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Thyda HAUSHEER – "Je dois mon intégration à l’école de la République"

Thyda HausheerThyda Hausheer
@Sébastien Niess
Écrit par Laurence Huret
Publié le 6 février 2020, mis à jour le 18 février 2024

Il y a un groupe dont on entend de plus en plus souvent parler à Singapour : les Français d’origine asiatique, appelés communément les « bananes » qui se regroupent au sein de l’Association des Francophones Asiatiques à Singapour (AFAS) créée il y a deux ans. Rencontre avec l’une des organisatrices, Thyda Hausheer, Française d’origine asiatique vivant à Singapour

 

Vous êtes Française, d’origine chinoise et cambodgienne, quel a été votre parcours ?

Née au Cambodge, j’ai fui la guerre avec ma famille et nous sommes arrivés en France en T-shirt en plein hiver. J’avais 6 ans et je ne parlais pas un mot de français. Mon intégration, c’est à l’école de la République que je la dois : de la ZEP au lycée Condorcet ; d’un double DEUG à Paris-Nanterre à une Maitrise à Paris-Dauphine ; d’une prépa ENS Cachan à Telecom Business School. Je suis ensuite partie terminer mes études par un MBA au Canada.

Je me suis toujours intéressée à la gestion des organisations et à leur bon fonctionnement. J’ai commencé ma carrière en tant que contrôleuse de gestion et manager des systèmes d’information à la Société Générale à Paris, Londres, New York, puis de retour à Paris. J’ai ensuite fait du Conseil chez PwC pendant 4 ans avant d’honorer un pacte avec mon mari : partir à l’étranger tous les deux. C’est ainsi que nous sommes arrivés à Singapour il y a presque 8 ans, avec un bébé d’un an dans les valises. J’ai rejoint Standard Chartered Bank en tant que chef de projet et conduite du changement, puis différents postes dans des programmes de transformation digitaux et stratégiques, avant d’intégrer l’année dernière le cabinet de conseil Accenture.

 

francophonie

 

Comment arrivez-vous à concilier votre vie professionnelle bien chargée, votre vie familiale avec votre époux et vos trois enfants, et vos engagements associatifs ?

J’essaye de concilier vie familiale et vie professionnelle autant que faire se peut. Alors le matin, dans ma valisette, il y a : mon PC, ma veste et mon sac d’allaitement ! Il n’y a pas d’équilibre parfait : c’est une lutte constante pour tout faire rentrer dans les 24 heures chaque jour ! Les weekends sont réservés à ma famille.

Du fait de mon histoire, il est important pour moi de participer au développement des relations entre la France et l’Asie, en particulier à travers la promotion de la culture française, la francophonie (pour laquelle j’ai été maître de cérémonie à l’Alliance Française en 2015) et l’usage d’autres langues asiatiques, en particulier le khmer et un peu le mandarin, tout en essayant de vivre cette double culture. Par le passé, on a voulu me « mettre dans une case » en me demandant de choisir si j’étais « française, chinoise ou cambodgienne ». Aujourd’hui, je choisis d’embrasser toutes mes origines passées et présentes et d’être enrichies de tous ces apports.

Alors que les défis de développement dans la région sont importants, j’essaie d’apporter ma petite pierre à l’édifice sur mon temps personnel pour soutenir les enfants défavorisés au Cambodge via l’association Krousar Thmey qui aide les enfants aveugles ou sourds à se reconstruire un avenir à travers l’éducation et la formation. Et je co-anime également l’Association des Francophones d’origine Asiatique à Singapour, où nous essayons de nous réunir tous les mois sur des thèmes qui nous rassemblent.

 

AFAS

 

Justement, pouvez-vous nous parler un peu plus de l’Association des Francophones Asiatiques à Singapour (AFAS) ?

C’est un groupe professionnel d'entraide et de solidarité pour des Français d’origine asiatique présidé par Angeline Douant, qui m'a été présenté par un ami en commun (merci Michel !), regroupant plus de 300 membres sur le groupe Facebook. Ce qui en fait la particularité, c’est l’aspect biculturel que nous avons avec l'Asie (Chine, Japon, Corée, Taiwan, Cambodge, Laos, Vietnam...) et la France, notre terre d'accueil.

Pour resituer le contexte de cette association, il y a eu en France plusieurs vagues migratoires asiatiques qui remontent à une centaine d’années. La première datait de la première guerre mondiale, au cours de laquelle la France avait fait venir des travailleurs de Chine qui ont été pour la plupart rapatriés ensuite. La deuxième vague était plutôt liée à notre histoire coloniale, notamment lorsque l’Indochine est passée sous protectorat français. Dans les années 1970-1980, un grand nombre de réfugiés politiques, fuyant les tumultes comme les Khmers Rouges au Cambodge, la chute de Saïgon au Vietnam, ou encore la Révolution culturelle en Chine, se sont rendus en France en quête d’asile.

Aujourd’hui, les descendants de deuxième génération se questionnent, se cherchent une identité et veulent en discuter avec d’autres semblables. On les appelle plus familièrement les « bananes ». Ils se retrouvent à partager un facies, des traditions communes, c’est ce qui fait l’enveloppe de la banane. Mais aussi à partager une éducation, une langue et une culture française par l’école, c’est ce qui fait le cœur de la banane.

Il y a également une présence montante de cette mixité culturelle dans les arts et les media francophones comme les films « Win-Win » de Claudio Tonetti ou « Made in China » de Julien Abraham.

 

Quels types d’évènements organisez-vous ?

Nous avons fêté le nouvel an khmer dans la Résidence de l’Ambassadeur du Cambodge à Singapour. Pour le nouvel an chinois, nous nous sommes retrouvés en Qi Bao (robe traditionnelle chinoise) pour manger un steak frites dans un restaurant français (Braseiro). C’était un franc succès ! Le nouvel an chinois étant une fête familiale, il y avait ce besoin de le fêter ensemble, avec une sorte de famille reconstituée. Je suis également intervenue devant les membres de l’Association lors de différentes conférences : « La résidence permanente à Singapour », « L’assurance médicale à Singapour », « Quels régimes éducatifs choisir pour nos enfants ? ».

De façon générale, nous nous retrouvons très régulièrement autour de sujets qui nous intéressent, pour partager conseils et bons plans, mais aussi autour de la culture et de l’art culinaire françaises et asiatiques.

 

- Pour rejoindre l’Association des Francophones Asiatiques à Singapour (AFAS), cliquez sur le lien Facebook 

Laurence Huret
Publié le 6 février 2020, mis à jour le 18 février 2024

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