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CINEMA – Apprentice, le film événement de Junfeng Boo

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Boo Junfeng (c) Corinne Mariaud
Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 27 juin 2016, mis à jour le 27 juin 2016

A partir du 30 juin, dans les salles de Golden Village sera projeté Apprentice  film du réalisateur singapourien Junfeng Boo, 32 ans. Sélectionné cette année à Cannes dans la sélection Un certain regard, ce film traite d'un sujet hautement sensible : celle de la peine de mort abordée par le biais d'une relation particulière et intime entre un bourreau et son apprenti.

Junfeng Boo n'en n'est pas à son premier coup d'essai. Son premier film Sandcastle avait déjà été sélectionné à Cannes et remporté de nombreux prix.  Six ans après, il réitère avec brio sur un sujet difficile à aborder. On a voulu en savoir un peu plus sur ce jeune réalisateur exigeant et  très remarqué.  

Vous êtes rentré du Festival de Cannes il y a quelques semaines maintenant. Comment a été accueilli votre film ?

Junfeng Boo - J'étais, bien entendu, très nerveux de montrer mon film  qui représentait pour moi 5 années de travail. Je savais que le sujet présenté était universel même s'il  fait apparaître une certaine ambivalence du jeune personnage. A la fin de la projection, il y a eu une standing ovation. Cela nous a beaucoup encouragés. Cette année, Apprentice était présenté dans la sélection Un certain regard.

Cette fois ci, j'ai mieux profité du festival que lors de ma première sélection pour Sandcastle (en 2010 dans le cadre de la semaine de la critique).  Et ce qui m'a frappé d'ailleurs est de voir la fragilité des réalisateurs confirmés. Je ne suis pas le seul à être dans cet état ! A Cannes, notre travail est très exposé, critiqué, commenté. Ils étaient aussi nerveux qu'un jeune réalisateur comme moi !

Dans ce festival international, beaucoup de cinéma et de réalisateurs d'horizons différents se mélangent. Quelles ont été vos influences ? Quel cinéma vous touche plus particulièrement ?  

- Plus jeune, j'étais très attiré par le cinéma taïwanais des années 80. J'admire beaucoup les réalisateurs taïwanais, comme Ang Lee par exemple. En Europe, le cinéma intimiste et réaliste des Frères Dardenne, grands habitués de Cannes me touche particulièrement.
Comme toute ma génération, j'allais beaucoup voir les productions hollywoodiennes.  Mais en fait, j'ai très vite voulu savoir ce qui se passait « derrière la scène ». Comment un film est réalisé ? Comment est-il monté ? Qui dessine les costumes ?

Après le succès de SandCastle, vous avez passé beaucoup de temps avant de sortir votre second film, pourquoi un tel délai ?

- J'ai réalisé mon premier film assez jeune. Pour me lancer dans un second projet, j'avais besoin de prendre du temps, de comprendre mieux la vie. Et puis le projet que je souhaitais faire, devait prendre du temps pour être bien traité. Pour moi, un film doit être nuancé, ouvrir l'esprit des spectateurs, inspirer de l'empathie, provoquer des discussions J'ai toujours  été intéressé par les sujets de société et en particulier celui concernant la peine de mort. Souvent, les films sur ce sujet adoptent le point de vue du prisonnier : on pense souvent à celui qui va être exécuté mais j'ai l'impression que l'on ne pense pas souvent que derrière cette exécution, il y a  une personne ou un groupe de personnes qui exécutent. C'est un être humain qui actionne le levier et  j'étais très curieux d'en apprendre plus sur cette question, sur l'être humain derrière la décision de justice. Surtout, je ne souhaitais pas fonder mon scénario uniquement sur ce que je lisais, je voulais rencontrer des personnes impliquées. C'est pour ces raisons que j'ai pris mon temps, pour être au plus juste. Je n'ai pas rencontré seulement d'anciens bourreaux, mais aussi des conseillers religieux, une association qui intervient dans le couloir de la mort, des familles de condamnés. Et bien entendu, cela prend du temps pour que les personnes puissent vous accorder leur confiance. Cela a été une expérience enrichissante qui m'a fait appréhender la complexité de cette sentence. Et, je souhaitais que mon film rende compte de cette complexité.

Votre film a t'il été facile à financer ?

- Cela fait également parti des raisons de ce temps passé. On a fait appel à de nombreuses sources de financement, notamment à l'étranger.  C'est une co-production franco-singapourienne. J'ai reçu de nombreux supports en Europe, en Asie. A Singapour, le Media Development Authority (MDA) m'a également apporté son soutien.

Comment s'est déroulé le tournage dans un milieu carcéral ?

- Le film se déroule dans une prison fictive qui représente le cheminement mental d'Aiman, le jeune officier. Ce lieu particulier sombre, où le moindre bruit résonne,  est un personnage à part entière. La potence à deux étages a été filmée dans un immeuble abandonné à Singapour. Sa conception a été réalisée grâce aux témoignages d'anciens bourreaux et à une documentation précise.

Concernant les autres parties de la prison, pour des raisons pratiques, nous avons tourné en Australie, dans des infrastructures hors service aujourd'hui. Les autres endroits, comme les bureaux, les archives et les extérieurs, l'appartement HBD d'Aiman  ont été tournés à Singapour. L'enjeu principal était de faire coïncider l'ensemble de tous ces décors pour créer une unité.

Comment avez vous réalisé le casting du film et trouvé ces 2 acteurs principaux, malais d'origine ?

- Nous avons réalisé un casting à l'aveugle sans chercher particulièrement des acteurs issus de telle ou telle communauté. Nous voulions des acteurs singapouriens donc nous avons réalisés un casting à Singapour et en Malaisie. Nous avons trouvé Wan Hanafi Su, qui joue Rahim le bourreau et Fir Rahaman qui joue Aiman, le jeune apprenti. Il y avait une belle alchimie entre eux. J'ai donc réécris mon scénario pour intégrer cette nouvelle dimension : deux personnages qui parlent entre eux leur langue maternelle. Cela a renforcé leur lien intime.

Qu'attendez vous de sa sortie à Singapour ?

- Vous savez ce film porte sur un sujet dont personne n'aime discuter.   Il a été tourné en malais et anglais, dirigé par un réalisateur d'origine Chinoise, ce qui est une première à Singapour. J'ai des très bons distributeurs ici, ce qui est important : Clover films et Golden Village. Je reçois déjà beaucoup de soutien. J'aimerai continuer à faire des films.  

Après ces 2 films remarqués et diffusés à l'international, avez-vous l'impression de représenter le cinéma singapourien ?

- Pour moi, l'important est de faire des films. Je ne pense pas trop à cela. Par contre, je m'intéresse au cinéma singapourien en général. Je pense cependant que l'on ne peut pas définir le cinéma singapourien aujourd'hui. C'est vraiment trop tôt.

Avez vous déjà commencé à écrire votre prochain film ?

- Oui, j'ai des idées. Encore une fois, je suis intéressé par le côté humain des grandes questions de société, de faire apparaître le côté personnel et intime. Je pense que c'est plus facile de faire un film polémique et intellectuel sur des sujets difficiles. Quand on regarde un film, même si c'est une fiction, on expérimente l'histoire d'un être humain et c'est ce point de vue là qui m'intéresse.

Propos recueillis le mardi 28 juin 2016

Le film Apprentice est sorti en France le mercredi 1er juin. Il sort à Singapour dans les réseaux Golden Village à partir du 30 juin avec le visa M18

Photo Corinne Mariaud

clémentine de beaupuy
Publié le 27 juin 2016, mis à jour le 27 juin 2016

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