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ROMAIN COUSOT, SOMMELIER CHEZ ANDRÉ, HOMME LIBRE ET ENGAGÉ.

Romain Cousot UneRomain Cousot Une
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 2 février 2018, mis à jour le 2 février 2018

Il n’a pas 35 ans, mais a déjà pas mal roulé sa bosse de par le monde : Monaco, Paris (Plazza Athénée, Pierre Gagnaire), Danemark (Noma : 2 étoiles ultra créatives), Australie, Tasmanie, Singapour… Originaire d’un village reculé dans l’arrière-pays niçois, Romain Cousot se préparait à une “prépa scientifique”, comme tous les bons en maths. Il songeait  à devenir vétérinaire… Mais un petit “boulot” de weekend pour gagner de l’argent de poche dans une pizzeria à Menton, a révélé sa voie dans la restauration. 

Rencontre avec un jeune homme fidèle à ses convictions militantes  de respect de Mère Nature, pour une communauté plus harmonieuse et épanouie.

 

Comment le véto en herbe s’est-il retrouvé pizzaiolo?

Romain Cousot : Pour gagner quelques sous, j’avais dégoté un petit boulot de commis en cuisine dans une pizzeria à menton. C’est simple et génial : j’ai immédiatement connecté avec l’univers de la restauration, du service. On CRÉE ou recrée tous les jours. Le matin, il n’y a rien. Le jour, on met en place, on fait, on transforme, on cuit, on sert, on nettoie… Le soir, il n y a plus rien mais tout est prêt pour relancer la création le lendemain. C’est la vraie vie, le concret.

 

D’aide pizzaiolo à sommelier-manager chez André à Singapour, il y a eu quelques étapes cruciales, sans doute?

Evidemment. Du coup, changement de cap. Ma mère exige que j’aie “une éducation” et m’inscrit à l’école hôtelière de Nice. J’y passe 3 ans assez péniblement… Je m’y ennuie. Je préfère être en stage. Negresco à Nice, Café de Paris à Monaco, en salle essentiellement. Puis les grands noms : Plazza Athénée, Pierre Gagnaire à Paris. Toujours en salle, avec quelques incursions et remplacements en cuisine.

 

Vous avez rapidement fui ces “grands noms”. Pourquoi?

Parce qu’il ne gravitent que dans un univers de gens riches. Très riches, et qui le montrent. Je n’ai rien contre eux, mais je ne me reconnais pas là-dedans. Merci pour l’expérience. J’y ai appris la sophistication inégalable du service 3* à la française et découvert le génie bouillonnant d’un Gagnaire, genre de Professeur Tournesol de la gastronomie, en ébullition créative constante. Mais je n’aspire pas à “faire carrière” dans ce monde.

 

Romain Cousot André Singapore
Un séjour fructueux au Danemark chez l’hyper créatif NOMA, créé et tenu par l’excellent René Redzetti, français d’origine macédonienne, s’est révélé rafraichissant. Pourquoi?

Ha ha… Rafraichissant oui! A tous les points de vue. En cuisine comme à l’extérieur. La clientèle là-bas, est étonnante. Comme c’est le seul étoilé du “grand Nord”, les clients sont de vrais gourmets amateurs. Ils ne viennent que parce que c’est un peu “l’elBulli” régional! Pas pour se montrer, ni par snobisme. Tout dans la conception, la présentation, la philosophie du menu et du service intègre la Terre, l’ingrédient nu, la Nature. De plus, les Danois ont un rapport très sain à la Nature et à l’écologie. J’y ai été fort sensible.

 

C'est cela qui vous a donné le goût d’une vie plus calme, plus ancrée dans la terre lorsque vous êtes parti en Australie, puis en Tasmanie ?

Absolument. Ce fut la révélation “en live” de l’agriculture biologique. J’ai rejoint le premier restaurant 100% bio : Garagistes, créé par Luc Burgess. J’étais sommelier. C’était en 2014. J’ai tout appris sur ce qui me passionne aujourd’hui : les vins naturels. Ils forment presque l’intégralité de la cave de chez André.

 

Alors… parlez-nous des vins naturels, bios, biodymaniques… Quelles sont les différences?

Les vins NATURELS ne comportent aucun additif. Ni sur le raisin (pesticides), ni dans le procédé de vinification (sulfites notamment). Et font zéro marketing. Il s’agit de producteurs minuscules, confidentiels. Des agriculteurs au sens noble du terme. Leur production est soumise à tous les aléas climatiques et n’est jamais ni garantie, ni même d’une qualité constante. Je les soutiens à fond. C’est un engagement philosophique et le respect d’une valeur fondamentale pour moi : laisser la nature tranquille et la prendre telle qu’elle est, dans sa magie et ses caprices.

Les vins BIOS sont issus d’une agriculture certifiée biologique qui exclut les produits chimiques de synthèse concernant le traitement de la vigne et du sol. En revanche, il n y a pas de spécification concernant la vinification.

Les vins BIODYNAMIQUES sont produits avec du raisin bio (sans pesticides), sur une terre travaillée, vitalisée à la main (pas de machine-outil), mais peuvent contenir un peu de sulfites ajoutés au cours de la vinification (maximum 50ppm par bouteille : dose homéopathique).  C’est tout de même 4 fois moins que les vins conventionnels! Nos vins AOC en France, entrent dans cette catégorie.

 

Mais… sans sulfites, les vins ne peuvent se conserver, et donc évoluer comme certains pour exprimer leur potentiel optimal. Tous les millésimes extraordinaires contiennent des sulfites. Est-ce si grave?

Non, bien évidemment ! Rien n’est “grave”. Mais c’est un choix philosophique pour moi. J’ai un besoin viscéral de me rapprocher de la Nature, de façon la plus authentique et directe. De plus, la notion de soutenir de minuscules artisans qui essaient de survivre par passion d’une minuscule production (600 bouteilles par an… parfois moins de 200, soit moins d’1 barrique) me tient à coeur.

 

Chez André, vous avez conçu une carte des vins comme un petit livret qui raconte chaque vin. Que des vins Naturels, donc pas de grands noms ou cépages connus, rassurants….  Les clients adhèrent-ils?

 

Absolumentt ! C’est là que ma conviction et ma passion sont déterminantes. Je me fais un plaisir de leur raconter une histoire. Des histoires. Ils jouent le jeu. Je leur garantis qu’il vont avoir une expérience unique et un accord sublime entre les plats et les vins. Je leur parle de la texture des vins par exemple. On préférera parfois servir un vin jaune bien nappant avec du foie gras, plutôt qu’un traditionnel vin doux….  Ici, la cuisine sort des sentiers battus, s’inscrit dans un registre innovant et ultra créatif. Les vins captent l’essence de cette originalité et en subliment la dimension. Que demander de plus?

En fait, vous savez, je m’aperçois que les gens sont ravis de se laisser guider vers la découverte de nouveaux concepts, idées et produits. Voire rassurés de trouver un accord vins le moins cher de Singapour dans notre catégorie d’établissements, sur un menu dégustation.

 

André fermera le 14 février 2018. Que devient Romain Cousot à court terme?

Il a mille idées!... et envie de prendre son temps pour les faire venir à maturité. J’ai un relationnel unique avec une kyrielle de micro-producteurs. Une idée serait pour moi, de devenir leur importateur officiel sur Singapour, voire sur l’Asie du Sud-Est.

 

Et à plus long terme, comment vous projetez-vous à 10 ans ?

Vaste question… Mais ce que je sais, c’est que je veux : être indépendant financièrement de banques ou de partenaires financiers. Je veux avoir les coudées absolument franches ; vivre proche de la Nature, à tout moment, et dans le calme. Dans de grands espaces… En prise directe avec l’agriculture naturelle et pas forcément exclusivement dans le vin; avoir un impact sur la communauté, la nature et les amis.

 

Dans quelle partie du monde ?

Pas forcément en France. Et surtout pas selon un schéma traditionnel famille-enfants-maison-chien. Pourquoi pas, mais ce n’est pas un but en soi. La communauté au sens large, la notion de juste répartition et d’harmonie de vie entre les hommes et la nature…. Et non, ce n’est pas une passade baba-cool. C’est une philosophie de vie et un engagement. Voilà ce qui a du sens pour moi.

 

 

 

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