Esi et Charles de Crémiers, couple franco-indonésien, ont décidé d’entreprendre ensemble à Singapour en lançant le site de décoration Kulturë Home Decor en 2017. Comme dans tout projet entrepreneurial, il se cache une histoire personnelle, celle d’amoureux de l’artisanat indonésien. Après de nombreux séjours et voyages en Indonésie, ils souhaitaient s’impliquer davantage pour valoriser l’artisanat, mais aussi soutenir des projets humanitaires comme l’orphelinat Bethesda à Batam.
Ainsi est né l’entreprise Kulturë Home Decor qui propose une belle sélection d’objets de décoration et de meubles originaux pour la maison destinée aux amoureux de l’atmosphère raffinée balinaise.
Le Petitjournal.com de Singapour les a rencontrés (en zoom) pour qu’ils nous racontent cette aventure en couple, un développement à leur rythme, un projet pur e-commerce et à visée « clean et éthique ».
Lepetitjournal.com : Charles et Esi pourriez-vous présenter, et nous raconter votre parcours ?
Charles de Crémiers, 38 ans, Français et habitant de Singapour depuis maintenant 12 ans. Je suis arrivé en 2008 avec une valise et depuis, je suis devenu résident permanent et père de famille (2 enfants). Avant Singapour, j'ai habité aux Pays-Bas pendant 7 ans et également 2 ans au Gabon lorsque j'étais enfant. Tous ces séjours ont forgé mon goût de l'aventure et de la découverte de nouvelles cultures. Cette passion s'est développée avec la découverte de l'Asie, en particulier l'Indonésie, qui me fascine tant par sa richesse multiculturelle que la créativité de ses artisans.
Je travaille pour une agence de conseil et achat média OOH, et j’ai en parallèle co-fondé Kulturë Home Decor avec ma femme en 2017. Elle gère l’entreprise et je la conseille.
Theresia (Esi) Situmorang, Indonésienne d'origine Batak, habitante de Singapour depuis que nous nous sommes mariés en 2015. Avant de m'installer ici, j'ai habité à Jakarta pendant 3 ans et à Manille pendant 7 ans pour y faire des études de commerce et travailler dans la publication d'information financière. Je suis comme mon mari avide de voyages et de découverte de nouvelles cultures !
Je garde un lien très fort avec mon pays natal. Il me tient à cœur de m’impliquer dans le développement de l'artisanat Indonésien, en particulier celui de Bali et de Lombok, où nous nous rendons fréquemment en famille.
Depuis que j'ai emménagé à Singapour, j'ai travaillé dans le domaine du marketing digital. En plus de m'occuper de nos 2 enfants (Cécilia, 4 ans et Joachim, 6 mois), je gère Kulturë Home Decor au quotidien !
Parlez-nous de votre entreprise et de son engagement « socialement responsable et développement durable » ?
Esi : Kulturë Home Decor est une boutique en ligne qui propose des articles de décoration "niches" fabriqués à la main en Indonésie, livrés chez nos clients sous 5 jours.
Nous proposons des meubles en bois, des miroirs, des panneaux de bois décoratifs, des têtes de lit, des paniers en bambous, des peintures (…) reflétant l’histoire et les modes de vie balinais.
Par le biais de Kulturë, nous nous impliquons également dans des projets humanitaires et de développement durable, dont certains amorcés avant la création de la société en 2017.
Par exemple, pour l'orphelinat Bethesda à Batam, nous reversons 5% de notre chiffre d’affaires et nous organisons régulièrement des levées de fonds. La dernière levée de fonds en avril 2020, pendant la période du COVID-19, nous a permis de lever 5800 SGD grâce à l’aide de notre réseau et des clients de Kulturë. C’était plus que notre objectif, et cela a permis à l’orphelinat d’acheter de la nourriture mais aussi des médicaments et des légumes frais.
Nous tenons également à soutenir les artisans qui travaillent pour nous, nous leur fournissons un matériel pour protéger leur santé pendant leur travail (masques, gants…), et nous demandons que les femmes soient rémunérées sur la même base que les hommes. C’est une démarche qui prend du temps mais nous y croyons. Nous versons également des fonds pour la plantation d'arbres en Indonésie.
Quel est votre background ? Qu’est-ce qu’il apporte à votre projet entrepreneurial ?
Charles : Bien que venant de deux pays très différents, nous avons tous les deux une éducation et un parcours similaire, tant en termes de cursus (commerce et management) que de soft skills. Nous avons été tous deux exposés à de multiples cultures, et nous sommes très ouverts d’esprit. Nous n'avions pas de connaissances spécifiques en matière d'e-commerce ou de marketing digital lorsque nous avons lancé notre site, et nous avons dû faire preuve d’une grande capacité d'apprentissage dans un laps de temps plutôt réduit.
Comment vous est venue l’idée de Kulturë ?
Esi : Nous nous étions à Bali avec le père de Charles en 2015, et nous nous sommes arrêtés dans un magasin d'artisan qui vendait des centaines d'objets déco en bois.
Frappés par le vaste choix et la diversité des produits fabriqués par Mr. Wayan, 5 ans plus tard, il est devenu notre fournisseur le plus important !
Sur le coup, nous avions juste acheté quelques souvenirs, et nous avons compris la difficulté pour les personnes qui avaient envie de ramener avec eux des objets ou des meubles : tailles, négociations ardues, prix des transports… Ainsi Kulturë devait illustrer cette diversité de produits uniques et artisanaux mais aussi en faciliter l’accès pour tous les amoureux de Bali.
Comment votre entreprise se différencie des autres sites de vente d’objets de décoration et de meubles ?
Esi : La grande majorité de nos clients sont des femmes qui cherchent un article de décoration original pour ajouter une touche particulière à leur chambre ou leur salon. Nous mettons en avant la facilité du processus de commande et la livraison sous 5 jours. Nous offrons aussi la possibilité de personnaliser certains produits.
Charles : Notre stratégie est axée e-commerce avant tout. Nous n'avons pas de magasin physique et sommes en mesure d'expédier la majorité de nos produits dans plus de 80 pays.
En termes d'offres, nous restons dans une niche bien définie, et ne sommes pas pressés de croître de manière exponentielle.
Enfin, nos projets humanitaires et de développement durable sont au cœur de notre stratégie long terme. Nous souhaitons que nos clients sachent que lorsqu'ils achètent un produit dans notre boutique, ils contribuent à ces causes, même si c'est à petite échelle.
Comment voyez-vous le développement de votre entreprise à 5 ans ?
Charles : Nous sommes attachés à l'idée nous développer à notre propre rythme, et croître de manière "organique" comme disent les Anglo-Saxons. Notre capital de départ était vraiment insignifiant et notre budget marketing est (toujours) très réduit. Nous limitons les soldes à quelques articles seulement. Nos grands axes de développement sont les créations régulières de nouveaux designs avec nos artisans et l'ouverture du marché B2B sur le long terme, notamment avec les architectes d'intérieurs. Nous commençons aussi à susciter l'intérêt de grossistes en dehors de l'Asie, ce qui pourrait nous aider à nous développer à l'international. Il faut donc maintenir l'équilibre entre une croissance durable et la capacité de l'entreprise à rester saine financièrement.
Entreprendre à Singapour est différent d’entreprendre en Europe selon votre expérience personnelle ? Il y a-t-il des particularités à ce marché ?
Charles : Nous avons l'impression qu'en France on observe une grosse lourdeur administrative lorsque l'on souhaite monter une structure. Les charges et les impôts très élevés rendent l'entreprenariat difficile, surtout pour les jeunes qui n'ont pas de gros moyens ou de réseau existant. C'est dommage, car ce n'est pas le talent ou les ressources qui manquent... A Singapour, tout peut aller très vite, surtout avec la mise en place d'outil de gestion digitaux, et le fait que les petites entreprises sont très peu taxées. On observe aussi que l'échec est perçu de manière différente dans les deux pays : c'est vu comme la fin de tout en France, alors qu'ici les gens vous encouragent et vous aident à rebondir.
Parlez-nous de votre expérience d’entreprendre en couple ? Qu’est-ce que cela change ? Est-ce que cela impact le quotidien ou la vie familiale ? Quels sont les avantages ?
Esi : Cela a été difficile au début, car nous avions monté notre structure juste après la naissance de Cécilia. Etant donné que nous nous occupions de tout (photos des produits, création du site, gestion de commandes etc.) et qu'il fallait gérer notre fille, nous avons frisé le burn-out.
2017 a été une année très intense, mais une fois le business monté, c'est devenu plus facile. En termes de prise de décision, nous avons toujours essayé de maintenir le dialogue et de séparer le business et la vie familiale, ce qui peut être très difficile quand les choses ne se passent pas comme prévu !
Charles : Esi est maintenant aux commandes de l'entreprise. L'avantage est qu'elle travaille de la maison comme elle le souhaite. Nous avons aussi pris une helper à la maison, ce qui nous soulage énormément dans la gestion des tâches quotidiennes.
Vous êtes un couple avec deux origines / nationalités différentes, parlez-nous de cette richesse pour développer l’entreprise.
Esi : C'est en effet une force d'avoir 2 cultures différentes en termes d'apport à la gestion de l'entreprise. Nous nous complétons de manière plutôt harmonieuse (dans l’ensemble !). Charles a une approche plus analytique et une vision stratégique long terme du business. Je suis plus portée sur la partie créative (marketing) et la gestion des artisans à Bali, car la plupart d'entre eux ne parlent pas Anglais et n'ont même pas d’ordinateur ! De plus, les Balinais ne sont pas aussi directs que les Français dans leur manière de communiquer (sourire) ; il faut souvent savoir arrondir les angles pour arriver à ses fins.
Des conseils pour ceux qui souhaitent se lancer ?
Charles : Commencer tôt ! Je regrette de ne pas avoir initié un business e-commerce avant de devenir père de famille. Ne pas être trop pressé de grossir. Être profitable avant de lever des fonds.
Esi : Continuer à trouver des sources d'inspirations chaque jour et aimer les produits ou les services que vous commercialisez !
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