Et enfin, les cérémonies de Santa Lucia, toujours très émouvantes.

Delphine MIQUEL DUTHILLEUL lepetitjournal.com/stockholm Lundi 4 janvier 2016

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