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La crêperie Madam Flod jette l’ancre à Singapour, au cœur de South Bridge Road

À midi, le soleil tape sur South Bridge Road, l’une des artères animées du centre de Singapour. Quelques immeubles de bureaux, des hôtels et un flot continu de passants. Derrière une baie vitrée, une odeur de beurre fondu vient happer les narines. Madam Flod, crêperie bretonne - mais aux origines suédoises - a ouvert ses portes en mars 2025, et ne désemplit pas. Reportage de la rédaction.

Madam Flod à Singapour, une crêperie qui cherche son ancrageMadam Flod à Singapour, une crêperie qui cherche son ancrage
Madam Flod à Singapour, une crêperie qui cherche son ancrage
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 30 septembre 2025, mis à jour le 2 octobre 2025

 

Les galettes s’enchaînent, trois par trois, les assiettes fumantes et beurrées s’éparpillent, le rythme s’accélère d’un coup.

 

“Bienvenue” en français est lancé du fond de la salle lorsque nous franchissons les portes du restaurant Madam Flod. A notre arrivée vers midi un jour de septembre, quelques tables sont encore libres. À 12h15, une grande tablée de six arrive. Ils ne commandent que des crêpes sucrées et des boissons caféinées. “C’est un peu la tendance des Singapouriens dont le palais est plutôt sucré. Le lieu est encore souvent considéré comme un café alors que nous sommes bel et bien un restaurant”, confie Nathan Nuzzo, le propriétaire français, depuis sa cuisine ouverte sur la salle. À 12h30, le restaurant est plein, n’espérez plus une table sans attendre un peu. Les galettes s’enchaînent, trois par trois, les assiettes fumantes et beurrées s’éparpillent, le rythme s’accélère d’un coup. C’est comme ça tous les jours ? “Oui, le samedi et le dimanche midi, il faut absolument réserver. Tout le monde nous disait : vous êtes dans le quartier d’affaires, le weekend, vous serez vides. Eh bien non. On est complets !” s’amuse Nathan entre deux galettes. La clientèle est très mixte - locaux, expatriés français, touristes étrangers -  “Et ça, c’était une vraie surprise pour nous.” 

 

Madam Flod  47 South Bridge Road, Singapour 058680 - Plus d’informations :  Sur Instagram ou en ligne 

 

 

Nathan Nuzzo monte une crêperie à Singapour
Nathan Nuzzo, originaire de Bretagne, et sa femme Enikő 

 

 

 

Madam Flod, une histoire de navigation et de hasard

Derrière ce nom mystérieux se raconte une trajectoire atypique. Nathan Nuzzo, originaire de Bretagne, et sa femme Enikő, Hongroise, ont d’abord posé leurs billigs -  plaque épaisse circulaire utilisée en cuisine bretonne - sur un bateau en Suède. Le bateau s’appelait Madam Flod. Superstition oblige, ils n’ont jamais changé le nom, qui est celui d’une héroïne littéraire là-bas. En Suède, le couple et son équipe naviguent, proposant un restaurant sur les flots, “un peu comme le boulanger qui se déplaçait de village en village dans mon enfance”, raconte Nathan.

En 2025, Nathan et Enikő décident de poursuivre leur aventure à Singapour, emportant Madam Flod avec eux. Pourquoi ici ? “En Suède, il faisait un peu trop froid”, lâche spontanément Nathan, mi-sérieux, mi-taquin. “Enikő y a travaillé en 2019, juste avant le Covid. Nous avons eu envie d’y revenir avec notre bagage breton et scandinave”. 

 

 

Dans le menu il est écrit : “une galette est réalisée pour une personne. Les Français ne partagent pas ! (“French don’t share !”)”. Il faut dire que les Singapouriens ont tendance à commander des plats à consommer ensemble.

 

menu de Madam Flod

 

 

 

Les billigs, le beurre avec ou sans sel et l’adaptation

La salle est lumineuse, ouverte sur la cuisine. 12h45 c’est le coup de feu, les trois billigs chauffent en continu. Ici, tout est fait à la minute, sous les yeux des clients. Une galette qui crépite, une noisette de beurre file jusqu’aux bords croustillants. Tradition bretonne oblige, l’assiette est beurrée avant de recevoir la crêpe. Mais l’authenticité demande parfois des compromis. Les palais singapouriens, habitués à plus de sucre et moins de sel, trouvaient les galettes trop corsées. Résultat, Nathan décide de retirer quelques grammes de sel dans la pâte de blé noir. Le cuisinier garde tout de même du beurre demi-sel à la demande de certains clients, souvent français. Une autre adaptation locale : la galette ratatouille, sans fromage. La recette est maison, mijotée à l’huile d’olive. Les produits sont nobles et viennent parfois de loin à l’instar du chorizo qui est importé d’Espagne ou du jambon blanc en provenance d’Italie. Pas question de transiger sur la qualité.

 

 

Madam Flod en plein feu à Singapour

 

 

En découvrant le menu, nous nous amusons d’une phrase : “une galette est réalisée pour une personne. Les Français ne partagent pas ! (“French don’t share !”)”. Il faut dire que les Singapouriens comme dans d’autres pays asiatiques  ont tendance à commander des plats à consommer ensemble. De notre côté, nous commandons une galette signature et une complète. Les saveurs nous ramènent en France, le croustillant de la pâte fait l'unanimité. Pas de doute, la Bretagne est bien représentée. Pour le dessert, nous tentons tout naturellement la crêpe Pandan Kaya, syncrétisme délicieux à condition d’avoir encore faim après la galette ; le mets est costaud ! Ce qui se commande le plus ? “La crêpe beurre sucre citron” répond sans hésiter Nathan, “je les fais presque à la chaîne !” 

 

 

 

crêpe Pandan Kaya
crêpe Pandan Kaya de Madam Flod 

 

 

Nous ne voulons pas être un effet de mode. Nous voulons bâtir quelque chose de durable, comme nous l’avons fait en Suède

 

 

madam flod, une clientèle mixte

 

 

 

Nouvelle adresse bretonne à Singapour, la volonté de durer

A peine six mois après l’ouverture, Madam Flod est repérée par les médias locaux. Une vidéo publiée en août a frôlé le demi-million de vues sur Instagram.  Dans un paysage culinaire singapourien où les concepts « trendy » apparaissent et disparaissent en quelques mois, Nathan et Enikő veulent jouer la carte du temps long. “Nous ne voulons pas être un effet de mode. Nous voulons bâtir quelque chose de durable, comme nous l’avons fait en Suède”, confie le couple à la fin du service.  Durable et généreux comme ces galettes servies bien dorées et beurrées à souhait. À South Bridge Road, la Bretagne a trouvé son ancrage. 

 

 

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