Deux priorités clairement énoncées : la sécurité régionale et une plus forte intégration économique entre les pays de la région.
Après les Philippines en 2017, Singapour préside l’ASEAN depuis le 1er janvier 2018. Dans un contexte international troublé, où la rivalité sino-américaine s’est intensifiée en Asie et que les différends maritimes s'aggravent dans la région, de la mer de Chine méridionale au fleuve du Mékong où les barrages chinois affectent les pays du Sud-est asiatique, la cité-Etat espère jouer un rôle de coordination et de leadership en assurant cette présidence.
En effet, lors d’un sommet à Manille en novembre 2017, le Premier ministre Lee Hsien Loong avait clairement énoncé ses ambitions et les priorités de son pays concernant son rôle au sein de l’ASEAN.
Une des premières priorités annoncée : répondre aux problèmes de sécurité régionale, tant traditionnels que nouveaux. La cité-Etat fera également pression pour une plus grande coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier dans le contexte de la menace posée par les groupes islamiques affiliés à des Etats. Cela pourrait prendre la forme d'un meilleur échange de renseignements, de patrouilles conjointes aux frontières, d'une interception coordonnée des transactions et des mouvements financiers par les éléments terroristes, d'une formation commune à la lutte contre le terrorisme et d'un transfert de matériel de pointe aux pays les plus pauvres.
Par ailleurs, de part son rôle naturel de leader économique de la région et de Hub financier, Singapour espère peser de tout son poids dans les négociations en cours et les projets visant à améliorer les relations entre les économies régionales, dans le but ultime d'établir un marché commun de l'ASEAN d'ici une décennie. Le pacte commercial en cours, le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) sur lequel Singapour espère apporter tout son poids, réunira les dix Etats membres de l'ASEAN et six pays avec lesquels l'ASEAN a conclu des accords de libre-échange, à savoir la Chine, l'Inde, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et le Japon. Il est à noter qu’ensemble, les pays du pacte représentent près d'un tiers de la production intérieure brute mondiale.
Mais, comme l’a déclaré le 5 décembre dernier, le ministre des Affaires étrangères singapourien, Dr Vivian Balakrishnan "Qu'il s'agisse du RCEP ou du PPT (Partenariat Trans-Pacifique), pour nous, ce ne sont que des routes multiples qui mènent à une destination plus grande".
La cité-Etat espère également faire adopter plusieurs mesures pour faciliter les échanges et le commerce, notamment sur la création d’une sorte de guichet unique, une plate-forme numérique qui stimulera le commerce en dédouanant les cargaisons et en accélérant le dédouanement des expéditions. Singapour travaillera également sur un régime de certification à l'échelle de l'ASEAN, qui permettra aux exportateurs agréés de certifier eux-mêmes que leurs marchandises répondent aux exigences de l'ASEAN afin de bénéficier d'un traitement préférentiel.
Quelle marge de manœuvre pour la Présidence ?
Au delà des ces ambitions affichées, quelle est la marge de manœuvre de Singapour ?
Tout d’abord, la présidence n’est pas que symbolique ; le président a la prérogative de fixer l'ordre du jour et de fait d'orienter les discussions régionales. Le président peut également opposer son veto aux déclarations qu'il juge contraires aux intérêts régionaux, ou publier unilatéralement une "déclaration du président" en cas de désaccord entre les Etats membres. Il dispose d'une marge de manœuvre politique considérable pour orienter les engagements multilatéraux dans la région. Cette marge de manœuvre étant renforcée par le poids économique de Singapour et pas sa neutralité politique entre la Chine et les Etats-Unis.
La cité-Etat espère faire de 2018 le grand bond en avant de l’ASEAN, rendez-vous est pris au 31 décembre 2018.