En janvier 2016, une toile tardive de Chen Soo Pieng, était vendue à Drouot à plus de 150.000 euros une première à Paris pour un peintre singapourien, multipliant par 3 son estimation initiale. Même si ce prix est bien loin d'atteindre les records actuels de certains artistes asiatiques contemporains, cette côte sur un peintre présenté comme issu d'un mouvement purement singapourien, surprend. Cet artiste singapourien fait parti du mouvement artistique, le Nanyang Movement, un des seuls courants de peinture considérés comme purement locaux. Naturellement, la nouvelle National Gallery leur a réservé une partie de sa collection permanente.
Décryptage
Le terme Nanyang dont le mouvement porte le nom, signifie en mandarin "mer du sud" et est utilisé couramment pour désigner la région du Sud Est Asiatique. Ce terme « Nanyang » était apparemment utilisé par les critiques de journaux dans les années 20-30 pour désigner des récits chinois basés sur des sujets purement du sud est asiatique. Nanyang est aussi le nom de la Nanyang Academy of Fine Arts, la NAFA, école d'art reconnue à Singapour.
D'après les historiens d'art qui ont théorisé ce mouvement dans les années 70, les 6 artistes, d'origine chinoise, composants ce groupe, à savoir Lim Hak Tai (1893-1963) le 1er d'entre eux, Cheng Soo Pieng (1917-1983), Chen Chong Swee (1910-1985), Chen Wen Hsi (1906-1992), Liu Kang (1911-2004) et la seule femme, Georgette Chen (1906-1993), ont enseigné à cette prestigieuse école dans les années 50.
D'où leur nom. Est-ce suffisant pour créer un mouvement artistique à part entière? Pas vraiment. Selon les spécialistes, ce style local né d'une école d'art aurait été également influencé par l'Ecole de Paris.
Comme beaucoup de leurs contemporains dans les années 40 (dans les années 50 pour Georgette Chen), ces peintres singapouriens sont venus en France, à Paris, où ils ont poursuivi leur apprentissage et aiguisé leurs techniques.
Leur style se définirait alors comme un mixte de techniques et de styles provenant de la tradition picturale chinoise, influencé par la peinture moderne française de cette époque.
Pourtant, au delà de la théorie, ce qui frappe le néophyte, c'est précisément le manque d'unité stylistique !
Au delà des techniques et influences, ce qui ferait donc le style Nanyang, serait avant tout le « sujet » de l'?uvre. Chaque peinture, qu'elle soit marquée par des influences artistiques française ou chinoise, ou par les deux, s'attache à mettre en avant un point de vue purement local : des scènes de vie, un paysage, des habitants.
Comme un livre d'histoire illustré, les oeuvres des peintres du "Nanyang movement" témoignent d'un Singapour d'avant, souvent magnifié. En poussant plus loin vers le sud, quelques uns d'entre eux ont été fortement influencés par un voyage effectué à Bali en 1952, amenant aux peintures couleurs et lumières de cette île des Dieux.
Après la Seconde mondiale, d'autres artistes singapouriens sont apparus, plus engagés socialement, prenant
part aux agitations et débats qui s'emparaient des anciennes colonies. L'Art se fait plus militant. La rêverie des artistes du "Nanyang movement" laisse place à d'autres styles.
Aujourd'hui, ces peintres font partie intégrante d'une identité singapourienne qui retrouve les fils de son histoire. A proprement parler, sans manifeste, sans vraiment d'unité, ce mouvement stylistique est difficilement qualifiable comme tel. Mais qu'importe ! Le témoignage d'une époque et la beauté des couleurs suffisent pour faire admirer et aimer ces peintures.
(reprise de l'article publié le 21 mars 2016)