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PHILIPPE BAIJOT- Président de LANSON - : « On boit du champagne quand on est heureux »

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 7 décembre 2014, mis à jour le 8 décembre 2014

Originaire des Ardennes, le Président de Lanson, Philippe Baijot, qui était de passage à Singapour à l'occasion d'une réunion de l'ordre des coteaux de Champagne, s'est imposé dans l'univers très exclusif des producteurs-négociants de Champagne en reprenant plusieurs marques prestigieuses. Une histoire d'amitiés et de passion pour cette boisson à la robe dorée, pétillante et magique.

Comment décrire cette passion pour le champagne ?
Philippe Baijot ? Le champagne a une part de magie et de rêve. Regardez, quand les gens évoquent le champagne, ils sourient. C'est plein d'inconscient. On ne boit pas du champagne quand on a un coup de blues. Le champagne est quelque chose que l'on partage. Il y a toujours un élément de complicité, d'amitié, d'amour?

Vous n'êtes pas issu du sérail des producteurs-négociants de Champagne, quel a été votre parcours ?
? Je suis originaire de l'Aisne. Mon père était fondeur dans les Ardennes, dans la région de Château Thierry. Au sortir de mes études à l'ESC Reims, je me suis pris de passion pour le Champagne mais n'ai pas pu tout de suite y travailler. On était en 1973 au moment de la guerre du Kippour et du choc pétrolier. Or, le champagne est extrêmement lié à la paix. On boit du champagne quand on est heureux, pas quand les gens souffrent. Deux ans plus tard, j'ai finalement rejoint  une petite maison de Champagne : Abel Lepitre. Et puis j'ai fait la connaissance d'une personne exceptionnelle ? M Gaston  Burtin, de la société Marne et Champagne ? auprès de laquelle j'ai travaillé pendant 12 ans, entre 28 et 40 ans, jusqu'au moment où il a confié les rênes de l'entreprise à sa petite nièce.

Dans quelles circonstances avez-vous décidé alors de créer votre propre entreprise ?
? Depuis mes années d'études, j'étais resté lié d'amitié avec Bruno Paillard, qui avait créé sa propre entreprise, Champagne Bruno Paillard, 10 ans plus tôt. En 1991, nous décidons de racheter ensemble la maison Chanoine Frères. Chanoine est l'une des plus vieilles maisons de négoce puisque ce fut la deuxième à être créée, en 1730, juste après Ruinart, lorsqu'un édit de Louis XV, en 1728, en permettant la libre circulation du vin de champagne en bouteille, a marqué le début du négoce.

Que représente exactement cette activité de négoce ?  
? Le négociant achète le raisin aux producteurs. Il fabrique le vin et en assure la commercialisation. Grâce à mon expérience précédente, je connaissais bien la distribution en Europe. Très vite cependant, nous nous sommes trouvés confrontés à des difficultés d'approvisionnement auprès des producteurs de raisin. En 1994, la famille Boizel (5ème génération) nous a rejoints. Elle nous a apporté ses approvisionnements et une grande complémentarité avec les activités de Chanoine.

De Chanoine à Lanson, comment l'entreprise s'est-elle ensuite développée ?
? Le négoce de vin de champagne est très gourmand en capitaux. Pour une bouteille, il en faut 3 derrière, compte tenu du cycle fabrication ? stockage-commercialisation. Le problème est que le raisin de champagne est le plus cher du monde : entre 5,5 et 7,5 ? le kilo.  Et il faut 1,2 kilos de raisin pour faire une bouteille. Ce besoin de fonds propres nous a amenés à introduire notre société (BCC - Boizel Chanoine Champagne) en Bourse, en 1996. Cela nous a permis de créer des locaux pour que Chanoine crée son vin.  Puis nous avons successivement racheté Philipponnat, dont l'un des vins ? Le clos des Goisses ? est le Pétrus de la Champagne, De Venoge, Alexandre Bonnet et enfin la maison Marne et Champagne, qui avait elle-même racheté Lanson quelques années plus tôt.

Dans quel état se trouvait Lanson ?
? Lanson avait connu une histoire mouvementée et avait souffert, mais la maison bénéficiait d'un vin de grande qualité et d'un grand nom. Les vignes avaient été toutes revendues, sauf 1ha au c?ur de Reims. J'ai pris la décision d'en faire un clos de prestige avec une vinification à l'ancienne et de petits tonneaux. Il fallait remotiver les équipes. Dans ces cas là, il faut montrer l'exemple : travailler dur, cultiver une éthique exigeante. Lanson s'était éparpillé dans la création de multiples filiales, nous avons du rationaliser. J'ai fait redessiner la croix de Malte qui ornait les bouteilles, mais qui n'avait pas de sens, en la stylisant et en passant du blanc au rouge. Elle est devenu le signe distinctif de Lanson.

Comment développe-t-on une marque comme Lanson en Asie?
? En Asie, les deux pays phares sont l'Australie et le Japon. Singapour est pour nous un lieu de consommation, surtout porté à ce jour par les expatriés, mais nous réfléchissons à la mise en place d'une plateforme en Asie qui pourrait être créée quelque part par ici. En Chine, c'est compliqué. Pour le moment les Chinois, d'une manière générale, ne sont pas très « bulle ». Ils achètent du Champagne parce que c'est un produit de prestige pour l'offrir à des personnes qu'ils veulent honorer. Au Japon, le champagne est beaucoup consommé par les femmes. Celles-ci se retrouvent souvent entre elles. Le 1er verre est souvent une coupe de champagne.

La consommation de Champagne augmentant à l'international, comment la production sera-t-elle capable de suivre ?
? Aujourd'hui la production de champagne s'appuie sur 33000 ha de vignes qui permettent de produire 300 à 320 millions de bouteilles. Au XIXème siècle le territoire de Champagne était beaucoup plus planté en vignes. Les vignobles ont été ravagés par le phyloxera et par les combats de la première guerre mondiale. La carte du champagne actuelle est celle qui a été établie en 1927. A l'époque, de nombreux villages n'avaient pas voulu replanter des vignes, préférant se tourner vers d'autres cultures. Aujourd'hui, ces villages souhaitent replanter des vignes. Une commission indépendante a été mise en place pour donner des autorisations de produire du raisin avec l'appellation Champagne.

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) lundi 8 décembre 2014

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Publié le 7 décembre 2014, mis à jour le 8 décembre 2014

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