Journaliste et écrivain, passionnée par les aventures humaines et par l'Asie, Anne Garrigue excelle dans l'écriture de portraits vifs et précis. Après 40 portraits d'entrepreneurs français en Asie du Sud-Est, elle porte cette fois-ci son regard sur la Chine, avec une nouvelle série de 50 portraits. Un caléidoscope de destins individuels et d'expériences qui offre, par sa diversité mais aussi par certaines constantes, une perspective unique sur l'aventure d'entreprendre en Chine.
L'aspirant entrepreneur en Chine, comme tous ceux et celles que le pays-continent intrigue ou fascine, pouvait-il rêver mieux que d'être accompagné, dans sa découverte, par non pas 1 mais 50 guides. 50 entrepreneurs français qui, sous la plume d'Anne Garrigue, livrent sans faux fuyants, le récit de leurs aventures en Chine.
Aventuriers des temps modernes
Car c'est bien d'aventure qu'il s'agit. Dans un livre précédent, publié en 2011, Anne Garrigue s'était intéressée aux entrepreneurs français en Asie du Sud-Est, qu'elle comparaît à des "aventuriers des temps modernes". La formule n'est probablement nulle part aussi vraie qu'en Chine, où tout est gigantesque, autant les promesses d'un marché immense que les difficultés d'y établir et faire prospérer son activité.
Les 50 entrepreneurs français dont on découvre les portraits ont eu des expériences très différentes, fonction de leur parcours, de la nature de leur projet et des circonstances. Certains dirigent aujourd'hui des entreprises de taille importante. D'autres ont un staff qui se limitent à une stagiaire.
Les secteurs couverts, précise l'auteur dans la préface du livre, "reflètent des constantes du génie français. Forte présence dans l'agroalimentaire, le vin, les loisirs, le tourisme, la mode et le design. Les entrepreneurs français en Chine sont aussi très actifs dans l'informatique, l'évènementiel et la communication, les services financiers. Ils s'imposent en force, sinon en nombre, dans des secteurs plus lourds tels que la logistique, le contrôle qualité ou la production industrielle. Trois entrepreneurs ont choisi les services liés à l'éducation et deux sont dans l'import-export".
"Ma mère m'avait toujours interdit d'avoir une moto? "
Il y a des entrepreneurs connus, comme Dan Serfaty, fondateur de Viadeo en France, qui s'est établi en Chine pour y développer l'activité de son réseau social dans une version ? Tianji ? 100 % made in China. Il y a des histoires d'amitiés, formées à l'école hôtelière de Lausanne, qui se prolongent, entre autres entreprises, dans la création commune, à Shanghai, d'un "café des stagiaires", qu'on a hâte de découvrir. Il y a encore des créations, comme celle de "Shanghai Insiders", qui tiennent à des passions longtemps retenues, du genre "ne dites pas à ma mère que? ", auxquelles la Chine a offert un espace naturel d'expression. Quand Anne Garrigue interroge Thomas Chabrières, le fondateur de "Shanghai Insiders", un service de découverte touristique de Shanghai en side-car, pourquoi il a fait le choix du side-car, la réponse vient du coeur : "ma mère m'avait toujours interdit d'avoir une moto et, à 19 ans, en arrivant à Pékin, j'ai acheté immédiatement un side-car à un garçon de café sur Sanlijun".
Parmi les entrepreneurs dont Anne Garrigue rapporte le parcours, "3 n'avaient pas 25 ans au moment de la création, et 16 avaient entre 25 et 30 ans". "La plupart des entrepreneurs avaient déjà une solide expérience professionnelle avant de se lancer et beaucoup avaient un bon niveau de chinois, même si cette condition n'est pas une condition sine qua non". "21 sont partis seuls à l'aventure, 6 l'ont fait en couple et 26 avec un ou plusieurs associés. 7 seulement ont misé sur un partenariat avec un Chinois, ou une joint venture (JV)."
Pourquoi ont-ils choisi de se lancer en Chine ? "Certains, indique Anne Garrigue, ont eu un coup de c?ur pour la Chine. D'autres ont fait un choix raisonné, avec la volonté, après un contrat qui se termine, de rester en Asie, et d'entreprendre dans un pays doté de solides atouts dans leur domaine de prédilection".
Comment cela s'est-il passé ? L'auteur des 50 portraits en donne une synthèse nuancée : "Une fois le saut effectué tout n'est pas simple pour autant. D'abord il faut trouver un statut légal qui corresponde à ses activités dans un contexte où l'état de droit n'est pas toujours assuré et où sévissent des "arnaques" en tous genre. Du vol à la corruption, les mésaventures sont légion. Sans compter les problèmes de propriété intellectuelle et les tracas administratifs. Certains comparent le climat des affaires à un ring de boxe. "C'est le Far West, tous les coups sont permis", explique Dan Serfaty de Viadeo, qui s'en accommode".
Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) lundi 3 novembre 2014
Anne Garrigue a vécu plus de 20 ans en Asie, notamment au Japon, en Chine et à Singapour. Pendant son séjour à Singapour, elle nous a fait le plaisir de nombreuses collaborations avec lepetitjournal.com/singapour dont nous avons la nostalgie.