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Stephen Marchisio “Être ambassadeur de France à Singapour, c’est être chez des amis”

À l’occasion du festival vOilah!, l’ambassadeur de France à Singapour, M. Stephen Marchisio, a assisté à l’avant-première de l’exposition photographique Two Rivers de Melisa Teo, installée sur le Anderson Bridge jusqu’à fin mai 2025. Il a pris le temps de répondre à nos questions sur les relations franco-singapouriennes et sur le rôle que joue la culture dans la diplomatie.

expo singapour Melisaexpo singapour Melisa
Inauguration de l'exposition de la photographe Melisa - Avril 2025
Écrit par Alexandre Apéry
Publié le 14 mai 2025, mis à jour le 15 mai 2025

 

 

Nous avons inauguré mi avril 2025 le festival culturel vOilah! avec Melisa Teo. La culture a un rôle très spécifique : celui de tisser des liens entre les peuples.

 

L’année 2025 marque le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et Singapour. Selon vous, quel rôle les arts et la culture jouent-ils dans cette relation de longue date ?

2025 est particulièrement spéciale pour Singapour, car elle marque les 60 ans de la création de la République de Singapour. La France a été l'un des premiers pays à reconnaître Singapour en 1965, et cette année coïncide également avec les 60 ans des relations diplomatiques entre nos deux pays. C’est donc une étape importante, d'autant plus que nous attendons la visite d’État du président de la République à la fin du mois de mai. Pour l'ambassadeur de France à Singapour et toute son équipe, c’est une occasion exceptionnelle, mais aussi beaucoup de travail.

 

Stephen Marchisio, Ambassadeur Singapour “60 ans de relations diplomatiques en 2025”

 

La culture joue évidemment un rôle clé dans cette relation. Nous avons inauguré mi avril 2025 le festival culturel vOilah! avec Melisa Teo. La culture a un rôle très spécifique : celui de tisser des liens entre les peuples. C’est un défi passionnant, mais essentiel. À Singapour, nous avons la chance de pouvoir compter sur des artistes comme Melisa Teo, qui vit à Paris depuis 2017. Elle parle incroyablement bien le français et, en tant que Singapourienne, elle fait office de pont entre nos pays et nos cultures. En lançant le festival vOilah! sur le Anderson Bridge, nous envoyons un message clair : notre objectif est de créer un véritable lien entre nos populations.

 



 

“À Singapour, être ambassadeur de France, c’est être chez des amis.”

 

 

Vous assistez régulièrement à des événements culturels comme le festival vOilah!. En quoi ces moments influencent-ils votre travail diplomatique d’ambassadeur ? 

La diplomatie, c’est la capacité à dialoguer entre des acteurs qui, parfois, se comprennent parfaitement, et parfois, se comprennent moins bien. À Singapour, être ambassadeur de France, c’est être chez des amis. La situation est idéale, d'autant plus que nous partageons un alignement très fort avec les dirigeants singapouriens depuis les années 70, avec la première visite de Lee Kuan Yew en France en 1970.

 

Grâce à un alignement politique solide et une parfaite compréhension mutuelle, la culture enrichit la relation diplomatique et rapproche nos peuples.

 

La culture joue un rôle essentiel dans cette relation. Elle ne sert pas à envoyer un message à la population pour contourner des difficultés, comme cela peut être le cas dans d'autres pays. Ici, grâce à un alignement politique solide et une parfaite compréhension mutuelle, la culture enrichit la relation diplomatique et rapproche nos peuples.

Pour cet anniversaire des 60 ans, nous avons conçu un programme spécial pour le festival vOilah! avec une vingtaine d’événements phares : Melisa Teo sur le Anderson Bridge (du 23 avril au 31 mai 2025) à VivoCity (du 4 juin au 4 juillet 2025 ), des performances au Victoria Theatre avec l'opéra Carmen interprété pendant deux soirées (25 et 26 avril 2025). Nous avons même invité trois chanteurs d’opéra français spécifiquement pour ces représentations. Carmen étant l’opéra le plus joué au monde, une œuvre en français, cette initiative a une portée symbolique forte pour nous. L'Alliance Française est aussi un pilier important de notre diplomatie culturelle à Singapour, en plus des cours de langue qu'elle propose. Elle joue également un rôle dans la promotion de l’influence française à travers son bâtiment emblématique, conçu par un architecte français et offert par une grande famille qui aime la France et la culture française. La culture irrigue toutes nos relations, à tous les niveaux, de manière extrêmement positive.

 

“(...) à Singapour, de nombreux secteurs sont également très compétitifs, ce qui contribue au charme unique de la ville” 

 

exposiiton de Melisa à Singapour
L’exposition photographique Two Rivers de Melisa Teo, visible sur le Anderson Bridge jusqu’au 31 mai

 

 

Qui est Stephen Marchisio, nouvel ambassadeur de France à Singapour ?

 

 

Quels sont, selon vous, les atouts de la France pour faire rayonner sa culture à Singapour, et quels en sont les éventuels défis dans un environnement aussi compétitif ?

Singapour est un pays unique, avec un lien historique fort avec la Chine, mais qui revendique une identité singapourienne marquée. C’est une société qui a aussi des liens étroits avec la culture occidentale, notamment américaine, ce qui se reflète dans son industrie cinématographique où se côtoient les blockbusters américains, mais aussi les grands films chinois. Dans ce contexte, la France apporte une vision du monde différente, qui ne s’inscrit pas dans la compétition sino-américaine, une compétition que Singapour, comme la France, ne cherche pas à alimenter. Côté culturel, le rayonnement de la France, premier pays touristique mondial, trouve également une résonance ici à Singapour. Ce pays est particulièrement réceptif à l’image que renvoie la France, notamment à travers la culture.

 

La culture française est bien comprise et appréciée ici, mais elle évolue dans un environnement très concurrentiel.

 

Prenez l'exemple des architectes français : la National Gallery de Singapour a été rénovée par un cabinet d’architecture français (studioMilou). Dans le domaine du cinéma, le dernier film de Catherine Deneuve (Yōkai, le monde des esprits) a été réalisé par le Singapourien Eric Khoo. Le cinéma français est régulièrement mis en avant à Singapour, notamment lors du Festival du Film Français vOilah! qui a lieu tous les ans en fin d'année. La culture française est bien comprise et appréciée ici, mais elle évolue dans un environnement très concurrentiel. En même temps, à Singapour, de nombreux secteurs sont également très compétitifs, ce qui contribue au charme unique de la ville.

 

 

 

 

Singapour, comme nous, considère que l’IA doit être gouvernée de manière intelligente.

 

La France et Singapour travaillent à renforcer leurs relations dans le cadre d’un Partenariat Stratégique Renforcé, avec un accent particulier sur des domaines comme la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Quel impact cette technologie pourrait-elle avoir sur le secteur des arts et de la culture ?

D'abord, sur le plan politique, la visite d’État du président de la République marquera la validation du Partenariat Stratégique Renforcé, un partenariat qui nous place parmi les pays ayant une relation très avancée avec Singapour. Concrètement, cela signifie que nous avons déjà une coopération très dense dans des domaines comme la politique, l’économie, la recherche, la technologie, l’innovation, la défense et la culture, et que cette coopération va se renforcer.

L’innovation, notamment avec l’intelligence artificielle, le quantique et les énergies renouvelables, occupera une place particulière dans cette collaboration. Par exemple, l’entreprise Mistral AI vient de s’implanter à Singapour, ce qui ouvre de nouvelles opportunités pour les entreprises françaises dans le secteur de la technologie. En ce qui concerne la culture, le président de la République a exprimé une vision pragmatique de l’intelligence artificielle : une opportunité extraordinaire, certes, mais qui nécessite une gouvernance et une régulation appropriées. Singapour, comme nous, considère que l’IA doit être gouvernée de manière intelligente. Dans le domaine de la création, l’intelligence artificielle peut enrichir le processus créatif, mais elle doit respecter les droits d’auteur et garantir que la création humaine demeure au cœur de l’innovation. Sans artistes, il n’y aura pas de création.

 

 

près de 1.000 entreprises françaises sont présentes à Singapour, représentant environ 40.000 emplois.

 

 

Stephen Marchisio, ambassadeur de France à Singapour

 

 

Depuis votre prise de fonction en janvier 2025 en tant qu’ambassadeur de France à Singapour, quels ont été les principaux axes de travail pour vous et votre équipe ?

Pour un ambassadeur qui arrive quelques mois avant la visite d’État du président de la République, la priorité est évidente : garantir le succès de cette visite. Le président de la République est très attendu ici, à la fois par les autorités singapouriennes et par la population. Cette visite, fin mai 2025, définira les axes de travail futurs, et nous nous y préparons activement. Dans la feuille de route qui se dessine, l’innovation, sous toutes ses formes, occupe une place centrale. La France et Singapour sont deux terres d’innovation. Singapour dispose d’une jeunesse bien formée, capable d’apporter une immense valeur ajoutée dans ce domaine. Bien entendu, cela inclut également la culture, les échanges humains, universitaires et étudiants (nous avons déjà environ 500 à 600 Singapouriens ou résidents à Singapour qui viennent étudier en France, et notre objectif est d'en faire davantage).

 

10 % des emplois singapouriens dans l’aéronautique sont portés par des entreprises françaises.

 

Nous souhaitons renforcer ces échanges, en particulier avec les étudiants d’élite singapouriens qui bénéficient de bourses d’excellence pour intégrer les meilleures écoles françaises, comme Sciences Po ou les grandes écoles d’ingénieurs. C’est un axe essentiel pour nous. D’un point de vue économique, près de 1.000 entreprises françaises sont présentes à Singapour, représentant environ 40.000 emplois. Par exemple, 10 % des emplois singapouriens dans l’aéronautique sont portés par des entreprises françaises. Ce volet économique est donc également très important et continuera de se développer.

 

 

Sur une note plus légère : quels sont vos lieux préférés à Singapour - que ce soit pour la culture, la nature - ou simplement pour vous détendre ?

Je n’ai pas encore de "coin secret" à Singapour mais j’ai la chance, grâce à l’ambassade de France, d’être proche du jardin botanique, un lieu que je privilégie pour courir le matin ou me promener le weekend. C’est un cadre magnifique pour se ressourcer, réfléchir et même rencontrer des animaux qu’on ne trouve que dans un climat tropical. L’Asian Civilisations Museum, quant à lui, dispose de hamacs à l'extérieur, et même si je ne me repose pas beaucoup, j’ai quand même pris le temps de me détendre dans l’un d’eux après une visite un samedi matin. En matière de restauration, Boat Quay propose des restaurants très sympas, notamment vietnamiens.

 

 

Stephen Marchisio, ambassadeur de France à Singapour

 

La France et Singapour partagent une passion commune pour la gastronomie. Quel est votre plat singapourien préféré ?

Le chicken rice, que j’ai bien sûr eu l’occasion de goûter ici, même si je n’ai pas encore exploré tous les hawker centers ni goûté tous les plats. Évidemment, à Singapour, on trouve aussi des restaurants haut de gamme, dont certains dirigés par de grands chefs français, mais la culture du hawker center, où toutes les générations se retrouvent, est un véritable symbole culturel ici. Le chicken rice est un plat typique de la nourriture des hawkers: c’est simple, facile et très bon!

 

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