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La ruée vers le sable – Projets d’extension de Singapour

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@ Shutterstock
Écrit par Laetitia Person
Publié le 2 avril 2019, mis à jour le 4 juin 2023

Tout comme l’eau, le sable est devenu une denrée rare et stratégique. Principale raison ? Les méga-chantiers de construction opérés par les pays riches qui nécessitent un recours massif aux ressources naturelles et notamment au sable pour faire du béton. Afin de répondre à la demande, de nombreux pays pauvres n’hésitent pas à sacrifier plages et rivières pour alimenter des projets de construction ou d’extension d’États riches, à commencer par la Chine, Dubaï et Singapour.

 

527 km2 en 1965, 674 km2 en 1998, 721 km2 en 2019… mais quand Singapour va-t-elle stopper son extension ? En l’espace de cinquante ans, pour accompagner sa croissance rapide et répondre à l’arrivée massive de personnes attirées par ses opportunités économiques, la cité-État a trouvé une solution à portée de main : s’étendre sur la mer. Mais ces travaux titanesques ont des répercussions dramatiques sur l’environnement car pour alimenter ses chantiers de construction, Singapour importe massivement du sable en provenance des pays voisins. Selon Bruce Edward, l’un des auteurs du rapport Toujours plus de sable de la revue du FMI Finances & Développement, publié en 2016, Singapour détient le record du monde avec une extension de 20 % en 40 ans, grâce à du sable importé du Cambodge, d’Indonésie, de Malaisie et de Thaïlande. Autre chiffre alarmant : selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Singapour a importé 517 millions de tonnes de sable ces 20 dernières années.

 

Aujourd’hui, 1/5 du territoire de la cité-État est artificiel. Et elle prévoit de l’étendre de 100 km2 supplémentaires d’ici 2030. Des pratiques qui ne restent malheureusement pas isolées, puisqu’elle est talonnée de près par la Chine qui, en seulement deux ans, a consommé autant de ciment que les États-Unis en 100 ans, et par Dubaï qui utilise du sable pour construire ses îles artificielles, moins chères que l’achat de terres. À titre d’exemple, la tour Burj Khalifa a nécessité 45.700 tonnes de sable et Palm Islands 150 millions de tonnes de sable.

 

Vide juridique

L’insuffisance de la réglementation et l’application aléatoire des rares normes existantes en la matière ont ouvert la voie à des abus. L’exploitation du sable est d’autant plus aisée qu’il est encore presque partout considéré comme une ressources infinie et gratuite. L’agrandissement de Singapour s’est ainsi opéré au détriment d’une vingtaine d’îles indonésiennes, qui ont tout simplement disparu de la surface du globe, avant que Jakarta n’interdise, au début des années 2000, l’exportation de son sable.

 

Pour autant, la quantité de sable extraite dans le monde continue à augmenter de façon exponentielle, et en l’absence de convention internationale pour réglementer son extraction et son commerce, les dommages causés à l’environnement restent irréversibles et ce, dans le monde entier. La raréfaction du sable est telle, qu’elle a généré une augmentation progressive des prix et a favorisé le développement d’un marché noir illégal parallèle. Aujourd’hui, Singapour se fournit principalement au Cambodge, où l’industrie du dragage de sable a un impact dévastateur, selon l’ONG britannique Global Witness. Kalyanee Mam, réalisatrice cambodgienne, a récemment dénoncé cette situation dans un court-métrage intitulé Lost World. Elle y montre le délitement d’une communauté insulaire depuis l’autorisation par le gouvernement de l’extraction du sable des rivières de l’île de Koh Sralau. La réalisatrice évoque un massacre écologique et met en avant l’extinction de la faune et de la flore, notamment de la mangrove. La réalisatrice termine son documentaire à Singapour, où le sable de son pays a servi à construire l’Ecoparc de Gardens by the Bay, qualifié d’attraction verte par les autorités.

 

Des conséquences dramatiques pour l’environnement

Les prélèvements massifs de sable des fonds marins et des côtes a un impact dévastateur sur l’environnement et la biodiversité. Les extractions sont telles qu’aujourd’hui, des îles disparaissent et des plages sont avalées par les flots. En effet, lorsqu’on extrait du sable marin, le sable des plages vient combler le vide créé. Progressivement, le sable des côtes va donc glisser vers les fonds marins pour finalement disparaître. Le sable des côtes constitue également une barrière naturelle contre les éléments. Il a ainsi été démontré que certains ouragans n’auraient pas été aussi dévastateurs il y a une centaine d’années, avec un littoral préservé. L’extraction massive met enfin de nombreuses espèces marines en danger, sans parler des populations humaines obligées de se délocaliser si leur habitat tend à disparaître.

 

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