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Coopération régionale. Le triangle de croissance Singapour-Johor-Batam

Croissance, SingapourCroissance, Singapour
@ Chuttersnap
Écrit par Laetitia Person
Publié le 16 juin 2019, mis à jour le 13 octobre 2023

Créé en 1994, le triangle de croissance Singapour-Johor-Batam incarne l’intégration économique régionale existant entre Singapour, la Malaisie et l’Indonésie. 25 ans après la signature de cet accord facilitant les relations d’affaires entre ces trois pays, qu’en est-il réellement ?

 

Une coopération transfrontalière entre Singapour, la Malaisie et l’Indonésie

Utilisé pour la première fois le 21 décembre 1989 par Goh Chok Tong, alors vice-Premier ministre de Singapour, le terme de « triangle de croissance » prend corps dans le protocole d’accord fondant l’Indonesia-Malaysia-Singapore Growth Triangle (IMS-GT), signé le 17 décembre 1994. Ce texte n’est pas un traité avec des clauses précises, ni un programme de développement avec un calendrier à respecter. Il s’agit d’une coopération transfrontalière dont l’ambition réside dans la promotion du développement économique régional de Singapour, Johor et Riau (SIJORI). Disposant d’atouts différents et complémentaires, ces trois territoires s’allient pour former un bassin économique plus large, aux potentialités économiques plus grandes. Le jeu des complémentarités en termes de capital, de terres et de main-d’œuvre doit renforcer une synergie globale pour valoriser la région SIJORI et la rendre plus attractive pour les investisseurs.

 

Une économie repartie selon les compétences de sa main d'œuvre 

À l’époque, les trois pays sont déjà très différents. Si Singapour est le plus petit territoire, il pèse économiquement plus lourd que ces deux partenaires ; les différentiels de revenus sont également très prégnants. Ces écarts n’auront de cesse de se creuser. Ainsi, en 2012, Singapour représente plus de 90 % du poids économique de la zone et, si son PIB par habitant classe la cité-Etat parmi les pays à hauts revenus, en revanche Johor et Riau ont des économies de niveaux intermédiaires. En capitalisant sur ces écarts, Singapour réussit à étendre son réseau de sous-traitance et crée des spécialisations verticales dédiées à chaque région par la division et le partage des différents stades de production. Singapour garde ainsi la main sur les entreprises et les multinationales qui font appel à des personnels très qualifiés œuvrant dans des industries de pointe et de haute technologie. La Malaisie accueille les industries nécessitant une main d’œuvre semi-qualifiée et l’Indonésie, les activités à fort investissement-travail pour lesquelles les bas salaires sont plus déterminants que le niveau de qualification.

 

Des expertises régionales

Cette organisation a permis à Singapour de s’imposer dans les industries de hautes technologies et de s’ériger comme un centre régional de coordination au sein de toute la zone Asie du Sud-Est. 25 ans après la signature du protocole d’accord IMS-GT, la cité-État abrite la plus forte concentration de milliardaires au kilomètre carré du monde, le deuxième plus grand port à conteneurs (après Shanghai) et la quatrième place financière (derrière Londres, New York et Hong Kong). Quant à la Malaisie, le commerce local et l’immobilier prospèrent grâce à la clientèle singapourienne venant faire son shopping ou se loger sur son territoire. Lancé en 2007, Iskandar Malaysia, le projet pharaonique de mégalopole, espère attirer 3 millions de personnes en 2025. Si Singapour a investi 3,4 milliards de dollars dans ce projet qui comprend des zones franches industrielles et portuaires, des complexes résidentiels et des centres commerciaux, nul doute que la Malaisie cherche également à doper sa propre compétitivité dans des secteurs clés tels que l’éducation, la logistique, les services bancaires et financiers ainsi que les nouvelles technologies.

 

De son côté, l’ensemble de l’archipel de Riau a acquis le statut de zone franche en 2007. Si Bintan s’est spécialisée dans le tourisme avec ses villages de vacances et ses hôtels de luxe s’étendant sur 23 000 hectares, Batam est devenue un centre industriel. Spécialisées au départ dans l’assemblage de produits électroniques grand public, les industries de Batam se sont progressivement diversifiées avec l’assemblage de composants électroniques. Cet état de fait résulte directement de la délocalisation depuis Singapour des lignes de production les moins rentables de multinationales de toutes nationalités. Celles-ci opèrent une « délocalisation séquentielle » de leur production tout en renforçant leur siège social singapourien. Conséquence de cet essor économique : un afflux massif de migrants en provenance des autres îles de l’archipel indonésien. En trois décennies, la population de Batam est passée de quelques dizaines de milliers à deux millions d’habitants. 

 

Pour la période 2013-2020, le triangle de croissance doit enregistrer une croissance annuelle globale de 5,7 %. Peut-on espérer une répartition des rôles plus équilibrée et une croissance plus justement partagée entre les trois partenaires…?

 

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