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D’où viennent les Chinois de Singapour ?

chinois de singapourchinois de singapour
Courtesy of National Archives of Singapore
Écrit par Jacques Duquesne
Publié le 13 octobre 2022, mis à jour le 14 octobre 2022

Saviez-vous que Singapour est le seul pays avec la Chine et Taïwan où le mandarin est langue officielle ? Comment une île enclavée au milieu de la péninsule malaise est-elle devenue à majorité ethnique chinoise ?

 

Singapura, la ville du lion

Plusieurs archives chinoises documentent les habitants de l'île et leurs activités commerciales dès le XIe siècle. Des fouilles récentes à Fort Canning ont confirmé que Singapura était une étape importante sur la route commerciale entre la Malaisie et la Chine au XIVe siècle. Il est probable que l'île comptait quelques résidents chinois pour y faciliter le commerce.

Mais la conquête néerlandaise de Malacca au XVIe siècle a eu pour effet domino d’abîmer les liens entre le sultanat de Johor et leurs alliés traditionnels les Orang Laut (gens de la mer en Malais). À mesure que les liens commerciaux s’étiolaient, la population de lîle déclina. Au point qu’il ne restait plus qu’une centaine d’habitants au début des années 1800, dont une poignée de Chinois.

Première réponse à notre question : les Chinois de Singapour sont tous issus de l’immigration.

 

Les débuts britanniques

En 1819, le britannique sir Thomas Stamford Raffles achète l’île au sultan de Johor. Dans la foulée, William Farquhar, le premier résident et commandant officiel de Singapour, active son réseau de Malacca. En cinq ans, plus de 3000 Chinois Peranakan (aussi appelés Baba-Nyonya) font le voyage vers la nouvelle colonie. Ils représentaient près du tiers de la population de lîle en 1824. (Pour en savoir plus sur cette période charnière, (re)lire l’excellent Bicentenaire de la fondation de Singapour - Comment est-ce arrivé ?).

Ils formeront un des socles de la nouvelle colonie britannique. Leur multiculturalisme et leur sens des affaires leur permettant d’agir comme intermédiaires entre les différentes communautés et les autorités britanniques.

Deuxième réponse à notre question : la première vague d’immigrants chinois est venue des communautés de la péninsule Malaise.

 

Portraits d’un couple Peranakan
Portraits d’un couple Peranakan © National Archives of Singapore

 

De port franc à colonie de la couronne

Les affaires allant bon train, les réseaux existants de la Nanyang (mer de Chine méridionale) font circuler la bonne adresse. Les marchands de Malacca, Penang et Hong Kong font venir sur l’île un nombre croissant de leurs familles, associés et compatriotes pour développer leurs affaires.

En parallèle, les Britanniques transportent des travailleurs chinois et indiens pour travailler dans les plantations de leurs colonies. Si beaucoup font juste escale en direction des plantations de Malaisie et du Sabah, certains restent dans la ville du lion. Ce sont les fameux coolies, des travailleurs sous contrat qui gagnent leur pain quotidien en transportant de l’eau, en tirant des rickshaws, ou en travaillant dans les plantations de gambiers locales.

Tant et si bien que la population chinoise finit par dépasser celle malaise. Plus des deux tiers des résidents de Singapour en 1870 sont dorigine chinoise.

Bien que la grande majorité viennent des régions du sud de la Chine, les communautés sont bien distinctes. Elles se regroupent par dialecte, coutumes, et occupations de prédilection. Beaucoup ont aussi leurs sociétés secrètes.

Les trois quarts sont originaires du Fujian (Hokkien) ou du Guangdong (Teochew). Les 25% restants sont originaires du Guangzhou (Cantonais), du Hainan (Hainanais), ou du reste de la Chine (dont les fameux Hakka et la famille Lee).

Troisième réponse à notre question : la plupart des Chinois de Singapour arrivés pré-WWII viennent des régions du sud de la Chine.

 

“Coolies” Chinois
“Coolies” Chinois © National Archives of Singapore

 

WWII et l’indépendance

La Seconde Guerre mondiale a vu ces flux sinverser telle une fontaine à balancier asiatique. Les jeunes les plus fraîchement arrivés, ainsi que les plus patriotiques, rentrèrent défendre la mère patrie aux débuts de la guerre en 1937. Par la suite, la féroce occupation de Singapour par les Japonais a coûté la vie à plus de 70,000 Singapouriens dorigine chinoise.

La fin de loccupation japonaise permit à notre fontaine de reprendre son flux normal. Le développement rapide qui suivit créa un appel dair qui a attiré de nombreux immigrants. En plus de la forte croissance démographique locale, de nombreux Chinois de Malaisie arrivèrent pour échapper aux tensions raciales de la péninsule, pendant que des Chinois du continent fuirent le Maoïsme.

Dans les années qui ont suivi lindépendance, de nombreux travailleurs sont arrivés de Chine pour aider à construire la ville. Beaucoup de ceux qui le pouvaient choisirent de rester à la fin de leur contrat. La situation de la Cité-Etat étant plus favorable que celle du continent.

Plus récemment, le gouvernement semble avoir favorisé les demandes de citoyennetés de résidents permanents ethniquement chinois pour remédier à une natalité en berne et garder les ratios ethniques de la ville stable. Les candidats avec les meilleures chances dobtenir le précieux sésame semblent être ressortissants des pays dASEAN d’origines chinoise avec diplômes.

Dernière réponse à notre question : les Chinois de Singapour viennent donc principalement de la région ASEAN et de Chine pour les plus qualifiés.

 

Demonstration d’art martial chinois
Demonstration d’art martial chinois © National Archives of Singapore

 

Chinois de Singapour ou Singapourien Chinois ?

Si la mémoire migratoire reste vive, les Singapouriens se sont façonné une Nation riche et puissante. Ils ont acquis un sentiment patriotique propre et fort. Ils sont Singapouriens avant tout.

Ceux qui visitent le village de leurs ancêtres, pour reconnecter avec leurs racines ou consulter leurs tables de parenté familiales, reviennent souvent avec la réalisation du chemin parcouru depuis que leurs aïeux ont fait route vers la petite île enclavée au milieu de la péninsule malaise.

 

Sources:

  • Singapore: A Biography de Mark R. Frost
  • The population of Singapore de Saw Swee-Hock
  • A Question of ‘Chineseness: The Chinese Diaspora in Singapore 1819–1950s de Ling-yin
  • Chinese Migration to Singapore: Discourses and Discontents in a Globalizing Nation-State de Brenda S.A. Yeoh and Weiqiang Lind

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