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Julien Condamines - « Le client de la French Tech, c’est la start-up »

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Écrit par Laetitia Person
Publié le 13 février 2019, mis à jour le 15 février 2019

Missionné par l’ambassade de France pour accompagner l’année de l’innovation entre la France et Singapour en 2018, c’est tout naturellement que Julien Condamines s’est investi dans la French Tech, qu’il a renforcée et consolidée. Il revient sur le rôle et les enjeux de la French Tech à Singapour. 

 

Lepetitjournal.com Singapour : Peut-on vous présenter comme le représentant de la French Tech à Singapour ?

 

Julien Condamines : Même si je ne suis plus missionné par l’ambassade pour la coordonner officiellement, je reste un membre actif du comité de pilotage et suis, à cet effet, l’un de ses représentants. L’objectif, cela dit, est que l’ensemble des membres de la French Tech, les entrepreneurs de la tech en particulier, soient les représentants de cette communauté.

 

Quelles ont été vos premières actions ?

 

Lorsque je suis arrivé, il y avait déjà une communauté assez dense, composée d’environ 500 personnes, avec 5 ou 6 volontaires à sa tête. Tous étaient dynamiques et curieux, mais également très pris par leurs responsabilités professionnelles. De mon côté, j’avais du temps. Mon ambition première a été de faire grandir le mouvement, de le structurer pour en faire une communauté reconnue. J’ai commencé par aller à la rencontre des entrepreneurs pour mieux appréhender le marché, son fonctionnement, les besoins, les challenges. Un board a été constitué pour définir une vision stratégique partagée par tous. Composé d’une vingtaine de personnes, il est à l’image de l’écosystème local : entrepreneurs, personnes issues du monde corporate et investisseurs s’y rassemblent pour représenter au mieux les intérêts de la communauté.

 

Qu’est-ce qui anime cette communauté ? 

 

Nous sommes un réseau très soudé, dans lequel chacun s’investit et se sent impliqué. Tout ce que nous entreprenons, nous le faisons pour servir la communauté tech à Singapour. À partir du moment où les gens comprennent l’intérêt de contribuer à la French Tech, les choses se mettent en place facilement et le partage des valeurs est agréable, en plus d’être productif et de gérer un impact sur nos business respectifs.

 

Quels sont les objectifs de la French Tech à Singapour ?

 

À l’international, nous sommes guidés par trois axes majeurs. En premier lieu, nous aidons les nouveaux arrivants. Au lieu de passer 6 mois à tenter de comprendre le marché local, ceux-ci bénéficient de l’expérience des membres de la French Tech, qui les accompagnent dans leurs démarches et les mettent en contact avec des personnes clés dans leur business. C’est une accélération absolue du process d’intégration. Notre rôle est également de consolider, d’animer et de fédérer la communauté. Le client de la French Tech, c’est la start-up avant tout. Cela signifie que chaque décision doit servir les entrepreneurs et l’écosystème des start-ups françaises à Singapour. Avec un danger inhérent dans lequel nous ne devons pas tomber : devenir un vase-clos dans lequel nous restons entre Français. C’est la raison pour laquelle, l’année dernière j’ai multiplié les rencontres – Enterprise Singapore, SG Innovate, EBD, IMDB, etc. – pour que la French Tech soit identifiée comme un contributeur majeur de l’écosystème tech à Singapour. Le bilan est concluant puisque, fin 2018, nous avons été sélectionnés comme l’un des organismes pouvant recommander des entrepreneurs français auprès du Ministry of Manpower pour l’obtention d’un EntrePass.

 

Le dernier axe enfin, est la promotion de la communauté. L’organisation régulière d’évènements tech sert un double objectif. En réunissant des panels avec des noms réputés, experts de la tech dans leur domaine, nous valorisons les compétences françaises et nous montrons toute l’étendue de la puissance de la French Tech aux acteurs locaux. Par exemple, l’année dernière, nous avons mis en avant des gens comme Alexis Lanternier, CEO de Lazada et Taras Wankewycz, CEO de H3Dynamics sur nos panels. Nous avons également organisé un évènement de deux jours avec le Club Med dans leur resort de Bintan. Par ailleurs, ces rencontres permettent à des jeunes entrepreneurs de présenter leur business, de peaufiner leur discours et de renforcer leur compréhension du marché tandis qu’elle permet à des entrepreneurs seniors de valoriser leur expertise et développer leur business.

 

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Quelles réalisations avez-vous déployées ?

 

Plusieurs projets ont été lancés à partir des besoins exprimés. Nous avons par exemple créé un syndicat d’investisseurs réunissant une trentaine de "business angels" aux profils variés (entrepreneurs, banquiers, industriels, avocats, etc.) dont nous sommes certains de leur volonté d’investir. Contrairement aux levées de fonds traditionnelles qui peuvent s’avérer cruelles, car rapides et sans retours, notre structure repose sur un véritable accompagnement dans la durée. Même si plusieurs personnes décident d’investir dans une start-up, un référent unique est désigné. Ce système permet d’assainir les relations. Au lieu de créer des conflits, nous renforçons les synergies. C’est très rassurant pour le jeune entrepreneur également. Si dix personnes croient en son projet, cela confirme sa pertinence. Ce syndicat d’investisseurs est l’un des projets qui rencontrent le plus de succès. French Tech for good est une autre action majeure qui repose sur des valeurs fortes comme la diversité, avec Women in Tech, ou l’impact sociétal des entreprises. Nous avons également connecté toutes les communautés French Tech de la région APAC afin de consolider nos forces. Nous réfléchissons sans cesse à de nouvelles opportunités de collaboration. Un annuaire existe aujourd’hui. Sa vocation est de fluidifier les échanges entre tous les acteurs et de renforcer la dynamique d’amélioration de l’écosystème. Notre site web se positionne quant à lui  comme une plateforme permettant d’accélérer les démarches pour créer un business : partenaires, incubateurs, experts juridiques, subventions possibles, subtilités à connaître. Une source d’informations inestimable ! Tandis que le blog met en avant des articles de fonds d’experts métier de la communauté.

 

Nous avons également enclenché des actions pour améliorer notre image et notre visibilité à l’externe. Nous développons, par exemple, des partenariats pérennes avec des marques influentes. Des évènements récurrents se mettent en place, notre impact est valorisé plus rapidement, c’est très intéressant. Notre dynamique a même touché le gouvernement singapourien à qui nous avons prouvé que nos actions n’étaient pas réservées à la communauté française mais servaient tout l’écosystème local.

 

Justement, les Singapouriens ont-ils identifié la French Tech ?

 

Tous les Singapouriens ne connaissent pas la French Tech, mais nous percevons une amélioration. Un bon indice est l’origine des participants à nos évènements. Il y a encore un an, la majorité était des Français. Aujourd’hui, plus d’un tiers d’entre eux est issu de différents pays. Toute notre communication est en anglais. L’ambition est de s’intégrer de façon durable dans l’écosystème tech à Singapour et de construire des relations avec ses différents acteurs. Le panel de nos expertises au sein de la French Tech est tel que, à court terme, nous souhaitons que si des entreprises singapouriennes décident d’un projet tech sans une start-up française, elles prennent conscience qu’elles oublient un acteur majeur. Nous commençons à y parvenir.

 

Comment fonctionnez-vous ?

 

Principalement sur le volontariat, tout le monde peut participer à sa manière. L’idée générale est d’arriver à ce que chacun contribue avec quelque chose qui ne lui coûte pas énormément mais qui a un impact pour les autres. Le rapport n’est pas toujours équilibré mais la somme est positive pour l’ensemble de la communauté. À titre d’exemple, je peux citer Maltem, qui a créé et nous aide à améliorer continuellement notre site internet, ou encore Aurexia qui nous a accueillis dans ses locaux. Au final, c’est un cercle vertueux et il existe un florilège de façons de renvoyer la balle.

 

La bonne réputation de la French Tech joue un effet fédérateur. Il ne se passe pas une journée sans que nous ne recevions des demandes pour contribuer. C’est un signal très positif. La French Tech intéresse et répond à un besoin.

 

Le statut de la French Tech a récemment été modifié. Il existe maintenant des capitales et des communautés…

 

Oui, la volonté répondait à un besoin de lisser les procédés. Les hubs ont disparu pour laisser la place à des capitales, situées en France, avec des expertises liées au secteur d’activité des différentes villes. Les communautés sont à l’étranger. Un fonds de deux millions d’euros a été créé pour renforcer les positions stratégiques de chacune. Il sera attribué en fonction des projets, de leur pertinence et de leur sens.

 

Il est question de privatiser la French Tech. Qu’en pensez-vous ?

 

Il est vrai que la question a été abordée, comme à chaque fois que quelque chose grandit. La V2 vient d’être annoncée et une privatisation n’est pas dans les objectifs. Aujourd’hui, l’ambition c’est plutôt d’aller un cran plus loin, d’arriver à créer les conditions pour déployer des business tels qu’il en existe en Chine ou aux États-Unis, sachant que les Français sont encore à la traîne sur le sujet. Cette V2 se positionne comme un focus sur l’accélération du mouvement. À quand le prochain Facebook ou Google français ?

 

Quelle est la place de l’innovation à Singapour ?

 

La grande force de Singapour est de pouvoir compter sur une vision à 20 ou 30 ans. Ils ont des ressources très compétentes, expertes en exécution, et lorsqu’ils décident de faire quelque chose, ils n’y dérogent pas. Ils vont vite et bénéficient de moyens et d’infrastructures sans commune mesure avec d’autres pays. Les investissements sont énormes. JustCo, concurrent de WeWork, a par exemple bénéficié du soutien de GIC dans sa levée de  150 millions de dollars en 2017. Aujourd’hui, les grands laboratoires de recherche et d’innovation sont de plus en plus nombreux à nouer des joint-venture avec Singapour : le MIT, l’ETH, le CNRS, etc., ainsi que les centres d'innovation et R&D des grands groupes, bénéficiant d'offres attractives et de soutien financier de la part du gouvernement. La relation est gagnant-gagnant puisque les résultats de ces laboratoires vont bénéficier aux deux pays. Par conséquent, ils n’ont peut-être pas les ressources naturelles, mais ils se donnent les moyens pour y arriver !

 

La faiblesse de Singapour est d’être un marché de taille restreinte, dans lequel un banquier est toujours mieux considéré qu’un entrepreneur. Quelques sujets, sur lesquels ils visent à devenir très compétitifs, émergent néanmoins : l’intelligence artificielle, la blockchain, la smart nation, la silver economy, l’IoT et le healthcare. Et Singapour est un marché test très intéressant pour des sujets comme les véhicules autonomes et les drones.

 

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