Son restaurant, boulangerie, pâtisserie: D0.MAIN, fait la part belle au Goût français, avec un grand G. Génie dans l'art de saisir les opportunités et fort de son savoir-faire irréprochable, Frédéric Deshayes n'est pas un grand pâtissier par hasard?
Comment êtes-vous ?tombé dans la marmite?, piqué par les métiers de bouche?
Frédéric Deshayes - A treize ans. C'est très simple: notre voisin à Beynes, tout près de Plaisir dans les Yvelines, était cuisinier. Nos familles étaient très liées et organisaient de nombreuses fêtes. Mes parent n'avaient aucune attirance particulière pour la cuisine. Moi, j'adorais curieusement l'aider. L'école avec tous les cours théoriques, m'ennuyait; j'avais redoublé plusieurs fois? Sur les conseils de notre voisin, j'ai intégré un Lycée professionnel et passé haut la main mon BEP de cuisine: de dernier de classe pendant 13 ans, je caracolais en tête de classe!
A quel moment avez-vous développé une affinité avec la pâtisserie?
- En fin de CAP. J'ai souhaité faire mon apprentissage en pâtisserie.
BÛCHE ?ABSOLU? CHOCOLAT CARAMEL VANILLE DE CHEF FRÉDÉRIC DESHAYES, D0.MAIN RESTAURANT, BOULANGERIE ET PÂTISSERIE Sans Gluten. Pour 10/12 personnes MATÉRIEL: 1 moule à Bûche20 cm de long , 1 moule même forme mais de taille légèrement inférieure (15 -16 cm env).
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Qu'est ce qui vous a attiré dans la pâtisserie?
- La beauté de la précision, de la structure, de la rigueur des recettes et des procédés. Plus que le goût. Je n'aime pas spécialement le sucré? Je sais que cela surprend, pour un pâtissier. Mais j'aime offrir du plaisir aux gens. Plaisir en bouche, plaisir dans l'assiette: une belle oeuvre parfaite.
Et la première merveilleuse opportunité de votre carrière s'est présentée?
- Oui. Lenôtre? C'était incroyable, inespéré. A seize ans, j'ai été pris chez Lenôtre comme apprenti. Après un mois à l'essai, j'ai été confirmé. J'y suis resté deux ans. J'ai tout appris. Une école de rigueur absolue, un niveau d'exigence maximal, une précision? d'horloge suisse. Je suis ressorti en 1988 avec un CAP et la carte de formation Lenôtre. C'est une belle carte de visite pour démarrer. Ma technique, je l'ai apprise fondamentalement là-bas. Depuis, j'ai découvert des créateurs géniaux de saveurs et de parfums en pâtisserie, mais je n'ai jamais rencontré de plus pure, plus solide et plus fondamentale technique que celle enseignée par Mr Lenôtre.
Vous avez été marqué à vie par cet apprentissage; Sur quoi reposait l'enseignement?
- Sur une volonté de Mr Lenôtre: hisser la pâtisserie au rang de spécialité gastronomique à part entière, lui donner ses lettres de noblesse. Donc la perfection dans la technique était primordiale.
Et les points forts de votre parcours, ceux qui vous amené à ouvrir votre propre restaurant aujourd'hui, vers East Coast?
- J'ai toujours saisi toutes les opportunités qui m'ont été offertes: Chef pâtissier au Pré Catelan à 18 ans, Bruxelles pr ouvrir un restaurant, Séoul pour ouvrir la première pâtisserie Lenôtre : énorme travail d'éducation des consommateurs; passionnant. Petit séjour fabuleux au Japon, dans la campagne reculée de Kyoto, avec une des meilleures boulangeries/pâtisseries du pays. Rencontre fortuite avec Christophe Michalak? encore peu connu, mais prometteur? On tisse des liens. Lui aussi sortait de l'école Lenôtre. J'avais l'intuition qu'il décollerait brillamment.
C est Michalak qui a parlé de moi à Pierre Hermé en 2002? Juste avant l'épique Envoyé Spécial qui a fait décoller Pierre Hermé et son approche moderne et originale: simplicité des recettes mais recherche sophistiquée de goûts puissants, d'associations de saveurs, de couleurs et de présentattion? détonnants à l'époque.
On sent une flamme lorsque vous évoquez Pierre Hermé; que vous a-t-il apporté?
- Deux choses: Une liberté créatrice en osant des associations iconoclastes à l'époque, comme dans son célèbre Tango (tarte parmesan, framboises et confit de poivrons rouges). Et une conception de la pâtisserie comme une collection de haute couture: un style et un thème chaque année, présentation à la presse par tout le personnel, dans une mise en scène de défilé de mode.
J'ai travaillé pendant un an dans l'atelier de Pierre. Quelle richesse de goûts, quelle rigueur des procédés? Oui, j ai appris à décloisonner la pâtisserie avec Pierre.
C'est alors que Michalak vous recontacte pour enseigner puis l'assister au Plazza Athénée? c'est une valse qui donne le tournis !
- Oui ! Mais j'ai toujours embrassé le changement. Et quant bien même j'adorais mon travail dans le baboratoire de Pierre, j'ai immédiatement accepté d'aller enseigner au Cordon Bleu, alors dirigé par un ami de Christophe Michalak. Je me suis découvert une âme de pédagogue? que j'utilise aujourd'hui dans mon restaurant! Après, j'ai rejoint Christophe au Plazza; il était le chef Pâtissier d'Alain Ducasse. Nous avons fait de belles choses là-bas : il venait d'être consacré champion du monde de la pâtisserie et le restaurant ne désemplissait pas. C'était en 2005.
? Encore du mouvement car vous avez bien dû atterrir à Singapour à un moment?
- Le monde de la restauration haut de gamme est petit. Tout le monde se connait et, aussi surprenant que cela puisse paraître, s'entraide. C'est Michalak qui m'a encouragé à accepter la proposition d'un collègue rencontré en Corée auparavant, pour créer le programme de la première école de cuisine internationale qui se créait à Singapour en 2006, et pour l'enseigner: AT-Sunrise. 6 étudiants le 1er jour en 2006. 1000 en 2010, dont 200 en pâtisserie et un diplôme désormais reconnu par le gouvernement singapourien. Je suis particulièrement fier de cette aventure.
Et le merlion de Singapour a eu raison de votre insatiable ?bougeotte??
- Ha! Ha!... En tout cas, j'ai suffisamment aimé le coin pour sauter sur une nouvelle opportunité : m'associer avec le directeur d'AT-Sunrise, ancien chef au Ritz-Carlton, pour ouvrir Do.Main fin 2014, un restaurant français, boulangerie, pâtisserie fine, sur East Coast, Tanjong Katong road, un quartier authentiquement singapourien et paisible.
Le public vous associe davantage à une boulangerie-pâtisserie d'exception qu'à un restaurant. Pourtant vous proposez une carte réduite mais infiniment tentente de ?bons petits plats français?. Quels sont-ils?
- Ma réputation de pâtissier n'est plus à faire; j'ai appris la boulangerie par passion au Japon car j'étais associé à un boulanger francais Meilleur Ouvrier de France.
Ce que le public ne sait pas assez, c'est que nos plats traditionnels salés sont réalisés avec le même degré de professionalisme et de rigueur que le reste. Et qu'ils sont délicieux!! (confit de canard, boeuf bourguignon, escargots de Bourgogne, soupe à l'oignon français?).
Quel est votre souhait à court terme?
- Que les gens découvrent le restaurant aussi; que la clientèle locale, mi expat jeunes couples, mi singapourienne, nous connaisse davantage? Nous faisons peu de publicité? peut-être devrions-nous!
Après avoir dégusté vos spécialités, tant salées et chaudes (boeuf bourguignon fondant), que de boulangerie (pain au levain d'une légèreté étonnante) et de pâtisserie (totalement addictive tarte fine ganache chocolat et nougatine?), nous envions ceux qui habitent dans votre coin et enjoignons les autres à venir et revenir, comme nous! Les bûches de Noël, sur commande, sont sans doute les plus fines, les plus ?haut de gamme? de Singapour, dans toute l'excellence de la tradition française. On a tellement envie de faire un ?pré-Noël? dès ce week-end!... (voir article vendredi)
- Venez! La bûche, c'est maintenant. Il faut saisir les opportunités quand elles se présentent, n'est-ce pas?
Michèle Thorel (www.lepetitjournal.com/singapour) jeudi 15 décembre 2016
DO.MAIN ? 226, Tanjong Katong Rd- S 437015- T: 6348 1406