Pays multiculturel qui s’enorgueillit de respecter toutes les religions, Singapour possède un système juridique unique qui prévoit qu'un musulman puisse être soumis à la Charia (la loi musulmane), du moins dans certains domaines.
Alors que les Singapouriens musulmans relèvent, comme tous les Singapouriens, de la loi civile singapourienne, ils ont également le privilège de pouvoir invoquer la loi islamique lorsqu’il s'agit de certaines questions de droit personnel.
Une loi qui s'adresse à 15% de la population de Singapour
Dans certains cas, cette loi islamique peut s'appliquer automatiquement, même si les parties ne choisissent pas de l'invoquer.
Ce système juridique pluriel étonnant trouvent ses racines au temps Singapour était sous la domination britannique.
Jusqu'en 1880, les Britanniques adoptaient une politique de laissez-faire en ce qui concerne le rituel musulman et le droit personnel musulman à Singapour.
Non seulement la loi en vigueur devait respecter les coutumes religieuses malaises en matière de mariage et d’héritage tant qu’elles n’étaient pas contraires à la raison, la justice ou l’humanité mais il était possible que le droit anglais (en vigueur à Singapour) soit modifié en fonction des croyances religieuses et des coutumes des habitants locaux.
Au moment de la naissance de l’Etat singapourien, cette situation est intégrée dans le droit positif singapourien par la promulgation dès 1966 de la loi sur l'administration de la loi sur les musulmans («AMLA»). Cette loi organise l’administration et l’application de la loi islamique aux musulmans singapouriens par la création de trois institutions
- Le Conseil religieux islamique (Majlis Ugama Islam Singapura ou "MUIS"),
- Le Registre des mariages musulmans («ROMM»), qui administre les mariages selon la loi musulmane
- Le système judiciaire de Charia, la Charia Court.
La Charia pour gérer des problèmes de droit civil
Le Majlis Ugama Islam Singapura (MUIS) a été créé pour administrer la vie religieuse générale des musulmans et joue un rôle important dans l'établissement et l'administration de règles pour réglementer la vie musulmane à Singapour. Par l’intermédiaire du comité Fatwa (comité juridique) il émet des décisions juridiques sur des questions de droit islamique (fatwas) qui surviennent dans les affaires relevant de la juridiction civile.
Outre les avis qu’il émet sur les problèmes de droit qu’il identifie, le Comité Fatwa peut émettre une fatwa sur un point quelconque de la loi musulmane sur demande. Chacun peut lui demander un avis même si le Comité donne la priorité aux questions d'intérêt public. Les avocats sollicitent souvent des opinions au nom de leurs clients sur des questions de statut personnel, par exemple, la validité d'un mariage effectué à l'extérieur de Singapour, l'héritage, la légitimité des enfants et les problèmes d'adoption. Tout tribunal est autorisé à demander au MUIS un avis si une affaire pose une question de loi musulmane
Les tribunaux civils lorsqu'ils sont confrontés à une question de droit musulman peuvent solliciter l’avis du MUIS et bien qu’ils le respectent généralement ils peuvent néanmoins en refuser l’application si ils constatent que cet avis contredit la loi ou un principe établi du droit civil.
Fait intéressant, il a pu arriver le MUIS modifie son interprétation de la loi musulmane en l'alignant plus étroitement sur la pratique du droit civil afin de réduire la difficulté rencontrée par le public musulman confronté à des conflits de lois.
La deuxième institution créée est Le ROMM, Registry of Muslin Mariage qui a pour rôle d’enregistrer les mariages célébrés selon la loi musulmane.
Enfin La Cour de Charia veille à l’application de la Charia. Elle a une compétence spécifique.
Elle couvre "les actions et les procédures dans lesquelles toutes les parties sont musulmanes ou où les parties se sont mariées en vertu des dispositions de la loi musulmane" sur les questions de mariage, divorces, fiançailles, nullité du mariage ou séparation judiciaire, succession,…
Le président du MUIS est habilité à constituer le Conseil d'appel qui entend les appels des décisions des tribunaux de la Charia.
Il est intéressant de noter également que la polygamie est permise à Singapour pour les musulmans (uniquement).