Édition internationale

SOPHIE COLOMBET- "J’ai voulu être honnête avec moi-même"

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 19 mai 2014

Femme de Théâtre, professeur au cours Florent et metteur en scène, Sophie Colombet vit à Singapour depuis 4 ans. Elle enseigne le théâtre au LFS, dont elle a pris en charge cette année l'option Théâtre en plus des AES, et dans le cadre des « cours de Sophie C ». Rencontre avec une artiste passionnée de pédagogie qui raconte comment elle aime cultiver chez ses élèves « une sorte d'audace et un peu d'insoumission ».

Sophie Colombet - Crédit photo Anne Valluy
De la criminologie au théâtre

A quand remonte votre passion pour le théâtre ?
Sophie Colombet- Mon premier grand émoi, je le situe très précisément à la sortie du film « L'effrontée » de Claude Miller. J'avais l'âge de Charlotte Gainsbourg. Cela a été un choc. Cette sensation ne m'a jamais quittée.

Vous n'avez-vous pourtant pas démarré par des études de théâtre ?
- C'est vrai. Dans l'environnement familial, faire du théâtre n'était pas suffisamment sérieux. J'ai rassuré mes parents en faisant des études de droit et de criminologie. Ce qui m'a d'ailleurs beaucoup aidée par la suite, car les réalisateurs sont très friands de cette expertise qui permet de préciser, par exemple, si la langue d'un mort par pendaison pend ou non.

C'est une spécialité pas banale
- La criminologie m'a beaucoup plu par son coté scientifique. Ce ne sont pas des études de tout repos. Je me souviens notamment d'une visite à l'institut médico légal. Il fallait avoir le cœur bien accroché pour observer sans défaillir le découpage d'un macchabée. En fait j'étais très intéressée par cet environnement. j'aurais pu devenir commissaire de police ou bien encore magistrat.

Mais vous avez été rattrapée par le théâtre
- C'était une envie très forte. Je me suis inscrite au cours Florent un peu par hasard. J'ai beaucoup apprécié le style de l'école. Il y avait beaucoup « d'enfants de la balle ». Moi, j'étais tout à fait néophyte, mais j'avais une bonne structure et j'étais très organisée. C'est d'ailleurs ce coté « pieds ancrés dans la réalité » qui a plu à mes professeurs et au directeur de l'Ecole François Florent.

C'est important d'être « ancré dans la réalité ».  C'est un conseil que, devenue professeur, je donne souvent à mes élèves. La passion du théâtre chez beaucoup de jeunes procède du choc amoureux, avec ce que cette passion comporte d'exclusive et de rêve éveillé. L'ancrage dans la réalité est une respiration nécessaire.  

Qu'est-ce qui vous a amenée plus spécifiquement à l'enseignement et à la mise en scène ?
- J'ai voulu être honnête avec moi-même. En faisant le bilan, je constatais que je n'avais connu qu'une seule fois une vraie sensation d'acteur. C'était en jouant une comtesse dans Ainsi va le monde. C'était peu. Je me suis aussi aperçue que je m'exprimais mieux de la salle vers la scène, que de la scène vers la salle.
J'ai eu la chance que le directeur du Cours Florent m'offre l'opportunité de me former à  l'enseignement, en position d'assistante, sous la conduite de deux formidables professeurs et de deux réalisateurs de longs-métrages.

Les sensations et les satisfactions du professeur/metteur en scène sont-elles comparables à celles de l'acteur ?
- C'est moins exalté mais tout aussi gratifiant. Comme enseignante, je cherche à donner aux jeunes une sorte d'audace et un peu d'insoumission. Je les aide à exhumer leur imaginaire. C'est passionnant de les voir s'épanouir, souvent par ruptures successives, et se libérer.  Souvent les jeunes se trouvent banals. Le théâtre permet de leur montrer qu'ils ont une vraie singularité. Attention, Il faut être très prudent, car il est plus facile de les bloquer que de les faire éclore.

Le théâtre implique un très grand engagement. Je ne veux pas rester dans le confort. Il y a des impuissances et des fulgurances. Monter un spectacle, c'est beaucoup de sacrifices - notamment en termes de temps, toujours volé à la famille - et énormément d'énergie. Il y a des moments magiques quand il y a coïncidence entre les espoirs les plus hauts qu'on avait placés dans une scène et ce que donne l'élève. Il faut aussi gérer l'après. Souvent, après le spectacle, je n'ai plus envie d'en parler. Les acteurs voudraient le faire. Mais moi je suis vidée.

Toucher son rêve

Au cours Florent, puis chez Acting international vous étiez aussi en charge du casting, c'est encore un autre regard sur les comédiens.
- Au cours Florent, je gérais un fichier de 1500 photos. Les professionnels me sollicitaient quand ils cherchaient un profil particulier. Les demandes sont souvent extrêmement précises et exigeantes. Ozon, pour l'un de ses films, m'avait par exemple demandé de trouver un jeune éphèbe de 20-22 ans, très fin, les cheveux blonds cendrés.

C'est une position délicate car on fait beaucoup de déçus et parce qu'on est très convoité. C'est d'autant plus fort que les jeunes ont souvent le sentiment de jouer leur vie, leur carrière sur un rôle. Ils ne comprennent pas qu'on les écarte alors que c'est le cahier des charges qui est très spécifique. Souvent, d'ailleurs, les jeunes ne se connaissent pas vraiment sur scène et n'ont pas une idée claire des rôles qui leur conviennent le mieux. Et puis la carrière dans le théâtre impose des points de passage. Les jeunes comédiens ont souvent envie de rôles dans lesquels ils peuvent s'encanailler. Mais avant ces rôles, il faut passer par des rôles correspondants à l'image que les professionnels ont de vous .

Comment réagissez-vous vis-à-vis de vos élèves qui veulent faire du théâtre leur métier ?
Ma conviction, c'est que, quelle que soit la situation, il faut toucher son rêve pour revenir à la raison. Si un élève souhaite faire du théâtre, il faut qu'il tente l'aventure. Sinon, il le regrettera toute sa vie. Après il aura le temps de réfléchir et de revenir, le cas échéant, à d'autres projets.

Ce n'est pas une carrière facile
- Dans le domaine du théâtre, tout le monde peut y arriver, mais il y a peu d'élus. Il faut évidemment avoir du talent. Cela ne s'apprend pas. Mais le talent même n'est pas tout. Il faut avoir la foi, le sentiment que faire du théâtre est presque une question de vie ou de mort. Attention cela peut-être très violent !
 Ensuite il faut beaucoup travailler, lire, se cultiver, se décensurer. Le premier conseil est de commencer par faire des stages, d'apprendre à sentir et ressentir.

Gérer la mobilité

Vous avez vécu au Japon et vous êtes aujourd'hui à Singapour. Comment gére-t-on une carrière dans le Théâtre dans ce contexte de mobilité ?
-L'avantage avec le théâtre, c'est que je n'ai besoin d'emporter dans ma valise que mon envie et ma créativité. Je n'ai pas besoin d'une structure.

Les choses se sont chaque fois passées de manière naturelle. Quand je suis revenue du Japon, j'ai tout de suite eu une proposition de rejoindre Acting. Quand je suis venue à Singapour, j'ai été contactée, avant même de partir, par des gens du lycée français qui savaient que j'arrivais et me proposaient de prendre en charge l'enseignement du théâtre dans le cadre des AES.

Des projets pour l'avenir ?
J'aimerais (re)écrire. J'avais commencé en France l'écriture d'un scénario avec une scénariste. Pourquoi pas une pièce policière ? Une énigme à la Cluedo ?

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour)

Photo Sophie Colombet- Crédit Photo: Anne Valluy

A l'affiche cette semaine: "Pinocchio" – Un spectacle "pour Adultes à partir de 8 ans", mis en scène par Sophie Colombet dans le cadre de l'option théâtre qu'elle anime au LFS. Représentations du jeudi 22 au samedi 24 mai à 20h00. Séance supplémentaire en mâtinée le samedi 24 mai à 15h00. Lieu : Amphithéâtre du LFS. Entrée gratuite sur réservation pinocchio.lfs@gmail.com ou sur place sous réserve de disponibilité (voir PINOCCHIO - Le spectacle de l'option théâtre du LFS, du 22 au 24 mai)

logofbsingapour
Publié le 19 mai 2014, mis à jour le 19 mai 2014
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