Le "catfishing", procédé qui consiste à monter une fausse identité sur Internet dans le but d'entretenir une relation amoureuse à distance, fait de nombreuses victimes, touchées sentimentalement et parfois aussi financièrement. Le phénomène est le sujet d'un film et d'une série de documentaires à succès
Un commentaire sur un forum où l'on exagère, une photo peu avantageuse dont l'on se "détag" sur Facebook, ou encore une description arrangée pour draguer virtuellement sur Caramail : qui n'a jamais trompé son monde sur Internet ? Mais parfois les mensonges en ligne ont des conséquences dramatiques. Un joueur universitaire de football américain, qui était considéré comme la future star de son sport, a revu sérieusement ses ambitions à la baisse depuis qu'il a été victime d'une grosse supercherie sur Internet. Manti Te'o, 1m85 pour 109 kilos, s'est laissé berner par un Internaute se faisant passer via les réseaux sociaux pour une femme, avec qui le colosse pensait entretenir une relation amoureuse, bien que virtuelle. Le menteur, une connaissance de la famille du sportif, a poussé le vice jusqu'à annoncer sa mort - toujours virtuelle - après une leucémie, le même jour que le décès de la grand-mère de Manti Te'o (Photo Mike Ehrmann/Getty Images/AFP/Archives). L'histoire aurait pu en rester là si le champion n'en avait pas parler aux médias américains qui, friands de ce genre d'histoire, ont loué l'état d'esprit du footballeur lorsque ce dernier a décidé de jouer les rencontres du championnat universitaire américain qui ont suivi le "double drame". Début 2013, des journalistes ont fini par découvrir le pot aux roses, et Manti Te'o est devenu la risée des réseaux sociaux. Si bien que sa cote de joueur est tombée en flèche. Alors qu'il était pressenti pour être choisi en première position de la draft annuelle (le moment où les équipes professionnelles choisissent les meilleurs joueurs universitaires), l'homme originaire d'Hawaii n'a été pris qu'en 38e position cette semaine. Cette annonce surprise, due selon les experts au canular dont il a été victime et qui montrerait chez lui des signes de faiblesses, aura coûté à Manti Te'o plusieurs millions de dollars de contrat.
Entre la vie cybernétique et la réalité, il y a parfois un fossé
Catfish, le doc qui donna son nom au phénomène
L'une des victimes de ces fausses relations "on line" a tourné un documentaire sur sa propre histoire, un film sorti en 2010 aux Etats-Unis et nommé Catfish. Nev Schulman, photographe new-yorkais de 24 ans au moment des faits, est contacté au début du documentaire par ce qu'il pense être une petite fille de 8 ans, nommée Abby. Cette dernière admire une photo du jeune homme publiée dans un journal et lui envoie ce qui est censé être des tableaux qu'elle a peints. De là se noue une relation artistique et d'amitié entre Nev et Abby, puis une relation amoureuse à distance avec Megan, la "demi-s?ur d'Abby". Les photos représentant Megan sont en fait celle d'un mannequin, et elles sont envoyées par Angela, mère d'Abby et véritable dessinatrice des tableaux. Nev Schulman, qui s'interroge sur l'identité de sa petite amie virtuelle après plusieurs mois de conversations téléphoniques et informatiques, découvre la vérité, la caméra au poing, en allant dans le Michigan pour rendre une visite surprise à sa dulcinée. Là-bas, pas de traces de Megan, mais Nev y trouve Angela, qui lui présente son mari, ainsi qu'Abby, fille de 8 ans mais incapable de peindre, et ses deux beaux-fils handicapés. Angela avouera qu'elle a monté de toute pièce le personnage de Megan et que cette relation virtuelle était pour elle un bol d'air qui lui permettait de s'échapper de son quotidien morose.
"Dans la vie, des Catfish ne cessent de nous chasser et nous font rester sur nos gardes"
Le nom du documentaire a été trouvé par Nev Schulman après une conversation avec Vince, le mari d'Angela qui a décrit sa femme comme un "Catfish", un poisson-chat. "Vince m'avait raconté une histoire à propos d'un pêcheur qui lui avait expliqué que des morues attrapées en Alaska et voyageant vers la Chine pour être vendues étaient gardées vivantes durant le trajet dans les cuves de gros navires, a expliqué l'auteur du documentaire dans une interview télévisée. Mais à la fin du voyage, la morue, ennuyée par la longueur du voyage, aurait vu ses muscles et sa chair devenir fades et insipides. Alors quelqu'un a eu une idée : mettons des poissons-chat dans ces cuves. Ils vont chasser ces morues parce qu'ils sont des prédateurs, et il les garderont agiles et en mouvement. Les morues resteront fraîches et savoureuses. Dans la vie, il y a des gens qui sont des Catfish. Ils ne cessent de nous chasser et nous font rester sur nos gardes".
66.000 dollars transférés à un escroc
Ces prédateurs, qu'ils soient des personnes souhaitant s'échapper par instants de leur mal-être ou qu'ils soient tout simplement des êtres mal intentionnés, font des victimes, allant du c?ur brisé au compte bancaire vidé. Ainsi, un Anglais a transféré plus de 66.000 dollars à un Américain qu'il pensait être sa petite amie qui lui demandait de l'argent pour jouer dans un film en Afrique, rapportait le quotidien régional américain The Morning Call en 2011. Suite au succès de son film, Nev Schulman, a tourné une série de mini-documentaires, dont la première saison s'est achevée en février sur MTV. Les 11 premiers épisodes ont relaté des canulars informatiques du même genre que celui vécu par Nev. Lors du dernier épisode, les victimes sont venues témoigner, répondre aux questions des spectateurs et Internautes mais aussi donner des conseils.
Pour éviter d'être "catfished"
Il est acquis que les "fausses célibataires" utilisent souvent la profession de modèle dans leur profil pour attirer les hommes. Un profil Facebook qui compte peu d'amis et dont les photos ne comportent que peu de "tag" est également suspicieux. Une ruse souvent employée par ces "Catfish" est de dire qu'il y a un décès ou un malade très grave au sein de leur famille et qu'ils seront contents de vous rencontrer de visu plus tard, lorsque tout cela ira mieux. Enfin, le plus sûr est de demander à sa petite amie d'allumer sa webcam. Des excuses tels que "je ne sais pas comment la brancher" ou "je ne veux pas en acheter", ne présagent rien de bon. Et surtout pas un futur mariage.
Yann Fernandez (www.lepetitjournal.com) jeudi 9 mai 2013
RESEAUX SOCIAUX – Quand la supercherie va trop loin
Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 30 mai 2013
Publié le 8 mai 2013, mis à jour le 30 mai 2013