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HANIBAL SROUJI- Un artiste contre l’indifférence face à la violence.

hanibal SROUJI et les HEALING BANDS hanibal SROUJI et les HEALING BANDS
Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 mars 2017

 

Sourire accroché aux lèvres et regard pétillant des hommes curieux, Hanibal SROUJI, 60 ans, nous reçoit chaleureusement pour parler de sa nouvelle exposition Burning Landscapes présentée à la galerie Intersections  avec l'artiste Tania Nasr. Il évoque pour nous son parcours d'artiste et revient sur son rapport à la violence depuis la guerre qui a ravagé son pays, le Liban.  

 

L'artiste Hanibal Srouji et ses peintures Healing Bands 

 

 Son rapport à une francophonie culturelle 

Semaine de la Francophonie oblige, nous demandons à cet artiste libanais qui a vécu à Montréal, à Nîmes et à Paris ce que cela évoque pour lui « La francophonie pour moi est multiple. Elle évoque à la fois mes origines et mes pays d'accueil ». Né au Liban, de parents francophones et francophiles, Hanibal a quitté son pays ravagé par la guerre en 1976. Et, à 18 ans, il commence alors une vie à l'étranger, de déracinement. Au gré des opportunités et des rencontres, il se forge son regard d'artiste. Il part étudier à Montréal, puis enseigner aux Etats-Unis, et retourne aux Beaux-Arts de Nîmes. Et précise dans un souffle chaleureux et un regard d'artiste que pour lui, le Sud de la France n'est pas qu'un lieu mais aussi une lumière. Et quelle lumière ! Celle qui inspire les plus grands artistes. 

Après cet exil, il retourne au Liban. Pour lui, être francophone va au-delà de la langue partagée, cela lui apporte « un raffinement de la pensée ». 

Aujourd'hui, être francophone au Liban « me donne une force et m'ouvre les portes d'échanges et de la culture ». 

 

Le nécessaire témoignage des artistes sur une mémoire confisquée  

Hannibal Srouji-Terre -Mer X

« Quand je suis rentré au Liban au début des années 1990, il y avait 3 galeries d'art à Beyrouth, aujourd'hui environ 30 galeries ou centres d'art ont vu le jour. Ce foisonnement artistique est pour moi une chance. Mais, au Liban, toutes ces initiatives sont de l'ordre privé, la culture n'est pas soutenue par l'Etat mais par des artistes, des mécènes ». Il nous raconte l'histoire du Musée Archéologique de Beyrouth sauvé par une vente organisée par des artistes libanais. Il faut dire que ce pays sort d'une douloureuse guerre civile qui a duré de 1974 à 1992 et a mis à terre les rouages de l'Etat et a contraint à l'exil de nombreux artistes et intellectuels. 

Son retour au pays a d'ailleurs été marqué par un coup d'éclat artistique, une exposition de toiles peintes et brûlées, avec de légères aspérités, des « particules » ; exposition qui a provoqué un choc dans ce pays meurtri par la guerre. C'est comme si « la guerre s'exposait sur les murs ». Pourtant, quand on regarde ces peintures, la violence n'est pas explicite : pas de scènes effroyables, ni de morts, ni de sang stylisé. Juste des brûlures. Un critique d'art qui avait vu ces ?uvres avait tout d'abord pensé à « un parterre de fleurs ou des chiures de mouches écrasées ». 

Pour Hanibal Srouji proposer cette exposition à cette date là était un moyen de signifier que le sujet de la guerre pouvait être discuté au Liban par tous.  Selon lui, la mémoire de cette période noire et destructrice a été officiellement confisquée. Les manuels scolaires et les débats publics l'évoquent trop peu. L'engagement d'un artiste prend alors tout son sens et restitue, avec chaque sensibilité, cette période occultée. Des groupements d'artistes travaillent sur des archives, des lieux abandonnés, des documents d'images. 

Sa production d'artiste ne se détache pas d'ailleurs de son métier d'enseignant. Dans les deux disciplines, il s'est donné la mission « d'éclairer le regard ». 

En parallèle de son activité plastique, Hannibal Srouji donne en effet des cours en classe préparatoire en design et architecture à l'American University du Liban, où il « enseigne aux étudiants à voir »

De la violence à la paix ? 

Mais, plus de 26 ans après la fin de la guerre, qu'en est-il de l'évolution du débat sur cette période noire et de son propos d'artiste ? 

Il est vrai que le contexte international ne s'est pas amélioré vers plus de paix et que le Moyen-Orient et le pourtour méditerranéen sont toujours secoués par des conflits « Malheureusement, la violence et la guerre touchent de nombreux pays. Je me sens plus en sécurité aujourd'hui au Liban. En fait, le langage de la violence est compris par tous. Mais en parlant de violence, je parle également de réparation. Mon travail sur les « healing bands » évoque cela. Et le comble pour les situations de violence est, selon moi, l'indifférence ».

Depuis 26 ans, Hanibal Srouji, comme le signe d'un traumatisme si profondément ancré en lui, brûle ses toiles. Mais peu à peu, en changeant, les formes -bandes ou rondes- essaient d'apaiser. 

 

 

Pour écouter et rencontrer Hanibal SROUJI : Artist Talk 

The Journey Of an artist, Beirut, Montréal, Nîmes, Paris, 
Jeudi 23 mars de 15h à 17h 
Lasalle College of Arts, Windstedt Campus, 9 Windstedt Road Block B, Level 3, #B309

Pour voir ses ?uvres 

Burning Landscapes 
@ Galerie Intersections, 34 Kandahar street 

Photos : credits Intersections et Anne Valluy

Photo article : Hannibal Srouji, Terre -Mer X

 

 

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